BOURRASQUE-INFO.ORG

Site collaboratif d’informations locales - Brest et alentours

[Saint-Etienne] Un portrait de Synthé fait par une de ses marges

|

Si la municipalité et les autorités publiques imaginent une ville qui a souvent peu à voir avec la vie réelle de ses habitant’es, ce sont avant tout les activités et engagements de celleux-ci qui font de Saint-Étienne la Synthé qu’on connaît et dans laquelle on a envie d’habiter. Agnès, Jeannette et S., qui arpentent et font vivre les rues de Saint-Étienne depuis bien des années, nous livrent un aperçu du milieu associatif, informel et punk stéphanois et une analyse de l’évolution de la ville.

COUAC : Salut. Est-ce que vous voulez vous présenter et nous dire dans quels collectifs vous êtes engagé’es ?
Agnès : J’ai commencé à m’engager dans le milieu associatif en 1996-97. J’ai fait partie de Ras-le-front et de Le scalp [deux associations antifascistes] mais ma première réelle implication a été Jungle exotica – un groupe de gens qui ont eu l’idée de faire des repas végétariens autour de discussions thématiques, le lundi soir. On a abordé le végétarisme qui, à l’époque, était un sujet peu répandu, le Chiapas, la pornographie… C’était dans un local associatif et petit à petit, on l’a ouvert à d’autres initiatives. Ça a duré deux ou trois ans. Je suis aussi dans le collectif Avataria [1] depuis ses origines, en 1999. On voulait croiser l’organisation de concerts avec des sujets politiques, des conférences, etc. J’ai aussi participé au Numéro Zéro, un autre vieux collectif et qui existe toujours. L’idée de construire de toute pièce un média qui nous ressemble, ça m’a beaucoup marquée.
S : Moi, je suis entré dans le réseau militant par le punk. J’étais ado dans les années 1980 et il y avait peu de lieux pour le punk : les concerts se passaient à la Bourse du travail, dans une salle municipale, au bar Le mistral gagnant. Ce qui m’a plu dans le punk, c’est que dans un concert, tout le monde est actif. Chacun’e partage un fanzine qu’ille a fait, organise une cantine, etc. Il y a une culture « do it yourself » [fais-le toi-même] bien ancrée. J’ai commencé à être vraiment actif dans les années 1990 : on a monté des groupes, un fanzine, une émission de radio et un collectif qui s’est stabilisé sous le nom « La france pue ».
Jeannette : J’ai aussi commencé dans les concerts punks, à la fin des années 90. Ensuite, parce qu’on avait envie d’avoir des endroits pour vivre sans salaire et y organiser des événements comme on voulait, on a ouvert des squats. Et en 2000, on a aussi monté le Festival des résistances et des alternatives [2].

Vous parlez de la vague mondiale des médias libres, des festivals des résistances qui avaient lieu un peu partout en France. D’après vous, quelles sont les spécificités stéphanoises ?
J : À Sainté, à cette époque en tout cas, il y avait vraiment la possibilité de rencontres entre des gens très différents. C’est pas pour idéaliser un truc un peu mythique, mais vraiment ici les gens s’entendent bien, et bossent ensemble même s’ils sont un peu éloignés politiquement.
S : Oui, si tu compares avec les programmes des festivals des résistances de Grenoble ou de Paris, celui de Sainté était nettement moins politisé. C’était aussi un événement politique bien sûr, mais plus large. Cela dit, quelques années après, on a monté d’autres événements, qu’on a appelés Quartiers libres et qui étaient clairement plus politisés. Le but était moins de faire une présentation des initiatives underground que des levées de soutien pour des collectifs militants. La première fois par exemple, les sous étaient destinés à soutenir une radio associative, Radio Dio, et le projet d’ouverture de La gueule noire. Mais, oui, pour moi, c’est ça la spécificité de Saint-Étienne : la rencontre de plein de gens différents qui aiment faire des choses ensemble.

À Sainté, il y a un site d’info participatif, une radio associative, c’est assez notable pour une ville de cette taille. Comment cela a commencé ?
J : En 2002, suite à un concert au Sporting qui a été chargé par les flics. Tout d’un coup les keufs débarquent et arrêtent cinq personnes. Trois finissent en prison. De là un collectif se monte – Halte à la répression. L’idée au début était juste de récolter de la thune pour soutenir les personnes inculpées. Ça a tissé des liens avec d’autres collectifs actifs sur le sujet de la répression, certain’es d’entre nous se sont saisi de cette question et ont monté une émission contre toutes les prisons, l’émission Papillon, qui est relayée sur Radio Dio.
S : Radio Dio, qui existe depuis 35 ans maintenant, a vu passer toutes ces aventures.
J : Son histoire est un peu différente de nos collectifs : c’est une structure institutionnelle, qui vit de subventions, mais elle est ouverte. Il y a moyen d’y faire plein de trucs, musicaux et militants.
A : Le Numéro Zéro a eu une émission pendant deux ans, La france pue également.
S : L’audience de cette radio, le nombre de lecteurices du Numéro Zéro, ce n’est pas nécessairement important. Dans notre réseau, ce qui compte, c’est l’addition de toutes ces initiatives. Elles ne vont pas regrouper des milliers de personnes mais c’est en s’agrégeant que ces sujets prennent leur force.

Vous avez tou’tes les trois cité des collectifs qui existent depuis dix, quinze ans voire davantage. C’est de belles longévités pour des collectifs informels. Comment expliquez cette force de groupe qui dure ?
A : Si on parle de longévité, il faut aussi citer l’association Off coxaplana, qui va bientôt fêter les 25 ans de son aventure. Au départ, ils avaient installé une salle de cinoche dans leur salon au Crêt-de-Roc puis ils ont cherché un lieu pour ouvrir un cinéma alternatif. Ils ont monté le GRAN LUX sur un site d’usines. Ils étaient les premiers à négocier légalement l’occupation d’une friche industrielle. Pourquoi ces collectifs durent ? Je pense qu’il y a la taille de la ville qui joue. On est dans une ville de dimension moyenne et tu croises tes camarades régulièrement. Il y a des histoires d’amitié fortes à la base de ces collectifs. Et puis Sainté, c’est une ville qui n’est pas chère, cela correspond mieux à nos idéaux politiques. Mais j’ai une vision surtout pragmatique. Certain’es t’auraient dit que c’est l’histoire syndicale de Sainté. Personnellement, je n’ai pas d’héritage politique familial. Je pense plutôt que c’est la pression immobilière moins forte qu’ailleurs qui fait que c’est plus facile pour les mouvements libertaires.
J : De fait, cette année j’ai vu plein de nouveaux militant’es s’installer à Sainté. Parce que c’est facile d’y vivre pour pas trop cher.

ps : lire la suite sur le Numero Zero

Notes :

[1] www.avataria.org.

[2] Les Festivals des résistances sont apparus à la fin des années 1990 dans différentes villes, notamment à Grenoble, Rennes, Lyon et Paris. Ils combinent ateliers, rencontres, concerts, espaces de gratuité, etc.

proposer complement

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Publiez !

Comment publier sur bourrasque-info.org ?

bourrasque-info.org est ouvert à la publication. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment y accéder et procéder !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail contact bourrasque-info chez protonmail.com