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Mouvements de masses cherchent tête et plus si affinités…

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Un peu de stratégie, ça ne fait jamais de mal, ainsi qu’un petit bilan pour en tirer des conséquences...
Nous essayerons ici d’être le plus synthétique possible. Il s’agit de pistes à gros traits. Pour étayer nos propos, n’hésitez pas à cliquer sur les hyperliens renvoyant à des articles de presse.

Un nouveau cycle de luttes des classes s’est ouvert en France avec la Loi Travail en 2016, Nuit Debout… Le ministre de l’économie Macron, devenu président passa une 2ème Loi travail qui déclencha des manifestations et grèves en septembre 2017 jusqu’à fin novembre, puis s’attaqua au statut des cheminots et amorça l’ouverture à la concurrence de la SNCF, ce qui déclencha d’avril à juin 2018 une « grève perlée » de leur part. Puis vint le soulèvement populaire des Gilets Jaunes le 17 novembre 2018, d’abord massif puis diminuant progressivement en affluence et dynamisme jusqu’à l’été 2019. Ensuite ce fut le mouvement de grèves contre la casse du système de retraites débuté le 5 décembre 2019, historique par sa durée, jusqu’à mars 2020 et le 1er confinement qui anesthésia le mouvement social et écologiste qui s’était développé en même temps que les GJ, avec notamment la Marche pour le climat du 21 septembre 2019 à Paris. Mais en juin 2020, une partie de la jeunesse, notamment, se mobilisa contre les violences policières et le racisme à l’appel du Comité Adama et suite à la mort de Georges Floyd aux États-Unis, étouffé par un policier. En novembre 2020 une mobilisation d’ampleur vit le jour contre la Loi sécurité globale et dura tout l’hiver. Au printemps 2021 se fut le mouvement d’occupation des lieux de culture avec à Brest la formation du collectif Quartz Occupé. Enfin, dernier en date et qui surprit par son affluence pour un mouvement social débuté en plein été (le 14 juillet 2021), celui contre le passe sanitaire. Autant dire que le quinquennat Macron, quasi terminé, passé l’attentisme post-électoral et l’effet de sidération de sa brutalité néo-libérale fut constamment innervé de mouvements sociaux, écologistes, féministes, LGBTQ+, antiracistes etc. Aujourd’hui les conditions économiques (inflation, hausse des dépenses contraintes) qui avaient favorisé l’émergence des GJ sont plus que jamais réunies pour un soulèvement populaire, mais l’histoire ne se répète pas, mécaniquement, les mêmes causes ne produisent pas nécessairement les mêmes effets. D’autant plus que les périodes pré-électorales sont plus propices à l’expectative du corps social qu’aux mouvements sociaux d’ampleur… et l’épuisement militant n’est pas à sous-estimer.
Peut-être est-ce alors pour nous le moment d’esquisser le bilan de cette intense période de luttes, retirer ce qui peut nous permettre d’avancer pour être prêts en vue de périodes moins calmes socialement.

REVENONS SUR QUELQUES UNS DE CES MOUVEMENTS ET PLUS PARTICULIÈREMENT CEUX PLUS SPONTANÉS SYNDICATS ET PARTIS POLITIQUES SONT QUASI-ABSENTS

Commençons par le dernier en date contre le passe sanitaire. Dès le début, plus encore que pour les GJ, celui-ci était pour le moins hétéroclite et comprenait une frange clairement d’extrême droite. Drapeaux français à croix de Lorraine laissant perplexe mais surtout d’autres de l’Action Française, organisation aux origines antisémites, ainsi que d’autres groupuscules d’extrême droite. Circulaient aussi des familles catholiques intégristes. Disons que la composition sociale était plus « embourgeoisée » [1] que celle des GJ, surtout après que des petits patrons désertèrent ces derniers quand les revendications se firent plus sociales et la mobilisation plus insurrectionnelle. Qui plus est, le mouvement anti-passe était largement pollué par des antivax hystériques et adeptes de théories du complot délirantes de tous poils. On vit même à Brest une pancarte antisémite, peut-être d’autres, avec un certain « laissez-faire », soit par ignorance ou alors par complaisance !… Bref, une grande confusion qui ne fut pas non plus absente du mouvement des Gilets Jaunes. Mais les revendications s’affinèrent... du fait notamment de militants plus chevronnés qui apportèrent leur expérience, pratiques et fond idéologique afin que ce mouvement ne soit pas laissé en proie à la récupération d’extrême droite. Globalement, le mouvement anti-passe peina à s’affirmer sur des postions rationnelles d’émancipation. Beaucoup réclamaient plus de liberté avec une composante individualiste certaine, ou de « clan » familial, pour pas que le petit dernier se fasse piquer ! Quelle liberté réclamaient-ils ? Le concept était suffisamment large et donc vide, pour y caser à peu près n’importe quoi.

Un mouvement de masses est par nature contradictoire, hétérogène. D’autres émergeront de ce capitalisme en crise systémique... Le facteur environnemental, réchauffement climatique largement imputable à ce mode de production et d’échange, risque d’accélérer des effets sociaux désastreux et contrecoups autoritaires ne serait-ce que par anticipation. Autant dire que les temps risquent d’être difficiles. On rappellera la fameuse phrase de Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. » Exprimée il est vrai en d’autres circonstances… Mais, autant dire qu’une fraction de la bourgeoisie est prête à appuyer (financièrement) un régime autoritaire, voire nationaliste identitaire. Il suffit de voir la relation de Vincent Bolloré avec son poulain pour la présidentielle, l’affreux Z. La concentration capitalistique dans les médias se poursuit. Le même Bolloré dirige effectivement désormais Europe 1, le JDD et Paris Match et lorgne maintenant sur Le Figaro. De plus, une fusion TF1-M6 se profile en 2022 sans que le CSA ou le gouvernement n’y trouvent à redire. Bref, c’est tout le système de l’information et donc les libertés démocratiques qui sont en danger. Et l’hégémonie culturelle, largement néolibérale tend à se faire nationale-identitaire.

Ainsi, sans qu’il n’y ait de lien mécanique, cet écosystème politico-médiatique influe dans le mouvement social. Et une partie des GJ, qui s’accordaient sur des revendications économiques (pouvoir d’achat), pour plus de démocratie, est attirée par toutes sortes de démagogues et autres vidéastes délirants. Ceci, notamment du fait d’une défiance accrue envers les médias. Ceux-ci ont bien sûr été victimes de la concentration et ont donc réduit leurs effectifs et moyens alloués, notamment à l’investigation. Les conditions de travail se sont dégradées et la précarisation généralisée touche aussi ces professions. Pour les chaînes d’info en continu, il est bien moins onéreux et donc plus rentable de faire dégoiser à longueur d’antenne toutes sortes d’éditorialistes et pseudo-spécialistes que de mener des enquêtes au long terme onéreuses sur des multinationales aux pratiques douteuses ou sur l’évasion fiscale par exemple. De plus, les gens se sont bien rendus compte du côté partisan de ces médias, de leur faveurs envers l’ordre en place plutôt que pour les classes populaires. Les grands médias ont mis tellement de temps à évoquer les violences policières pendant les GJ que l’on pouvait croire à une réalité parallèle lorsque l’on comparait leurs informations avec les vidéos sur les réseaux sociaux de violence policières. La pandémie n’a pas arrangé les choses et chacun va chercher de l’information dissidente en ligne. Le recul du mouvement ouvrier, partis de gauches et syndicats qui assuraient malgré tout une sociabilisation politique et une formation militante, contribuent à cet état de désemparement. L’ouverture à la mondialisation, la mise en concurrence des « prolétaires de tous les pays », la désindustrialisation et la perte de bastions à forte concentration ouvrière également, avec 40 ans de chômage de masse...
Ainsi, cette faiblesse à obtenir gain de cause lors de mouvements sociaux de la part des syndicats et de leurs appuis de gauche traditionnels laissent la place à toutes sortes de récupérations de mouvements de masses sans tête, sans direction, sans trop savoir où aller. Le risque est que l’extrême droite profite de cet état de fait.

Alors la « gauche » anticapitaliste doit assumer de proposer des orientations et prendre la tête de ce « corps sans tête », masse atomisée, où chacun part un peu dans tous les sens. Il ne s’agit pas ici de reproduire un modèle à l’identique d’« avant-garde » éclairée à la façon des bolcheviks de 1917. L’époque est beaucoup moins violente et les rapports sociaux notamment militants, pacifiés. Mais bien assumer d’apporter un horizon politique positif, à savoir le communisme ou transitoirement l’écosocialisme. Ne plus se contenter d’être anti, post et de rester dans l’alter ou la négativité. Affirmer une positivité désirable ! Celle-ci implique un changement du régime de propriété (des grands moyens de production) et une socialisation graduelle de l’économie. Et la question du bien-être au travail est ici essentielle ainsi que celle du sens qu’on lui donne, son utilité sociale, que produire, comment, pourquoi (dans un soucis écologique)... Il est peu probable que tout se fasse en un jour et que l’État s’effondre du jour au lendemain.
Pour cela il est impératif d’avoir notre propre Presse (papier, web, tracts etc.), être clairement identifiés (logo et contacts), audibles Nous devons avoir une structure suffisamment organisée, flexible et mobile pour prendre le cours de mouvements sociaux de masse dès leur démarrage et s’y déployer, ceci sans horizontalité absolue, excessive car non praticable quant-à la réactivité nécessaire. Et tout en laissant une large part à l’initiative, à la formation d’équipes de travail par thématique (communication, logistique etc.) à partir d’un inventaire des « compétences » et des tâches à effectuer, puis l’attribution de celles-ci aux volontaires.
Le tout, avec suffisamment d’information interne pour assurer une coordination efficace et la recherche d’alliances et de coordination avec des groupes militants déjà constitués pour agir plus massivement et efficacement dans le même sens. Un lieu est bien sûr nécessaire pour une coordination interne comme externe. Chaque groupe pouvant donc y être force de proposition lors d’assemblées et les rencontres et pratiques se développer.
À un moment il faudra bien se le dire. L’adversaire lui est puissant, organisé ! À nous de l’être également pour être à même de le combattre.

Rappelons aussi que les stratégies ne s’opposent pas. Idéalement on pourrait imaginer un alignement des planètes, peu probable mais c’est à titre d’exemple : un pouvoir d’État aux mains de « sociaux-démocrates » (au sens du 19ème siècle, plus anticapitaliste, socialisant) revenant sur des privatisations (énergies, transports etc.) et étendant des nationalisations (ou socialisations) à d’autres secteurs stratégiques de l’économie, sous contrôle citoyen avec une véritable démocratie économique ; poussé au cul par un mouvement de masses puissant aux revendications claires, une grève générale expropriatrice avec occupation de lieux de travail animée par des collectifs autonomes et des syndicats révolutionnaires ; ainsi que des menées de type insurrectionnel, de sabotage ; de désobéissance civile (non violente de type Extinction Rebellion pour « sensibiliser » la population, lanceurs d’alerte) ; et des « à côtés » du capitalisme, élaborations plus localisées de types ZAD dont la réalisation est nécessaire et souhaitable mais la généralisation par archipélisation peu probable. On peut même si l’on pousse l’imagination, ajouter une fédération de communes libres fonctionnant selon les principes du municipalisme libertaire de Murray Bookchin. L’État dont le dépérissement peut s’envisager, pourrait alors favoriser ce type d’expériences voire les valider dans le droit… On peut toujours rêver, mais tout ça pour dire que ces différentes modalités ne s’excluent pas nécessairement et que leur combinaison est possible, peut-être pas probable.

Donc ici, pas de positions maximalistes. Prenons ce qu’il y a à prendre ici et maintenant, avançons nos idées pour un changement d’hégémonie culturelle à visée anticapitaliste et affirmant le communisme comme futur désirable. De plus, le péril climatique pourrait bien favoriser la diffusion de ce nouvel habitus communisant et l’anticapitalisme se répandre culturellement. Tout ça ne se fera pas spontanément. Nous devons savoir où aller, sans plan tout ficelé à prendre clef en main. Précisons tout de même que, bien sûr, il ne s’agit aucunement de reproduire les tares des expériences des pays dits du « socialisme réel », à savoir un « État-caserne » hyper centralisé et bureaucratisé, des libertés démocratiques limitées pour dire le moins, un hyper productivisme etc.
Préférons plutôt la définition de Karl Marx (1) :
« Le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes. »
Définition bien abstraite certes mais nous épaulant pour affirmer qu’il n’est pas question pour nous de plan clef-en-main mais d’une dynamique de transformation partant du réel, concrète et localisée, qui laisse place à toutes sortes de formes à définir collectivement tout en prenant en compte les réalités historiques, tout ce que le mouvement ouvrier à produit comme institutions, pratiques et idées. Ceci, sans tout de même perdre de vue un horizon stratégique et idéologique.
En d’autres termes, il nous faut sans cesse travailler à savoir où l’on veut aller sans idée préconçue et dogmatique et être enclin à rectifier la trajectoire si nécessaire, parfois plus tactiquement selon les circonstances.
Nous ne partons pas d’une table rase. Alain Badiou voyait en l’époque actuelle une analogie avec celle de Marx et Engels lorsqu’ils écrivirent le Manifeste du parti communiste paru en 1848. De parti communiste il n’y avait pas mais pullulaient les « sectes » socialistes de tous poils, utopistes, dispersées et inorganisées. Il y avait donc tout à inventer pour unifier un tant soi peu une « doctrine » rationnelle partant de l’analyse des réalités économiques ainsi que les divers courants socialistes. La tâche était colossale et prit des décennies.
Sans tomber dans la bureaucratisation, il nous reste à inventer et concrétiser un fonctionnement efficace qui, partant des réalités de notre temps, nous permette d’augmenter notre puissance et d’affirmer une proposition idéologique claire.

SORTONS DU « MOUVEMENTISME » POUR : STRUCTURER, FÉDÉRER, COORDONNER... POUR ALLER TOUS DANS LEME SENS AUTOUR D’UNE PROPOSITION COMMUNISTE ÉCOLOGISTESIRABLE !


(1) L’idéologie allemande, Marx et Engels, Éditions sociales, Paris 1971

Pour étayer le propos (lectures ayant entre autres inspiré cet article) 

Sur des visées stratégiques et le communisme :

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