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[Brest] L’état policier en action [2e partie]

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Suite en fin du récit de la journée du 17 mars, journée de manifestations de la jeunesse contre le projet de loi « Travaille ! » qui a été marquée par la présence policière et la répression partout en France.

Un caddie, des cris et du Chopin

Les préparatifs de la manifs vont bon train : un groupe est à la Bibliothèque Universitaire pour rédiger un communiqué à propos des événements de la matinée, un autre fait de l’information sur le parvis, distribuant l’appel à manifester, un autre groupe fait le tour des amphis, où l’accueil est plus ou moins sympa. Il y a notamment un amphi d’historien qui a applaudi la harangue d’un étudiant : « Nous, on veut juste travailler, aller en cours, vous nous saoulez avec vos manifestations ! » ; d’autres discutent de la stratégie a adopter pour la suite. N’ayant toujours pas de nouvelles d’un groupe, celui qui a été interpellé, un mec appelle le boulot d’un des gars : il n’est pas venu travailler. aucun doute, il a été interpellé
Vers 10h30, le gros du groupe décide de passer dans les couloirs pour appeler à manifester. Armé d’un caddie contenant une enceinte et d’un lecteur mp3, ils/elles avancent joyeusement, gueulent dans les couloirs «  Manifestation !  », « Bougeons-nous ! » ou encore « Personne d’autre ne nous défendra !  » sur le sample de Chopin de That’s My People de Suprême NTM. Au milieu de la fac, une alarme incendie retentit mais est stoppée à peine cinq secondes après. Nouvelle tentative, en vain : le système d’alarme a été désactivé, au mépris de toutes les règles élémentaires de sécurité ! Il ne reste qu’à espérer qu’aucun feu ne va se déclarer, même si chez certains, ce n’est pas l’envie qui manque… «  Mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? Juste d’être un peu plus nombreux  ».

Retour sur le parvis, pas sûr que la joyeuse bande ait ramené du monde ; qu’importe, elle s’est au moins faite entendre ! Ils/elles sont dans leur fac, ils/elles sont libres et déterminé-e-s, sont et seront toujours là, malgré le nombre de flics posté-e-s à l’entrée, malgré l’hostilité de l’administration, de certain-e-s enseignant-e-s et étudiant-e-s.
Le maigre cortège, à peine une cinquantaine de manifestant-e-s, se dirige vers la Place de la Liberté, toujours au son du caddie, drapeaux rouges fièrement dressés. Ce n’est pas vraiment un cortège mais plutôt un mur qui s’avance, bloquant la circulation. Pas besoin d’être nombreux-ses pour se faire entendre ! Cortège lycéen et étudiant arrivent en même temps : la synchronisation est parfaite et le haut de la place devient vite noire de monde.

Lycéen-ne-s + UNEF = crachat

Une première nouvelle vient égayer la matinée et on la doit aux lycéen-ne-s. Deux types de l’UNEF ont été à Kérichen, d’où partait le cortège lycéen et, au départ de celui-ci, ont jugé à propos de se placer en tête de cortège, banderole et drapeaux fièrement dressés.
Mauvais calcul de leur part ! Des lycéen-ne-s ont commencé a gueuler, leur ont demandé de rester en retrait et de laisser passer la banderole faite pas les lycéen-ne-s. Visiblement, une surdité passagère a touché nos deux cons-pères puisqu’ils n’ont pas répondu.
Nouvelle tentative, le nombre de mécontent-e-s augmente peu à peu mais toujours aucune réaction de la part des politichiens en herbe. De colère, face au mépris affiché, un lycéen arrache le drapeau d’un des deux et le casse en plusieurs morceaux alors qu’autour de lui fusent les applaudissements et les « hourras ! ». C’est alors que les lycéen-ne-s qui tenaient jusqu’alors la banderole la lâchent d’un coup. Malheurs, les deux syndi-cons essayent de la récupérer mais le cortège avance et la piétine, sans un certain plaisir visiblement… Pendant qu’ils tentent en vain de récupérer leur bien, des lycéen-ne-s leur crachent dessus, dégoûté-e-s par cette récupération politique d’un bien mauvais goût…

À la violence symbolique des dominants, on ne peut opposer que la violence physique : finalement les UNEFiens s’en sont plutôt bien tirés, d’autant plus qu’il avait été convenu avec le Collectif en lutte durant la précédente AG qu’ils pouvaient avoir leurs drapeaux et leur banderole mais qu’ils devraient rester à l’arrière du cortège  ! Ils ont donc bafoué l’AG, qu’ils ont eux même reconnue comme "légitime et souveraine" ! Cet épisode, qui s’est répété un peu partout en France, aura des conséquences qui seront décidées dans la semaine suivante.

« Bonne année 1984 »

Après avoir lu au micro le communiqué préparé le matin, le cortège se met enfin en branle, direction la sous-préfecture, en soutien aux sans-papiers et pour demander le retrait de la loi "Travaille !". Un cordon de CRS est protégé par les hautes barrières, le cortège s’amasse devant et hurle : "Retrait, retrait, retrait d’la loi Travail ! ".
Les manifestant-e-s repartent en laissant derrière eux quelques affiches "Bonne année 1984" collées aux murs, des "ACAB" peints et surtout beaucoup de petits drapeaux "FO" au sol, distribuées par des syndicalistes sans scrupules aux lycéen-ne-s au tout début de la manifestation, contrairement à ce qui avait été prévu avec le Collectif en lutte lors de l’AG. Encore une récupération politique des syndicats qui n’aiment vraiment pas les mouvements sociaux autonomes et indépendants.
Direction le Télégramme, pseudo journal d’informations mais véritable organe de communication de la mairie de Brest et de la caste dirigeante. Mais les manifestant-e-s ne trouvent que des rideaux baissés, comme quoi les journalistes honnêtes n’ont pas la conscience tranquille...
Ils/elles ne manqueront pas de moquer dans leur édition du lendemain le "mito" tagué sur l’un des rideaux, ne comprenant pas qu’il est dû à la présence massive des flics et des RG, qui forcent à aller au plus vite . Leur réaction symbolise aussi le mépris de la jeunesse, ce besoin vital de prôner les règles au travers de la rigidité et de la normalisation de la langue, faisant un tri entre le "bon" français et le "mauvais" français. Si le mot est mal orthographié (selon les normes arbitraires de l’Académie Française, assemblée composée d’élites fossilisées, qui a inscrit jusque dans la linguistique la domination des classes et la violence symbolique), il reste totalement compréhensible : le Télégramme jette le discrédit sur tous les mouvements sociaux et populaires en mentant depuis plusieurs années (depuis toujours diront certain-e-s...) et ne valorise que les mouvements allant dans le sens des dominants (manifestation"Vent debout pour l’emploi" du Crédit Mutuel, événements organisées par la mairie, etc.) ; il ment et croit lui même à ses mensonges : c’est bel et bien un mytho !

« Fuck da Police ! »

Après avoir vomi leur dégoût de la presse vendue au pouvoir, les manifestant-e-s se dirigent vers le commissariat de Colbert. Énervé-e-s contre la police, bras armé de l’État, sur le titre "Fuck Da Police" de N.W.A, les étudiant-e-s soutenu-e-s par les lycéen-ne-s, les travailleur-euse-s, les syndicats, les chômeur-euse-s, ont crié d’une seule voix : "Libérez nos camarades !" Des coups de pieds ont été donné dans la haute grille verte ; le souvenir des keufs barrant le passage de la fac le matin même est dans tous les esprits.
On peut lire sur le mur du comico : "1 flic, 1 balle". La violence des mots est à la hauteur de la violence du pouvoir, c’est toujours les plus armé qui décident du degré de violence. Même si c’est une seule personne qui a fait ce tag, c’est une pensée visiblement partagée par beaucoup.

Après un passage devant la rédaction du Ouest France, qui n’a pas manqué d’égratigner le mouvement à grand coup de clichés et de contre-vérités à chaque occasion, le cortège s’arrête devant les locaux du PS, où fusent des "social-traître" et autres joyeusetés. Mais là encore, pouvoir oblige, un cordon de flics les attend, empêchant toute action.
Dans cette étroite rue, certain-e-s des manifestant-e-s ne se sentent pas en sécurité. En effet, les RG sont très proches et la BAC semble au taquet. Une rumeur parcourt la foule : les condés cherchent une personne au cheveux longs. Autant dire n’importe qui.
Le trajet initialement prévu est détourné par les flics, à cause d’un bus qui bloque la rue, ce qui provoque un peu le bordel dans le cortège. Après être passé devant la fac Segalen, la fin de la manifestation a été proclamée à Liberté, entourée par les keufs scrutant la foule, toujours à la recherche de quelqu’un-e.

« T’aimes ça les doigts, toi, hein ? »

Après la manifestation, une AG est organisée à la fac de Lettres. Elle regroupe tou-te-s les acteur-rice-s de la lutte. Le comportement de l’UNEF a été unanimement condamné, ainsi que celui de FO pour avoir distribué aux lycéen-ne-s leurs drapeaux. Il a aussi été dénoncé la collaboration de quelques un-e avec la police, en leur donnant le trajet au fur et à mesure, empêchant tout effet de surprise et possibilité d’action.
À la fin de l’AG, ils/elles apprennent que leurs camarades interpellés dans la nuit ont été relâchés. Leur récit est assez glaçant : des insultes, des pressions, des menaces... La camarade a raconté que pendant la prise de ses empreintes, les flics faisaient des allusions perverses et franchement dégueulasses : "T’aimes ça les doigts, toi, hein ?" Ils ont passé 15 heures en garde à vue pour avoir pris un parpaing et deux planches de bois donc .

Un véritable guet-apens

Deux heures après, un groupe de trois personnes part car l’un-e d’entre elle/eux doit aller travailler. Alors qu’elles/ils traversent l’hôpital, la Volvo bleu nuit de la BAC s’arrête devant elles/eux, suivie de quatre motards et de deux voitures, ce qui fait 10 policiers pour interpeller une personne ! La violence de l’interpellation fait que les flics ressemblent plus à une meute de clébards enragés qu’à des fonctionnaires qui font leur métier : on dirait un véritable guet-apens tendu par une bande de mafieux voulant se venger d’un mauvais coup.
Une des personnes est interpellée pour avoir tagué le "1 flic, 1 balle" (que le Ouest France a transformé en "A good cop is a dead cop", allez savoir pourquoi... Ah si, ils/elles ne sont pas journalistes, c’est pour ça), l’autre pour posséder plusieurs clichés des condés posté-e-s devant la fac le matin. Trois et six heures au poste, des interrogatoires, notamment des RG qui s’intéressent aux mouvements autonomes, plus une tripotée d’insultes ("pétasse", "p’tite conne")... bref, la routine pour elles/eux.

En résumé, et pour finir, la répression a été l’unique réponse d’un pouvoir sclérosé, dépassé par un mouvement qui évolue hors des cadres légaux et syndicaux et ceci à l’échelle nationale. Pour casser ce mouvement qu’ils/elles ne contrôlent pas, ils sortent les chien-ne-s de garde en "oubliant" de leur mettre la muselière.
Ici, à Brest, la répression a été moins forte qu’à Tolbiac ou à Rennes par exemple, mais elle était quand même là, psychologiquement et symboliquement, ceci malgré le fait qu’il n’y a eu aucune casse malgré presque 300 manifestant-e-s.
Comme quoi la répression a vachement bien fonctionné.
Nous avons une pensée pour tou-te-s les interpellé-e-s, que ce soit les 6 camarades de Brest ou tou-te-s les autres en France
Mais on s’en fout, jamais on ne reculera.

Ceci n’est que le début de leur fin.

ACAB

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