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Un gigantesque red flag, en forme de livre

Une invitation à lire une critique de « Le conflit n’est pas une agression » de Sarah Schulman

Ce texte est une invitation à lire la traduction française de One giant red flag folded into a book, une critique du livre Le conflit n’est pas une agression de Sarah Schulman édité en france par b42. Cette critique est disponible sur luckyleuk.noblogs.org.

Une invitation assez pressante au vu du succès du livre de Sarah Schulman dans des milieux allant des anarchistes aux sociaux-démocrates. L’ouvrage est ainsi cité en référence dans le podcast Les couilles sur la table, par le collectif Fracas dont une des fondatrices, Elsa Deck Marsault, à écrit le livre Faire Justice et où bien évidemment elle cite l’ouvrage en référence dans les notes de bas de page (pages 87, 98, 114). On retrouve aussi l’ouvrage en référence dans le zine Le Village que l’on peut aussi bien trouver dans des infokiosques anarchistes, sur les sites du réseau mutu qu’à la Bibliothèque Anarca-féministe de Toulouse.
Or nous pensons que ce livre est dangereux. Les thèses que l’autrice y défend sont autant d’arguments servant à maintenir pour l’abuseur son emprise sur sa victime. Plutôt que de donner des outils pour différencier les conflits et les agressions, le propos amène à utiliser des outils de gestion de conflits pour traiter des agressions. De plus, l’ouvrage est construit de manière à faire ressentir de l’empathie pour l’agresseur, le harceleur mais ne fait jamais la même chose pour ses victimes. Ce n’est donc pas un hasard si on retrouve ces problèmes dans l’ensemble des productions qui s’en réclament.
Ainsi on trouvera dans le premier numéro du zine Le Village, le texte Pour Alec inséré sans aucune contextualisation. Dans ce texte, la sœur d’un agresseur prend sa défense, accuse ses victimes de mentir, euphémise très fortement les faits qui lui sont reprochés et rend responsable la prise de parole des victimes comme cause du suicide de leur agresseur.
Les mêmes problèmes sont présent dans Faire Justice où l’immense majorité des situations ne concernent pas du tout des affaires de violences sexuelles. Et si l’autrice y évoque les conséquences du "call out", elle n’évoque jamais les conquénces des violences subies qui conduisent au "call out".
L’angle très pro-technologie de William Gillis et certaines références très états-uniennes peuvent poser questions. Néamoins, on trouve que ces points ne nuisent pas réellement à la compréhension ou à la qualité du coeur du propos. Dont nous vous proposons quelques extraits.

« [...], Schulman a, [...], été dégagé de Toronto pour avoir abusé et stalké son ex, avoir enfreint ses limites personnelles de manière répétée et s’être même présentée à son domicile. Quand elle écrit des trucs comme "la résistance à la marginalisation, à l’exclusion et à la domination, bien que nécessaire, est interprétée comme une attaque", elle est ouvertement en train d’essayer de présenter sa propre histoire personnelle de violation des limites personnelles de quelqu’un comme une résistance moralement nécessaire plutôt que comme de l’abus. »

« Schulman fait trois grandes erreurs :
1) Centrer la communauté, collectivité et les relations existantes – en opposition à l’agence individuelle – comme précieuses en tant que telle, et comme la source des solutions.
2) Surestimer de manière ridicule l’utilité ou le potentiel de la discussion verbale, et prioriser le fait de maintenir des lignes de communication plutôt que d’adopter la libre association.
3) Traiter le refus de parler comme étant en soi abusif, ou en tout cas comme un heurt choquant de sévérité, plutôt que comme quelque chose qui n’est pas seulement pragmatiquement nécessaire parfois, mais également au cœur et inextricable de l’agentivité individuelle.
Un des résultats de ces erreurs (et d’une variété d’autres qui les renforcent) est de faire tomber l’abus réel dans la catégorie du conflit en réorientant le focus de la critique en direction des survivantes et des personnes qui essayent d’établir des limites autour de la communication et de l’association. »

« Ce qui est assez nouveau avec CEPA c’est que le livre essaye de produire un argument moral cohérent et unifié en faveur du rejet de limites personnelles (la "dérobade") et des boycott par-le-bas (l’"exclusion") dans leur ensemble. C’est ça qui rends le livre si incroyablement dangereux en tant que texte de ralliement pour les apologistes de l’abus. »

« Schulman fait comme s’il était ridicule de dire qu’on a un droit à l’exclusion mais il est évident qu’on a un droit à l’exclusion. Bordel de merde on a rien du tout si on a pas au moins ça ! Dans le sens que nous, en tant qu’individus, on doit avoir la liberté centrale de pouvoir choisir avec qui on s’associe et avec qui on perds du temps à interagir. C’est le prémisse même de l’agentivité individuelle : le choix. Pas « la voix » dans un assemblage démocratique, mais plutôt le choix de si on veut se pointer ou non. Et bien sûr, le choix de scinder l’organisation ou le groupe et de décider de se rassembler dans un autre groupe qui n’inclura pas les connards qui défendent le pédophile. »

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