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Errekaleor Bizirik ! ! Un quartier squatté du Pays Basque

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Au coeur du Pays Basque, en Espagne, dans la ville de Vitoria-Gasteiz se trouve le quartier, aujourd’hui entièrement squatté d’Errekaleor. Ce quartier qui s’élève sur une petite colline, entre zone industrielle, campagne et immeubles flambant neufs est composé de 16 barres d’immeubles identiques de deux étages, divisés en deux blocs de six appartements chacun.

Mai 2018/ Les pigeons voyageurs, contrevents & marées

Initialement appelé « Un meilleur monde », Errekaleor tire son nom de la rivière qui coule à ses pieds. Ce quartier périphérique a été construit pendant le franquisme dans les années 1950, à une période où la ville cherchait à développer son industrie et avait besoin de logements pour les travailleurs ouvriers de ces entreprises. A l’époque plus de 1 200 ouvriers logeaient dans ces 192 appartements. Avec la désindustrialisation, la municipalité de Vitoria-Gasteiz cherche à partir des années 80 à chasser petit à petit les habitants de ce quartier en leur proposant le rachat de leur appartement et en réduisant les services de proximité. L’objectif ultime est la démolition de ce quartier en vue de la construction de bâtiments plus modernes. Quelques habitants résistent mais malgré cela les appartements abandonnés se multiplient et Errekaleor se transforme en quartier fantôme.
En 2013, alors qu’il ne restait plus que quelques propriétaires, l’un d’eux offrit ses clefs à quelques jeunes étudiant.e.s de l’université du Pays Basque. IIles avaient pris contact avec les habitants du quartier depuis plus d’un an avec l’idée d’occuper les appartements vacants. Une première vague de 10 étudiant.e.s occupa les lieux et ainsi commença la plus grande expérience alternative d’autogestion développée dans l’État Espagnol dans l’histoire récente.

Parce que y’a pas que la taille qui compte !

Ce squat a, au départ, répondu à la difficulté de l’accès au logement des étudiant.e.s qui revendiquaient le droit à un logement abordable.
Au fur et à mesure, un projet collectif qui dépasse largement ces revendications étudiantes a émergé et Errekaleor est devenu un lieu contestataire, d’expérimentation et d’utopie réelle.
Ce lieu s’articule autour de 3 piliers : l’anticapitalisme, le féminisme et la valorisation de la culture et de la langue basque. Les habitant.e.s d’Errekaleor voient dans leur occupation une forme de militance intégrale, un projet d’autogestion communautaire qui permettrait de penser et de construire une autre société. L’Euskera – le basque - est la langue « officielle » du quartier et les habitant.e.s qui ne le parlent pas sont invité.e.s à l’apprendre dans le cadre des cours donnés au centre social.
Bizirik signifie « vivant », « en vie » en euskera. Errekaleor Bizirik c’est un projet collectif pour insuffler de l’animation dans ce quartier, rénover ses bâtiments, l’habiter et le faire découvrir ou redécouvrir aux habitant.e.s de l’extérieur, colorer ses façades, multiplier les fêtes, les activités et les projets.
A Errekaleor on a appris à bricoler par la force des choses. De l’électricité, aux canalisations en passant par la pose de fenêtres, les étudiants d’Errekaleor ont appris ensemble en rénovant leur bâtiment. Le centre social, le gaztexe (salle des jeunes), le studio d’enregistrement, le gymnase et les jardins potagers sont mis en commun et permettent de développer des ateliers, des spectacles et événements de tout poil.

Un quartier fortifié

Herri Harresiak, littéralement la ville fortifiée ou mur humain est une action de résistance civile où les individus s’agrippent les uns les autres voir s’enchainent à quelqu’un.e ou quelque chose. Ce mode d’action a été particulièrement utilisé lors d’arrestations de militant.e.s de l’extrême gauche basque.
Cette technique a aussi servi à Errekeleor, lorsque le 18 mai 2017, la police débarqua avec la ferme intention de couper l’électricité dans le quartier. L’Ertzaintza, la police basque, coupa les câbles d’alimentation et tenta d’atteindre le transformateur électrique qui permettait une forme d’autonomie énergétique dans le quartier. Le 18 mai 2017 Errekaleor est dans la panade… enfin dans la pénombre.

On n’éteint pas un feu avec du vent

Suite à cette intervention policière, quelques blessé.e.s, des arrestations... et plus de lumière, excepté dans le gaztexe qui bénéficie d’un groupe électrogène grâce à la générosité d’un autre collectif. Les habitant.e.s se regroupent pendant des semaines, des mois, dans ce lieu commun et organisent cette vie sans lumière, la résistance et une campagne de crowdfunding pour l’installation de panneaux solaires.
L’hiver sera dur. L’hiver sera long avec un poêle à bois ou un chauffage au gaz par appartement. Mais cette coupure d’électricité a renforcé les liens entre les habitants et l’unité dans le quartier. Les soutiens de l’extérieur aussi sont considérables et la campagne de crowdfunding atteint les 100 000 euros en 50 jours. Les panneaux commenceront à s’installer à l’automne et le mois de février sera marqué par le retour de la lumière. Depuis, l’électricité se veut collective, un frigo par bloc, douches
chaudes dans le gymnase et sa consommation a été réduite de plus de 70%.
Errekaleor fête en ce mois de mai l’anniversaire de la coupure d’électricité et surtout le retournement de situation qui en a découlé.
Une fresque, une tablée immense, des concerts ainsi qu’une pièce de théâtre sont attendus.
Une manière de témoigner de la reconnaissance au soutien populaire dont illles ont bénéficié.
Os ha salido la rana ! Ils ont péché la grenouille ! cette expression est devenue le leitmotiv du quartier. Il s’agit d’une vieille expression qui indique que quelque chose de mal, de décevant a surgi, quelque chose qui s’est avéré être tout le contraire de ce qui était attendu. Car la municipalité qui voulait voir les habitant.e.s de ce quartier quitter les lieux et le démolir sous prétexte de sécurité n’a fait que qu’affermir la détermination des occupant.e.s.

Iles se sont sentis plus uni.e.s, plus nombreuses.eux, plus solides et plus vivant.e.s que jamais grâce au considérable soutien populaire.
Malgré la tentative de criminalisation, Errekaleor est même devenu une référence de quartier occupé et autogéré avec l’implémentation de ces panneaux solaires. Elle représente la plus grande installation du pays basque.
Tout un symbole.

La pêche à la grenouille

La coupure d’électricité, puis l’installation des panneaux solaires ont finalement renforcé la communauté et l’ont amenée à une forme de souveraineté énergétique qu’elle recherchait depuis longtemps. La boulangerie et la salle de ciné ont pâti de ce changement mais les réflexions sont en cours pour permettre leur retour. En attendant les habitant.e.s patientent à la bibliothèque, au studio d’enregistrement, dans les jardins ou encore à l’imprimerie populaire qui sont autant d’espaces communs que chacun.e a su s’approprier.
La vie communautaire s’organise autour de ces espaces partagés mais aussi autour d’assemblées réservées aux habitants qui ont lieu toutes les deux semaines pour gérer les besoins du quartier et les projets développés par plus de 15 commissions toujours en mouvement (économie, féminisme, communication, jardin, groupes de musique, infrastructure, auto-défense, culture,...) qui prennent des initiatives et coordonnent les projets.
Errekaleor veut aussi tendre vers la souveraineté alimentaire et, en ce mois de printemps, les pioches et les pelles retournent la terre entre deux orages. Pendant que les habitant.e.s plantent leurs premiers légumes, illes continuent de faire leurs courses au supermarché et se rendent bien compte de leur incohérence.
Le hamburger aux fallafels préparé collectivement a parfois du mal à passer et on débat pour la énième fois de la production ou de la consommation d’aliments issus de l’exploitation animale. Certain.e.s rêvent d’un âne pour labourer la terre, d’autres d’oeufs frais le matin. L’un bave sur un porc qu’il voit directement en côtelettes quand d’autres refusent toute proposition qui favoriserait l’exploitation animale.

Errekaleor fait des petit.e.s !

Ulises, 5 ans, cul nu, passe de bras en bras pendant que Lola, 1 ans, fait ses premiers pas sous les cris d’émotion de sa maman.
Errekaleor compte aujourd’hui cinq enfants, dont deux nés dans le quartier. Le terrain de jeux est idéal avec ses balançoires et ses toboggans et les habitant.e.s prennent plaisir à participer à l’éducation et à la surveillance de ces marmots couverts d’amour.
Les habitant.e.s de Vitoria extérieurs au quartier viennent aussi, en famille ou entre ami.e.s, se balader, cultiver un lopin de terre, danser la salsa ou faire de la muscu. De la même façon, les habitant.e.s d’Errekaleor sont aussi impliqué.e.s et/ou en lien avec d’autres collectifs militants et lieux occupés à Vitoria-Gasteiz.
Car Gazteiz c’est aussi Hella Bedi, une radio pirate de plus de 35 ans, le Gaztexe du vieux centre, un lieu occupé depuis plus de 30 ans. Alors cette année c’est un peu l’anniversaire commun de tout ce joli petit monde. D’où la fête qui s’annonce. La scène extérieure est montée par un petit groupe sous une pluie torrentielle et la toile manque de peu de s’affaisser lorsque le premier concert débute dans le Gaztexe. On sirote son Kalimotxo en se trémoussant.
Ce sera une très belle fête.

Récemment, s’est créé un collectif visant à fédérer ce mouvement d’occupation pour agir ensemble et ouvrir plus de lieux dans la ville. Car il reste encore tellement d’appartements à habiter, de quartier à faire vivre, de personnes à loger, de projets à construire.
Alors ..... eta bizitza luzea !!

Au fil des jours nous avons fait connaissance avec
Maddi, Leiane, Ivai, Ibon, Foron, Jonbe, Amaia, Ion, Maria, Ulises, Libertas, Lola et tant d’autres. Illes nous ont ouvert les nombreuses portes du quartier, raconter l’histoire d’Errekaleor, leur quotidien et ont partagé des morceaux de vie, de rire, de lutte, d’accordéon ou de guitare.
A nous maintenant de propager le souffle d’Errekaleor
Bizirik !! afin que l’étincelle se propage en feu.
Le feu d’une torche dans la nuit. Un feu de joie aux allures de feu d’artifice. Un doux feu de camp autour duquel on s’assoit. Un feu long et puissant qu’on n’éteint pas avec quelques lances à eau.
Feu !

AvOIR, A ECOUTER, A LIRE :

Les pigeons voyageurs, contre vents et marées
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