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Le dilemme Cologne : Quel espace politique pour les femmes racisées ?

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Été « burkini », bar de Sevran, femmes « en voie de disparition » à La Chapelle… Le débat public mêle allègrement féminisme instrumentalisé et racisme décomplexé. Entre le marteau et l’enclume, quel espace politique pour les femmes racisées ? Par Mélusine

Je ne me souviens pas du jour où j’ai compris que j’étais une femme. Ou plutôt, compris ce que c’était qu’une femme. Pas seulement quelqu’un qui pouvait porter des robes, avoir les cheveux longs, un jour des seins, peut-être maman. Non, quand j’ai compris que c’était être moins. Il n’y a pas eu de déclic, de révélation, d’un jour au lendemain. Plutôt une succession d’infimes déconvenues, d’incompréhensions, de petits agacements. Les découvertes terribles sont rares : en cours de français, Virginie [1] préfère se noyer plutôt qu’ôter la robe lourde qui l’assassine – l’enseignante commentait l’entreprise d’édification morale, j’avais un trou dans le ventre. Je n’avais pourtant pas bronché en regardant quelques années plus tôt Belle se vendre à la Bête pour la dignité de son père – images gentiment terribles qu’on montre aux petites filles et qui s’inscrivent, je crois, jusque dans la chair et règlent mieux la conduite que les leçons de politesse.

Je ne me souviens pas non plus m’être découverte racisée [2].Nous étions algériens, c’était une langue dans la maison, une seconde couleur de passeport, des habitudes familières. C’était aussi cette absurde mention « nationalité étrangère » sur ma convocation aux épreuves du brevet qu’il avait fallu faire corriger ; un pays que certains fantasmaient comme un autre « chez-moi », et je crois que ça ne m’ennuyait pas trop d’avoir une plage en vacances pour second chez-moi ; et d’autres choses moins agréables, j’étais enfant quand l’image de l’arabe-terroriste a supplanté celle de l’arabe-voleur [3].

P.-S.

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Notes

[1] Alors que le bateau sur lequel elle voyage est en train de couler, Virginie préfère mourir noyée plutôt que retirer sa robe trop lourde pour nager : « Virginie, voyant la mort inévitable, posa une main sur ses habits, l’autre sur son cœur, et levant en haut des yeux sereins, parut un ange qui prend son vol vers les cieux » (Paul et Virginie, Bernardin de Saint-Pierre, 1788).

[2] Le terme « racisé » désigne les personnes perçues comme appartenant à une catégorie raciale minoritaire. Il permet de révéler l’assignation raciale non pas comme une qualité de l’être, mais comme un processus social systémique et quotidien.

[3] J’écris « arabe » (comme d’ailleurs « noir » ou « blanc ») sans majuscule car il ne s’agit pas, ici, de nommer les membres d’un peuple ou d’une communauté, mais de désigner les individus par le groupe racisé auquel ils appartiennent objectivement ; c’est-à-dire par leur position sociale. Ne sont pas arabes seulement celles ou ceux qui s’identifient à cette catégorie, mais toutes celles et ceux qui y sont assignés, quelle que soit la façon dont ils se définissent eux-mêmes.

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