Nous subissons, depuis ce mois de mai 2024, un backlash (pour rappel la proposition de deux lois transphobes menées par les républicains et le rassemblement national et la sortie du torchon de Marguerite Stern et Dora Moutot). Un bakclash qui n’a rien d’exceptionnel. Il est la continuité de plusieurs années de réinstallation institutionnelle des réactionnaires et des conservateurs.
Au sein de la politique du gouvernement comme dans les médias, leurs mots sont acceptés et débattus. Tant que nous n’aurons pas un camp révolutionnaire stable, nous sommes contraints de les entendre partout sans avoir aucun pouvoir de nuisance sur eux.
Ils veulent mettre en danger nos existences, car elles sont déviantes pour leur projet fasciste.
Aujourd’hui, nous subissons leurs attaques frontales et violentes qui ne sont autre que le visage fasciste de "nos démocraties". Visage pour lequel la gauche institutionnelle, soutien du libéralisme, a préparé le terrain.
Mais notre déviance a déjà eu à subir les attaques passives des gouvernements libéraux successifs, qui prétendent nous protéger. Depuis plusieurs années, à force de dépolitisation et d’intégration, la dimension transgressive du milieu queer a été étouffé. Ce qu’ils veulent nous offrir avec consentement, c’est la même vie aliénée que nos parents : travail, famille, ennui.
Pour une riposte antifasciste, nous chardons, appelons à une riposte queer féministe et révolutionnaire.
Ne soyons pas la vitrine LGBT des institutions.
Car, non, la représentation des minorités marginalisées ne nous sauvera pas.
Non, apparaître dans de nombreuses séries Netflix ne sera pas le moyen d’une émancipation collective.
Oui, le système patriarcal a pour conséquence d’effacer les personnes marginalisées des cercles de pouvoir et des représentations collectives.
Oui, grandir sans exemple de toute la diversité de genres et d’orientations sexuelles est une grosse galère.
Mais non, voir soudain apparaître une multiplicité de bi, gouines, pd, trans, non-bi sur nos écrans, n’améliore pas, en soi, nos conditions matérielles d’existence. Ça ne nous permet pas de changer la dimension structurelle de l’oppression que nous vivons. Ça ne change pas le fait que notre système économique capitaliste s’appuie sur l’exploitation et la précarisation d’une classe : les prolétaires. Ce même système qui s’est adossé, afin de se renforcer et de perdurer, sur d’autres systèmes de domination, à savoir : l’impérialisme, le colonialisme, le patriarcat. Ça ne change pas ce système, dont les structures sont fabriquées, renouvelées, consolidées par l’Etat et ses institutions, qui en sont ainsi le vecteur, le garant, autant que le capital. Ça ne change pas que nous devons viser l’ensemble de ces systèmes pour espérer l’émancipation de toustes.
Et non, les miettes que nous donnent les représentant·es de l’Etat ne sont pas satisfaisantes. Composer avec lui, c’est se résoudre à ces miettes et seulement des miettes. Et c’est parce qu’il a bien compris que la visibilisation des personnes queer et l’autorisation de quelques lieux communautaires étaient des miettes, qu’il est si heureux de paraître s’y investir, de donner quelques sous, pour canaliser les énergies et rendre les personnes, associations, collectifs, redevables. Alors qu’en parallèle il reçoit Moutot et Stern dans ses appartements, alors que pendant ce temps, il vote des lois restreignant les droits des enfants trans. C’est comme ça qu’il nous tient discipliné·es, trop concentré·es que nous sommes à ramasser les miettes et se les redistribuer en rêvant d’une société égalitaire plutôt que de la construire.
Il ne s’agit pas de remettre en question le besoin que nous avons de survivre, et la négociation perpétuelle que cela implique pour rendre le quotidien un peu plus supportable. Mais l’enjeu est de questionner : à force de se concentrer sur les demandes de subventions, de mettre toute notre énergie à construire des espaces communautaires festifs parfaitement ancrés dans les logiques capitalistes de consommation et d’échange marchand (finalement accessibles à si peu de queers), qu’est-ce que nous construisons de cette société rêvée ? Pendant que nous nous tenons bien sages, à faire ce que la société néolibérale nous permet : revendiquer le droit d’être des individu·es bien individualisé·es. Tant qu’on continue de faire fonctionner la machine à sous. Travailleureuses précaires le jour, consommateurices des espaces et productions queers la nuit.
Est-ce que vraiment, on vit mieux ? Est-ce que vraiment on se construit un avenir meilleur ?
Comment construire des espaces vraiment à nous ? Où l’Etat, la mairie, ne nous tiendraient pas par les sous, où on pourrait refuser les logiques marchandes, où on pourrait s’organiser, lutter et vivre un peu en dehors de ces logiques capitalistes et d’oppression. Où on pourrait construire une indépendance du corps médical pour les hormones, ou on pourrait inventer des alternatives à la justice carcérale. Où on pourrait inventer d’autres rapports, d’autres liens pour plus de solidarités et plus de fluidité.
Et comment continuer de déranger ? Parce qu’en fait on veut pas être accepté·es dans cette société toute pétée, on veut la renverser. On veut être scandaleuxses, on veut cultiver les marges, on veut secouer, on veut remettre en question cet ordre du monde périmé et en construire un meilleur.
On voudrait finir par un extrait d’un article de la revue TrouNoir, voyage dans la dissidence sexuelle qui commence par une citation : « Je n’ai pas besoin de ton aide. J’ai juste besoin que tu comprennes que cette merde te tue toi aussi, même si elle le fait plus lentement. Tu captes, espèce d’enfoiré*e ? » Voilà la formule de la coalition à laquelle les mouvements trans appellent : pas seulement la défense des vies trans (dont nous avons certes urgemment besoin), mais aussi la réalisation que les attaques sur les vies trans sont un dangereux cheval de Troie pour faire insister, dans nos imaginaires, l’idée selon laquelle personne ne devrait avoir le droit d’inventer des manières d’échapper à l’oppression. Nous, collectivement, avons la tâche de continuer à produire ces échappées.
Nous appelons donc à rejoindre dans un premier temps le rassemblement du vendredi 17 mai à 18h place de la liberté contre les violences lgbtphobes. Rejoignons nous pour continuer à discuter de la suite !
Chardon, collectif queer féministe & révolutionnaire
chardonaglu chez riseup.net
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