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[Brest] Retour sur la mobilisation du 31 mars contre la loi travail

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Récit subjectif de la mobilisation du 31 mars, débutée dès la veille pour certain-es !

Mercredi 30 mars 18h et 21h

Arrivée progressive et installation des instruments en prévision du concert prévu devant la fac Segalen (fac de Lettres). Des canapés et fauteuils en mousse sont descendus de l’espace étudiant. Une cantine et une table de presse se mettent également en place.
Les vigiles, intrigué-e-s par le fait que le mobilier de l’étage supérieur soit dehors viennent nous voir pour nous demander de tout ranger pour 22h.
Le concert se met en place, sous la forme d’un boeuf. Trompettiste, guitariste, bassiste, batteur, joueur de djembé, rappeur, chanteur/se/s se sont associé-e-s, et ont assuré une soirée enjouée. À la vue du concert et notamment de l’utilisation des fauteuils de la fac en extérieur, les vigiles sont déjà plus mobilisé-e-s que d’habitude, une personne supplémentaire est présente.
La pluie commence à tomber, les instruments sont vite rangés dans le hall, tout comme les fauteuils de l’espace étudiant, certains ayant déjà été récupérés par le personnel de sécurité.

De 21h à 1h : À la vue de ces 50 personnes pénétrant dans le hall, les vigiles s’agitent. Plusieurs personnes durant le concert doutaient de la faisabilité du blocus, prévu depuis déjà quelques jours, mais non communiqué, afin d’éviter toute répression préventive. Certain-e-s doutent que cela se fera, mais d’autres personnes restent motivées et attendent simplement que le départ soit donné. Rentrer dans le hall, c’est déclarer l’occupation, et attendre ainsi une réponse à notre demande : la banalisation des cours du lendemain, le 31.
Certaines personnes ont déjà tenté de monter dans les étages, juste avant qu’on rentre dans le hall, pour étudier la faisabilité, mais les portes de communication entre les couloirs et l’escalier sont closes.

Des gens commencent à discuter, on se demande ce qu’on fait, si c’est réellement faisable. Une discussion collective est timidement lancée, mais ça ne prend pas. Pendant ce temps, le doyen, Jean-Yves Le Disez, arrive. On tente une première fois de virer les vigiles et le doyen du hall, lorsqu’ils/elles sont à l’extérieur, à l’entrée d’une porte latérale, avec des panneaux d’affichage et les poubelles présentes dans le hall, mais sans réel succès. Une cannette vide est lancée par-dessus les panneaux et atterri sur la tête d’un vigile.

Certaines personnes décident d’aller parler au doyen qui discute avec la police devant les marches de Segalen. Pas de banalisation à l’horizon, mais les flics ne seront pas rappelés. Il part, restent les vigiles. Nous décidons de discuter malgré leur présence. Cependant, au bout d’un certain temps, nous votons leur exclusion car leur présence nous empêche de parler librement. Une vingtaine de personnes s’avancent finalement vers eux/elles, leur demandant de sortir, mais ils/elles refusent, expliquant qu’ils/elles craignent des représailles pour « abandon de poste ». Leur supérieur arrive, nous dit qu’il ne faut pas s’en prendre à eux/elles, qu’ils/elles ne font que leur travail. Nous lui répondons qu’on ne s’en prend pas à eux, qu’on comprend bien que ce n’est que leur rôle, mais que c’est bien pour cela que nous souhaitons qu’ils/elles partent. Il nous répond qu’il faudra alors peut-être user de la violence... Face au nombre, le supérieur vient chercher les deux vigiles en leur disant : « C’est bon, c’est bon, on s’en fout, qu’ils cassent tout, nous on y va ! » Nous lui répondons que c’est n’importe quoi de dire cela alors qu’ils/elles se dirigent vers l’extérieur, nous laissant enfin le hall pour discuter. À peu près au même moment, des personnes réussisent à ouvrir les portes bloquant l’accès aux couloirs du rez-de-chaussée. La discussion est compromise, le blocus est lancé.

Nous laissons la porte d’entrée principale ouverte, des personnes étant sur le parvis, pour fumer et discuter. Les vigiles sont dehors, sur des bancs. Des gens occupent le hall, en jouant de la musique, pendant que d’autres tentent d’ouvrir les portes dans les couloirs qui bloquent l’accès aux salles ; certaines personnes montent les étages, cherchent à voir si c’est ouvert à d’autres endroits. On croise des gens qui font la même chose ou errent simplement dans les couloirs, apprécient leur balade nocturne dans la fac, s’amusent, courent, rient. Une fois la première porte décoincée, il s’agit maintenant de chercher les salles ouvertes : pas plus de cinq le sont, mais nous n’avons pas besoin de plus pour bloquer. Des équipes se mettent en place, sans vraiment d’organisation collective mais plutôt des initiatives individuelles.
Les portes d’entrée principales sont bloquées en premier. Le mobilier d’une seule salle de cours est utilisé pour bloquer deux portes. Le tas est gigantesque, il fait rire, une réserve se crée, il ne reste plus qu’à se servir.

Mercredi 3 mars de 1h à 03h

La fête et le blocus battent leur plein. Les équipes continuent de bloquer, de consolider leurs barricades, élaborent des stratégies. On ne réfléchit pas en terme de « est-ce que les personnels/étudiant-e-s réussiront à passer ? » mais « si l’administration envoie les flics, il faut que ce soit costaud ». La répression préventive du 17 mars, la présence massive dans toute la France des forces de l’ordre aux différents événements ainsi que la violence de la police ont marqué les esprits. On souhaite s’en protéger, même si le doyen a dit que les flics ne seraient pas envoyés. Le matin inquiète, pas la nuit. Certaines personnes graffent des affiches : « Fac bloquée », « Gallou ripoux ». Pendant ce temps, certaines personnes agissent par spontanéité et décident de taguer. Les premiers coups de marqueurs sur les murs entraînent inscriptions à la peinture, aux crayons, à la craie, comme une envie de se réapproprier ou juste de gribouiller ces espaces trop blancs. Les murs du couloir des amphis, les cages d’escaliers, le premier étage... La fac devient une gigantesque toile sur laquelle chacun-e peut exprimer ce qu’il/elle veut. Et cela donne des messages très variés, comme « Vive la Commune ! », « Le sexisme contre les hommes n’existe PAS ! », « Ceci est une œuvre d’art. Signé : un artiste » ou encore « Vive Satan », « Front de Libération de l’auto(to)laveuse » [1] et « Prof = flic ». C’est absurde, c’est beau, c’est politique, c’est ce qu’on veut. Mais ce qui compte, c’est que cela a été.

De 03h à 6h : Certaines personnes décident d’aller dormir un moment, dans les différentes salles ouvertes. D’autres décident d’aller simplement se reposer, se poser dans des endroits plus calmes, pour discuter tranquillement. Quelques-un-e-s s’inquiètent de la sécurité du dispositif. La porte principale est encore ouverte et la fête s’en va vers une ambiance boîte de nuit. Ils/elles veulent discuter, sollicitent quelques personnes, en réveillent d’autres. On décide alors de fermer la porte principale en faisant rentrer les gens qui étaient dehors. Les personnes comprennent les craintes : on fait le ménage dehors, on met tout dans un sac supposé être jeté le lendemain matin. On commence à rassembler le matériel du hall pour bloquer les portes. Une fois qu’on est assuré-e-s que les vigiles sont bien dehors, les portes sont fermées, le tout est consolidé. Entre temps, une personne est partie chercher un balai et une serpillère pour nettoyer une bonne partie du sol, ce que nous faisons une fois les portes définitivement closes. Certain-e-s décident alors d’aller se reposer, seulement quelques un-e-s restent dans le hall principal, quand d’autres se promènent dans la fac.
Tout le monde ne veut pas dormir. Pour se maintenir éveillé-e-s après une journée déjà assez longue, certaines personnes décident de faire le tour des portes et passerelles bloquées, pour vérifier la solidité. Certains passages semblent infranchissables, quand d’autres ont été assemblé un peu trop rapidement. Il ne leur faudra pas longtemps pour consolider tout cela, en tentant de ne pas faire trop de bruit pour celles/ceux endormi-e-s non loin de là. On entend parfois des bruits sourds, et des vibrations : d’autres personnes ont eu la même idée.

De 6h à 10h : Une fois le tour effectué, certain-e-s décident de s’installer sur une passerelle, afin de surveiller les possibles arrivées de personnels, notamment administratifs. Le supérieur des vigiles est de retour. Il a l’air mécontent de les trouver abrité-e-s du froid dans un sas, qui était à l’origine superficiellement bloqué. Il semble leur demander de sortir et de remettre les meubles en place contre la porte.
Les premières personnes arrivent entre 7h et 7h30, un peu surprises parfois, assez peu dans d’autres cas. Les smartphones sont de sortie, l’affiche « Gallou ripoux » connaît son heure de gloire. Bienvenue monsieur le président fraîchement élu !
Un membre administratif tente de pénétrer dans les locaux, en ouvrant la porte principale et en poussant légèrement sur les meubles entassés. La solidité est là, pas de tentative supplémentaire. Les autres portes sont examinées, elles aussi sont bloquées, entrer sans forcer est impossible. Les étudiant-e-s et profs commencent à arriver. Ils/elles nous regardent en levant les yeux, mais aussi leurs bras, pour nous prendre en photos. Certain-e-s nous font coucou, quelques un-e-s d’une manière plus agressive et houleuse.
Une personne réussit à passer la barricade de la passerelle d’en face, malgré la présence de copain-e-s. Impossible de le retrouver dans les bâtiments, les portes sont fermées, personne ne sait où il est. Tant pis, seul il ne peut sans doute pas faire grand chose.
Certain-e-s profs décident d’assurer leurs cours quand même, dans le bâtiment des profs, dans un parking... Certain-e-s étudiant-e-s mécontent-e-s, pensant que nous effectuons le blocus pour les embêter et contre elles/eux, réitèrent leurs gestes hostiles.

Il n’y a eu qu’une seule « attaque » de la part d’anti-blocus, trois hommes, dont un coiffé d’un joli chapeau breton. Ils ont commencé à démonter une barricade lorsqu’une quinzaine de bloqueurs est arrivée. L’homme au chapeau a commencé à crier au fascisme, à sa liberté d’étudier bafouée, aux grands principes de la république piétinés par une bande d’anarchistes. L’échange houleux entre lui et nous, d’une dizaine de minutes environ, prend fin lorsqu’il se retrouve à court d’arguments, lorsqu’il comprend que nous sommes nous aussi des étudiant-e-s, que nous nous battons pour un idéal de vie et non pour faire chier quiconque, que tout cela répond d’une logique clairement établie et assumée, bref qu’on n’est pas là juste pour se marrer. Un vigile « l’invite » à partir après que les anti-blocus ont remis en place ce qu’ils avaient déplacé ! L’image est savoureuse et apaise les tensions immédiatement.

10h30 : départ en manifest’action !

A 10h, tout le monde est appelé à descendre dans le hall pour parler de la suite de la journée. Est-ce que certain-e-s restent bloquer la fac pendant que les autres vont manifester ? Où tenons-nous l’AG de 18h qui ne pourra sans doute pas se tenir dans la fac ? Il est décidé que nous restions tou-te-s ensemble pour toutes les actions prévues et que l’AG se tiendra à Ségalen si possible, sinon nous prévoyons des plans B. Nous décidons de partir en reprenant toutes nos affaires personnelles car nous nous doutons qu’un sérieux ménage sera fait dans la fac durant notre absence. Nous enfilons nos masques préparés la veille, coupés dans un bout de tissu avec des imprimés constellations, certains ressortent les masques de Steven Leroy [2]d’autres ont peint des masques de carnaval. Nous sortons donc des bâtiments pour nous rendre sur le parvis, une fois tou-te-s réuni-e-s, nous partons en cortège vers la place de la Liberté pour la manifestation. Distribution de farces et attrapes pour l’animation, nous nous positionnons en fin de cortège derrière une banderole sur laquelle il est inscrit « NOUS VOULONS TOUT ». Nous marchons au rythme de slogans souvent improvisés et potaches qui font rire, notamment les « qui ne saute pas est... un sale flic », « tout le monde déteste les médias », ou encore « Chirac démission ». Nous lançons des confettis, des pétards, la manifestation, que l’on a voulu festive et colorée, se termine dans la bonne humeur.

Comme convenu par FO (Force Ouvrière) en début de manifestation, nous nous retrouvons devant le camion sono pour discuter d’une action à réaliser ensemble. Nous proposons une action qui est écartée au profit de celle de FO : une occupation de la mairie !

Occupation de la mairie

On entre par la petite porte, quelques vigiles tentent de nous bloquer le passage mais cèdent rapidement face au nombre de personnes présentes. Dans la précipitation de l’action on se perd un peu, les premier-es a être entré-e-s ne connaissent pas trop la mairie et ne savent pas où aller, les vigiles continuent à tenter de bloquer le passage, appellent du renfort et peut être les flics, ça n’aide pas la réflexion et la discussion...
On finit par arriver dans le hall d’accueil, un groupe monte dans les étages et s’y retrouve bloqué, sans possibilité de redescendre ou d’être rejoint. Les grilles de l’entrée principale sont fermées, un vigile vient les ouvrir. Il y a du tumulte a un moment car celui ci a frappé à la jambe un camarade qui l’aurait poussé. Le ton monte mais sans plus. D’autres se placent dans le sas pour éviter que la grille soit fermée et piège tout le monde à l’intérieur.
L’occupation continue dans le hall, ça discute, ça se repose, ça mange. Petit à petit, les gens s’en vont face à l’inaction.
C’est compliqué de discuter, on ne comprend pas bien le but de cette occupation, la plupart des gens ne savent pas trop quoi faire. On essaie de monter dans les étages ? Comment ? Pour faire quoi ?
On finit par discuter collectivement de la suite, le but semblait être d’envoyer une délégation pour discuter avec le maire, ce qui sera obtenu plus tard dans la journée.
Certain-es d’entre nous sont un peu déçu-e-s, on était plus de 8000 dans la rue ce jeudi, on aurait pu faire largement mieux qu’occuper une mairie et obtenir un rendez-vous avec le maire non ? On part de la mairie, déterminé-e-s à continuer la mobilisation !

Assemblée de lutte à Ségalen

Nous nous retrouvons comme prévu à 18h sur le parvis de la fac Ségalen pour effectuer l’assemblée de lutte et discuter de la suite du mouvement et des actions à prévoir. Comme nous pouvions nous en douter, beaucoup d’anti-blocus nous attendent pour discuter de ce qui s’est passé pendant la nuit. Beaucoup de personnes appartiennent à la fédé B (corpo d’asso « apolitique », donc de droite), d’autres étudiant-e-s veulent surtout avoir des explications. Nous sommes dépité-e-s par l’utilisation du slogan « Je suis Ségalen » que certain-e-s brandissent sur des affiches. Nous décidons de laisser un temps de parole pour ce qu’ils/elles ont à dire avant l’assemblée. La discussion s’essouffle vite, nous ne savons pas si nous sommes convaincant-e-s ou si tous les arguments de l’opposition sont épuisés, mais nous nous attendions à plus de véhémence après un déchaînement sur les réseaux sociaux. Nous pouvons donc passer aux décisions à prendre, la seule que nous réussissons à acter est la tenue d’une nouvelle AG, le lendemain à 13h à la Maison du Peuple. Beaucoup d’opposant-e-s au blocus participent au vote en levant la main, mais nous ne les reverrons pas en AG.

Notes

[1« toto » diminutif d’autonome, en référence à l’autonomie politique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_autonome_en_France

[2journaliste du Télégramme pondant des articles systématiquement défavorable au mouvement et aux manifestants voulant préserver leur anonymat

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