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« Alors qu’est-ce qu’on attend...? »

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Texte écrit par le Collectif de la cité des Bosquets à Montfermeil le 12 décembre 2005, pendant les émeutes de la même année.

« Pendant près de quinze jours, nous avons assisté à une révolte sociale sans précédent depuis plusieurs décennies. Les “banlieues” se sont enflammées. Les “banlieues” ont brûlé, si l’on en croit les médias prompts à confondre l’incendie de centaines de voitures, de quelques équipements publics et de deux ou trois locaux à usage commercial avec un embrasement généralisé. Peu importe, finalement. Les réactions suscitées méritent de retenir l’attention.

Certains se sont demandés pourquoi ? D’autres se sont, au contraire, étonnés que cela ne soit pas arrivé plus tôt. Mais tous, du fn à la lcr, ont condamné “la violence”. Pas celle de l’ordre policier sur les cités, mais “la nôtre”, même si nous n’y avons pas personnellement participé.

Il n’est nul besoin de revenir sur les causes profondes (précarisation extrême, ghettoïsation, stigmatisation, racisme ambiant, futur bouché…), ni sur les raisons directes (un contrôle de police de plus qui dérape, vocabulaire et mépris d’un ministre de l’Intérieur empruntés à l’extrême droite,…) de cette colère.
“Cette révolte est légitime”, clament en chœur les bonnes âmes progressistes, “mais pas les moyens utilisés pour l’exprimer”, s’empressent-ils à l’unisson de préciser. D’où l’interrogation : pourquoi brûler tout ça ?

Brûler simplement le décor que l’on ne veut plus voir, celui de la misère qui oppresse, celui de la cité pourrie qui enferme, qui asphyxie. Brûler les moyens de transport payant et contrôlés qui humilient tous les jours le désir de sortir de ce gris.

Brûler les écoles “de la République” qui sont les premiers lieux de sélection, de tri, d’exclusion, ou d’apprentissage de l’obéissance à tout prix.

Brûler les mairies, gestionnaires de la misère, et les commissariats, synonymes d’humiliation, de brimades, de tabassages.

Brûler l’État qui gère ces prisons à ciel ouvert.

Brûler les locaux de partis politiques inopérants. Brûler les politiciens méprisants. Brûler l’élite.

Brûler les entrepôts de marchandises, des concessionnaires automobiles, des banques, vidéoclubs, supermarchés, centres commerciaux, studios de production télé. Brûler et non voler. Juste pour voir partir en fumée cette marchandise pour laquelle on doit trimer et que l’on doit – “normalement” – convoiter, consommer, accumuler.

Brûler parce que cela semble le seul moyen de ne plus être invisible, de se faire entendre en se faisant voir…

Brûler avec l’espoir évident de voir changer les choses.

Soutenir évidemment.

Parce que les premiers qui vont déguster, tant physiquement dans les commissariats de la “République”, que pénalement dans les tribunaux où la justice se rend à flux tendu, sont ceux et celles qui ne s’expriment pas selon les “règles” de la démocratie des gens de pouvoir. Quand être condamné à plusieurs mois fermes pour sa seule présence dans la rue devient la règle, il n’y a plus d’illusions à se faire sur la “Justice républicaine”. Il n’y a pas de justice, sinon celle des gens de pouvoir.

Briser le consensus “républicain” parce que personne ne le fait.

Casser l’image du barbare fabriquée par les médias et assimilée docilement par tous.

Se démarquer des gens de “gôche” qui condamnent vertement, qui récupèrent pour demander une dérisoire démission, qui acceptent voire applaudissent l’instauration du couvre-feu, qui affichent un paternalisme écœurant, qui, indignés, soulignent enfin que “ce ne sont pas des manières, tout de même”…
S’énerver surtout. S’énerver partout.

Ces derniers temps, dans un climat de déplacement de tout l’échiquier politique – partis, syndicats, organisations – vers la droite, les coups que nous assènent les “gens de pouvoir” s’intensifient : déploiement de multiples formes de contrôle (des plus simples aux plus perfectionnées : l’habituel flic, l’urbanisme répressif, les associations collaboratrices, la multiplication de l’arsenal juridique, les lois d’exception qui deviennent la règle, les caméras, les puces rfid, la biométrie, etc.) ; accélération du délabrement des conditions de vie ; rafles quotidiennes de sans-papiers ; expulsions des squats ; avènement de crises écologiques majeures (pollution, grippe aviaire, ogm…) dérivant toutes de la marchandisation du vivant.

Et, plus inquiétante encore est la facilité avec laquelle se met en place une véritable “culture de la peur”, une véritable peur de tout ce qui est autre. La “société du risque”, ils appellent ça dans les cours de socio à la fac. Un individualisme exacerbé, qui fait que nous sommes de plus en plus entassés dans les villes, mais de plus en plus seuls et atomisés.

Les “gens de pouvoir” – qu’ils s’étiquettent de “gauche” ou de “droite”, qu’ils soient élus ou patrons – nous font gober tout ça tous les jours par l’intermédiaire de leurs médias.

Et personne ne réagit ? Tout le monde accepte cet état de fait docilement ? Les divisions artificiellement créées – nationalistes, raciales, religieuses – reprennent de la vigueur. Les ruptures s’approfondissent et les fossés se creusent. À tel point que beaucoup se sont réjouis d’un couvre-feu synonyme de guerre civile. Certains se sont même enrôlés dans des “milices citoyennes” pour protéger leurs bagnoles. L’extrême droite pavoise et ironise de voir les antifascistes d’opérette la plagier. Et tout le monde se fait berner. Et condamne les seuls qui réagissent de manière logique, les seuls qui s’énervent. Serait-ce trop demander à la gauche que de réveiller sa propre révolte de son sommeil plein de compromis confortables, et d’exprimer sa fraternité aux insurgés en se rappelant cette phrase de Bertolt Brecht : “On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent” ? »

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