Cet envahissement avait deux objectifs clairs : Celui d’affirmer, par un rapport de force numérique, notre profond désaccord avec la politique de contrôle, de surveillance et de mise au pas des plus précaires et notre détermination à y faire face.
Notre second objectif était de débloquer une situation individuelle litigieuse suite à un contrôle. Effectivement, le département à arrêté de verser son allocation RSA à l’un de nos camarade il y a maintenant 2 mois.
Il est donc 10h30, lorsque que nous investissons les locaux du conseil départemental à une petite vingtaine de personnes. L’ambiance est calme, il n’y pas d’invective envers les agents d’accueil à qui nous demandons à ce que Mr De Calan (président du département de droite LR) descende. Nous voulons rencontrer l’exécutif, ceux qui concrètement, travaillent à la mise en place de la réforme RSA.
Les minutes passent, les téléphone sonnent, et les allers retours des agents d’accueil nous indiquent que nous les avons surpris, qu’ils ne sont pas à l’aise.
Finalement, une personne descend, il s’agit de Guillaume Menguy, directeur de cabinet du président M. De Calan, ce dernier n’étant pas là (ou peut-être s’est-il caché ? ). Nous expliquons à cette personne les raisons de notre présence, et que tant que le dossier de notre camarade ne sera pas résolu, nous ne partirons pas.
La gêne s’installe de son coté, on le sent pris de court, pour le moment, la puissance collective est de notre côté et on prend confiance. On semble avoir enfin un peu de prise, de pouvoir face à ceux qui nous dirigent en bons gestionnaires. La sienne, de confiance, est un peu plus enterrée lorsque des élus de l’opposition (Finistère solidaire) arrivent à leur tour, et, constatant ce qu’il se passe, prennent fait et cause pour notre groupe contre la politique ultra libérale et punitive de l’état dont le département applique sans vergogne la stratégie. Cela leur permet évidemment de se mettre en valeur à moindre frais. Comme si la gauche au pouvoir n’était pas elle aussi travailliste et répressive avec les précaires et les travailleur.euses… Nous nous en amusons et profitons de cette opposition factice entre gestionnaires pour rajouter à l’inconfort des deux officiels du département.
Nous sommes emmenés en entretien dans une salle. Nous sommes tous et toutes présent.es, face à nous, le directeur de cabinet, le DRH, et les deux élus d’opposition. Une journaliste Ouest-France que nous avions appelé est aussi présente. Un échange sur qui nous sommes, et sur la politique en cours débute. Face à nous ce sont des élus, il ne cachent pas leurs idées et assument pleinement leurs objectifs. A notre tour nous assumons notre modalité d’action, celle de l’envahissement, et assumons vouloir sortir de l’isolement pour se défendre ensemble, travailleurs.euses, chômeurs.euses, en mettant la pression aux institutions de contrôle (Pôle emploi, CAF, département etc).
La discussion se recentre sur notre camarade, rien n’a changé, nous maintenons que nous ne partirons pas tant que le dossier n’est pas débloqué et l’allocation versée ! On nous fait alors patienter en promettant des réponses « au plus vite ».
Les minutes s’égrainant, et notre patience avec, nous allons à midi remettre la pression en montant dans les bureaux du conseil départemental. Après une petite panique, un ballet de costards et des portes qui se ferment, nous obtenons rapidement un rendez vous de conciliation pour notre camarade.
A 14 h 30 lorsque nous revenons pour honorer ce rendez-vous, partir entre temps aura été notre erreur, 12 flics sont devant les portes. Seul un camarade est autorisé à accompagner l’allocataire. Au fil de l’entretien il leur apparaît que rien ne sera gagné. Le Pouvoir a repris la main, et la miette de pouvoir-collectif s’évanouit derrière une ligne de condés.
Pour nous cette fin douce-amer n’est pas un échec, elle n’est que l’illustration de la nécessité de construire un rapport de force plus solide avec le département et les relais des politiques ultra-libérales de l’État et des patrons. Nous devons être plus nombreux.euses et plus déterminé.es de semaine en semaines pour espérer gagner contre la Loi plein emploi et empêcher son application effective.
Nous espérons que ce coup de semonce qui rejoint ceux déjà menés en France par des collectifs de précaires, syndicats de chômeurs, permettra de mettre du baume au cœur à celles et ceux que le travail et l’exploitation dégoûtent. A celles et ceux qui sont en lutte contre cette dernière réforme anti-pauvres ou se préparent à l’être. Partout en France multiplions les collectifs contre cette réforme, les précédentes et celles à venir. On veut nous couper les vivres quand on n’est pas salarié et ça : c’est mort !
Nous entendons désormais le département, par la voix de son président, et la préfecture par sa communication officielle s’apitoyer, car pour eux le rapport de force n’est pas la « bonne conduite » à avoir face aux institutions.
Nous ne sommes pas étonné.es d’entendre ses administrateurs des services de l’État nous tenir ce discours. Pour eux le fonctionnement « normal » de l’État de « droits » est la meilleure garantie que rien ne vienne entraver la mise au pas de ceux qui par nécessité bénéficient du RSA.
Le préfet nous l’a déjà mainte fois illustré, il veut une France qui se tienne sage, quand au département il veut exercer un contrôle social zélé au service de la « société du travail » vantée par De Callan. Toutefois ils ne souhaitent pas être dérangés par celles et ceux qui subissent leurs réformes au quotidien. Celles et ceux qui ne peuvent plus payer des loyers toujours à la hausse, des produits alimentaires dont les prix flambent toujours plus.
Finalement le rapport de force que nous amorçons est la réponse naturelle à l’attaque en règle que constitue l’instauration des 15 heures et l’augmentation des contrôles RSA consécutifs à la loi « Plein emploi » de 2024. Mais les raisons de la colère sont multiples, et ne l’oublions pas, nous n’avons pas face à nous des hypothétiques garants d’un système fiable et juste mais bien des élus, des militants politiques, qui veulent asseoir leurs idéologies par la force.
Nous assumons l’organisation par la base, par celles et ceux qui subissent les différentes réforment qui s’entassent. Nous ne nous plierons pas à la compétition entre travailleurs, intérimaires, précaires.
Pour remettre les plus pauvres dans le système bien huilé de l’exploitation, il agitent un nouvel élément de communication : les fameux « Métiers en tensions ». Pourquoi en tension ? Parce que sous-payés, avec une pénibilité non reconnue, des horaires toujours plus importants, des métiers qui usent. L’agro-alimentaire, le BTP le service à la personne et la restauration sont ces secteurs en tension. Nous sommes bien évidement solidaire de l’ensemble des personnes qui y travaillent et nulle ne devrait y être forcé. La lutte n’est pas entre ceux qui par nécessité occupent des emplois -dont les conditions de travail ne s’améliorent jamais et se dégradent toujours- et les allocataires qui « profiteraient » de 600 euros mais bien contre ceux qui nous exploitent : les patrons petits et grands.
Pour nous c’est en montant des collectifs d’entraide, des assemblées que nous pourrons nous opposer à la gestion capitaliste de notre monde qu’incarnent tout ces bureaucrates. Car si Guillaume Menguy se targe devant nous d’être le représentant de tout les finistériens, c’est avec les chefs d’entreprises du Finistère que Maël de Callan mangeait il y a quelque semaines. L’État et le patronat s’y entendent pour changer les RSAstes en main d’œuvre corvéable et quasi gratuite. Ils s’y entendront aussi pour appliquer un contrôle sur la manière dont nous utilisons notre argent, dont nous occupons notre temps libre.
S’ils pensaient que nous resterions sages, ils sont désormais prévenus et nous ne comptons pas nous arrêter là !
Ni résigné.e.s, ni isolé.e.s : Des exploité.e.s organisé.e.s !
Mail : ag-rsa-francetravail-brest chez riseup.net
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