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Chronique interimaire (1)

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Quand tu (re-)pousses la porte du turbin... Des sirènes de la formation au rendez-vous avec ta condition... 3 jours d’intérim dans une PME Brestoise

Ils t’ont dit « À ton âge faut t’insérer, maintenant t’as plus le choix, tu rentres par la ptite porte, mais au moins tu rentres... », parce que études-chomdu-boulot-de-merde-études-rsa-boulot-de-merde, "c’est pas une situation ça" ...

8 mois maintenant à barboter dans le bac à sable de la formation à choper le « geste métier », siroter l’idéal de la reconversion professionnelle en mode artisan, manger dans la main du « manageur » - entraîneur de formation, en écoutant sans broncher son discours cassette auto-reverse de l’insertion...mais au fond, surtout parce que t’aimes la bricole...

M’enfin, quand même, tu restes le précaire entretenu, en rémission, à l’abri des stats du chomdu, au chaud sous la douche, et dans son boxe nominatif, parqué avec d’autres précaires célibataires, t’as goûté les murs pourris de l’hébergement, partagé la misère, des fléchettes et quelques verres, alors enfin, l’appel du TAF, quoi, le retour au Réel, des perspectives individuelles, s’élever au dessus de cette merde infantilisante, y a que ça de vrai, non ?...

OK.
Destination Interim, au pays du métal Brestois et des rapports de casse…
Ptêt qu’il y restera des syndicalistes cool et combatifs, va savoir,,,

« Stratégie » : Montrer sa gueule chaque semaine à l’agence, paperasse, répondre OK à tout ce qui passe par le phone, silence sur 95 % de tes OK, accepter les 5 autres.
« Nous recherchons un chaudronnier sur Brest, urgent, répondez ok " - OK

Wouahou ! Une brèche s’ouvre donc au trentenaire sur-diplômé que tu es devenu, prêt à « en découdre », c’est-à-dire à mettre son égo dans le congélo, à se mettre bien avec Stéphanie, son entremetteuse - « j’ai vraiment appuyé ta candidature, alors me déçois pas – Bon alors t’es content ? »

Boite de serrurerie historique – le cul bien implanté dans le bassin - 35 salariés, la mauvaise réput’ chez ceux qui y sont passés - « Et on y fait la grève là-bas... ? »...

Pour toi ce sera débit plasma / pliage, pas vraiment du grand art, pas de soudage, pas de produit fini...mais au moins de la matière, du poids, du bruit et de l’odeur, des petits et des gros tas de ferraille neuve, tout ça dans le hangar 3, au fond...
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Deux collègues - C., le positif – beau gosse – père de famille - motard – libéral, et l’autre, J., le négatif – colérique – crane rasé - bourrin. Le premier veut te voir mordre à l’hameçon, comme lui, te laisse ta chance, derrière la vitre de son bureau surchauffé entre deux plans à balancer à la machine et une vidéo de drift moto - le deuxième te colle la pression direct « Allez hop hop hop !! ». Il prendra le temps de sentir ton côté guimauve, vénère d’être peut-être concurrencé par un mou du gland…

Maintenant sûr de ne pas voir la couleur des fruits de ton attention et de ton effort au service d’une chaîne dont tu es le maillon faible, tu vas devoir vite te consoler : être introduit aux petits secrets d’une machine que tout le monde ici sollicite en flux tendu : ménager la bride de ce strident et et éblouissant faisceau plasma, changer sa buse, lui donner à bouffer, placer tôle sur tôle, petit point rouge, réglage, start, rituel découpe, récupérer le dû, jeter le reste... –

Et le pont roulant comme ton troisième bras et la main de fer robocop..., prévenir les détachements inopinés, les balancements excessifs...Droite, avant, haut, gauche, arrière, bas, faut pas coller ta tôle sinon tu te la prends dans la gueule.

Et le petit bout de « geste métier », élémentaire : gratter les croûtes, au burin comme un homme véner qu’a tout le loisir de se lâcher, à la meuleuse, comme un cyborg- vertébré-insensible au poignet infaillible...

Et puis les coups de main : P., coupe à la grand blond chaussure noire, strabisme, verres de lunettes épaisseur 3, un peu simplet, dans un coin à enrouler/dérouler des grillages. Dès que le gars ouvre la bouche, on le regarde comme si c’était un demeuré, et on l’engueule à chaque fois qu’il veut squatter le pont, tu l’aide à retourner son grillage de 20m de long, regard amical, on est au même niveau…

Pliage – Ici, pas la peine d’avoir révisé le calcul ni le nom des pièces, G. m’en dispense, juste soulever, tôles de 5, placer, soulever, tourner, replacer, soulever, changer, les muscles en vrac…

J., ton supérieur, est vénère, vient d’apprendre qu’il restera pas longtemps en poste, retourne en peinture, pas peu fier pourtant d’être enfin « dans les bureaux, à avoir fait gagner 15K en 6 mois à la boîte » et v’là que les corbeaux, même pas en face, ont déjà décidé de son sort avant toute discussion. Du coup, lui sur le Fendt, fait hurler le diesel, ça accélère à blinde, ça m’enfume généreusement,

De corbeau, y en a un, qui passe souvent par là, « responsable commercial », grand sec binoclard, avec sa veste noire jusqu’aux genoux et toujours une clope d’allumée, affairé, discret et insistant...,

Et puis pour les autres, dans le hall d’à côté, ça soude, ça assemble, qualifiés au moins, l’ouvrage les détourne de la merde ambiante, parce que le moindre recul et tu vois un dépotoir grouillant, tout c’qu’il faut juste pour sortir la came, et vite...Un djeun’s que t’extirpes de son œuvre (garde corps barreaudé) pour quelques remarques niaises (« ça va, elles sont pas mal tes soudures » ou « Du coup c’est quoi que tu préfères faire ? » - « j’préfère quand c’est la pause ») fin de la parlote -

Entre temps, un autre ti-soudeur qui t’attrape et t’annonçant qu’il est lui aussi Normand ! De la basse, et toi de la haute, cool, ça a l’air dur l’intégration…

Les pauses bouffe sont longues, la salle de pause est pas causante, Kergaradec est tentaculaire, prendre la caisse, ouvrir sa gamelle devant le nouveau chantier à la lisière de la zone, choper un café au boulange - drive bondé, siester, repartir...

Ça fait « déjà » 3 jours que tu bats le bitume en mode clope – rond point, pour regagner le turbin à l’heure des brave, 40 minutes Aller, 40 retour...

Le formateur, bien heureux de plus se défoncer le dos à l’heure qu’il est, te dit : « T’as pas assez d’expérience, faut que t’y passes, tu prends tout »...

Pour l’instant t’y retournes,

Faut changer la buse, mais quel diamètre ? Tôle de 3, alu, se ressemblent toutes, sont rangées comment déjà ? Mon frustré de collègue commence à te les casser avec son ton méprisant, « ici on se prend pas la bite, alors tu prends ça, ça, ça et ça et tu passes la seconde »,
Pendant qu’il t’ordonne de choper une tôle de 12 dans les racks, le genre qui ratatine si t’y fais pas gaffe, tu termines de décharger les autres à la main, en speed, en ruminant silencieusement d’être à la merci de son caractère de merde,
Et v’là qu’en descendant de la table de coupe, vrillage de cheville, le non-évènement qui va mettre fin au chapitre…

Accident du travail, les gars te posent pas de question, « ok, tu y vas voir R., j’le préviens, ouais c’est ça, à demain » - c’est parti dans les bureaux à signer des papiers devant un homme propre sur lui, gêné, silencieux, avant de filer à l’hosto pour 3 bonnes heures...et pour 3 semaines d’arrêt…
A l’interim, les formalités, la collègue est en formation, « donc là tu cliques sur tempo, voilà, et tu coches la case AT » - je me tiens droit, l’air d’être emmerdé d’avoir raté l’occase du siècle, mais au fond loin d’être mécontent…

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