Nous souhaitions, par cette discussion, impulser un moment de réflexion ouvert sur l’antifascisme, impliquant des membres de groupes antifa et des personnes qui luttent dans différents espaces à Brest. Nous souhaitions ainsi faire la promotion de discussions stratégiques ouvertes qui permettent de faire sortir l’antifascisme de ses espaces spécialisés.
Pour ce travail nous avons fait le choix d’utiliser une définition très large et englobante du fascisme qui court de l’extrême droite institutionnelle aux mouvements plus radicaux. L’entièreté de ce spectre politique jouit d’une dynamique ascendante ces dernières années en France et dans le monde, et malgré ses différences prend racine sur des fondements grandement similaires. Les différentes tendances de ce courant s’alimentent de plus l’une l’autre. En effet les groupes néo-fascistes radicalisent le débat public et y imposent des thèmes racistes, ouvertement misogynes, violents … Tandis que de son côté le versant électoraliste se rend présidentiable en incarnant une version « raisonnable » du même discours. Les succès électoraux du second viennent renforcer les premiers et la radicalité de ces derniers vient adoucir et rendre éligible le second.
Nous espérons que ce travail pourra servir de base de réflexion à d’autres camarades, et qu’il permettra aussi des discussions collectives. Depuis le mois d’avril nous avons été confrontés régulièrement à des écueils évoqués dans ce texte, et d’autant plus ces dernières semaines (nous parlons maintenant depuis le 4 juillet 2024). En effet, l’antifascisme actuel semble reposer massivement sur une idéologie « unitaire » et démocrate ainsi que sur des pratiques de délégation de la violence et sur une fantasmagorie collective de la violence. Ces écueils sont constants, que ce soit lors de la grande manifestation régionale antifasciste à Saint-Brieuc, à l’occasion d’une veille antifa autour de la pride de Brest, lors d’assemblées de luttes, avec l’émergence du Nouveau Front Populaire, le retour du barrage républicain, l’émergence de nouveaux groupes de fascistes dans les rues Brest etc.
La victoire fasciste actuelle ne s’est pas faite dans l’urgence, c’est une construction stratégique qui se déploie sur des décennies. Si nous voulons reprendre l’initiative il nous faudra aussi réaliser un travail stratégique de fond et de long terme. Les réflexions que nous abordons ici nous semblent, parmi de nombreuses autres, un point de départ.
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QUEL ANTIFASCISME ?
L’implantation fasciste en France, la démocratie radicalisée
Dans cette première partie nous voulons étudier les axes d’implantations idéologiques de l’extrême-droite dans la société française contemporaine. Évidemment cette partie ne contiendra pas de grandes révélations, puisque l’extrême-droite est désormais dotée de canaux de communications multiples et massifs et qu’à travers eux on observe chaque jour le déploiement de leur stratégies et propagandes.
De manière générale les thèmes de l’extrême-droite agissent sur plusieurs aspects ayant pour but : d’apporter une réponse au problèmes sociaux créés par les gouvernements successifs ; d’apparaître comme un redressement moral du pouvoir face à des élites décadentes (créant par là un fort dégagisme) ; et de réorienter le débat sur des positions réactionnaires visant un retour à l’ordre morale de la famille, de la nation et à une lecture du monde identitaire et hiérarchisée.
Le fascisme est l’héritier de la pensé réactionnaire développée depuis 1789 par les adversaires tant du libéralisme que du communisme. Depuis la fin du XIXe siècle et le XXe siècle l’extrême-droite incarne la part radicale de ce mouvement. Elle se caractérise longtemps par son anti-parlementarisme et sa prétention au putsch à laquelle elle renoncera progressivement jusqu’à son intégration totale au jeu parlementaire (le RN par exemple participe à la vie politique de la Ve république de manière tout à fait conventionnelle et c’est le cas de la plus part des groupes d’extrême-droite européen). En Europe se sont ces partis qui prennent le pouvoir en Pologne, en Hongrie etc. Parallèlement continuent à exister des groupes violents qui ambitionnent parfois de prendre le pouvoir par la rue. Mais ces groupes activistes néo-fascistes (en opposition à l’extrême droite réactionnaire) sont minoritaires aujourd’hui en France.
Mais malgré la diversité de ses courants et sa position « rupturiste », nous pensons que le fascisme au sens large se présente essentiellement comme une radicalisation du monde tel qu’il fonctionne déjà.
Il faut d’abord rappeler que le fascisme ne s’oppose pas à l’organisation capitaliste de l’économie. Aujourd’hui la majeur partie des partis d’extrême droite est convertie au libéralisme économique, vaguement modéré par une volonté de façade de soumettre les intérêts de l’économie à ceux de l’état. Les états fascistes depuis qu’ils existent ont toujours favorisé une gestion libérale de la production. L’Allemagne nazie fut précurseure de la logique managériale et des agences de conseils. Par ailleurs aucun parti d’extrême droite ne chercha à s’attaquer à la gestion privée de l’économie.
Pour apparaître toutefois comme une force de transformation sur le terrain économique les fascistes proposent à la fois de grands récits nationalistes fédérateurs, et des politiques d’avantages sociaux paternalistes et ethno-différentialistes. Pour cela il promettent de favoriser économiquement les individus en vertu de leur appartenance identitaire au groupe ethno-national. On peut penser à la préférence nationale sur les emplois ou le logement proposé par le RN. Cette solution n’a pas pour but de changer les règles du jeu mais d’offrir en son sein des avantages à la catégorie « français ».
Si l’extrême droite est d’ailleurs pointée du doigt pour son nationalisme, elle ne fait que prendre acte de manière radicale d’un monde basé sur un ensemble d’état-nations capitalistes en concurrence pour la domination, la prospérité, la survie. Ces états nations sont établis sur des présupposés raciaux et identitaires issus de processus coloniaux, de récits nationaux, que l’extrême droite se propose de renforcer, d’assumer pleinement et de totaliser. L’extrême droite propose d’en finir avec le nationalisme et le racisme tiède de la droite et de la gauche classique pour assumer pleinement une préférence nationale et raciale.
Un des grands combats des fascistes est la radicalisation de l’action répressive de l’état. Si les fascistes sont libéraux économiquement, ils ne le sont pas sur le plan de l’état. Ils ne comprennent pas le compromis libéral alliant liberté formelle des citoyens et domination réelle de l’état. Puisque l’état est censé être l’émanation légitime et naturelle de la nation, ainsi que le garant de l’ordre social ; son action ne doit trouver aucun obstacle. L’hypocrisie formelle dont font preuve les étatistes libéraux pour assurer la domination de l’état et de l’économie capitaliste est insoutenable pour les fascistes qui proposent d’abolir la liberté et l’égalité formelle qui fonde le compromis sur lequel l’état démocratique assoit son pouvoir, pour laisser place à la domination sans filtre de l’état. Les seuls mécontents en seront nécessairement des voyous ou des personnes étrangères au corps national, donc nuisibles.
En réalité les fascistes reprennent un discours déjà en vigueur dans le régime démocrate libéral : « monopole de la violence légitime », « rien à craindre si on a rien à se reprocher », « la république est l ‘émanation du peuple » etc. Seulement ils proposent de réaliser intégralement ce discours. Les libéraux sont décadents, faibles et efféminés, il faut mettre l’état dans les mains de ceux qui n’ont pas peur de l’utiliser pleinement.
Cela explique d’ailleurs le fort taux d’implantation du vote fasciste chez les forces de l’ordre. Segment de l’état spécialisé dans l’imposition de l’ordre à travers la violence. Les fascistes proposent de réaliser totalement le devenir policier de l’état, ce qui séduit dans une profession formée à croire son action fondamentalement légitime et sa violence comme garantie fondamentale de l’ordre social auquel elle s’identifie. Mais en réalité, dans un monde d’état et de domination, face à des situations de désordre ou d’insécurité (réelle ou fantasmée) cette vision du monde est largement partagée dans l’ensemble de la société au-delà de l’extrême droite.
L’extrême droite partage également avec la démocratie bourgeoise la conviction que le chef est un élu, un homme providentiel et qu’il a pour but de diriger depuis le sommet de la pyramide vers le bas. Ainsi le hiérarque fasciste est un despote qui se présente comme éclairé mais qui perpétue la tradition de gouvernement autoritaire érigée ici en vertu morale. La vision du politique et de l’exercice du pouvoir de l’extrême droite s’inscrit donc dans la vision de la politique verticale et messianique de l’homme politique qu’elle partage encore une fois avec tous les courants étatistes de la politique moderne.
On le voit, sur le plan de l’organisation sociale, le fascisme ne se présente jamais comme un projet de rupture, mais bien comme une perpétuation et une totalisation dans la pratique de thèses qui dominent déjà dans la démocratie.
Enfin les valeur qu’elle véhicule ne lui sont pas propre. Nous avons évoqué la question du racisme. L’extrême droite vient ici s’inscire dans une tradition triple : le racisme religieux très présent en Europe jusqu’à nos jours ; un racisme colonial construit au fil de la conquête européenne du monde en vue de sa légitimation ; et enfin la xénophobie.
Le but de l’extrême droite est par là de renforcer des blocs de solidarité non pas objectives (conditions de vie, intérêt etc) mais fondés sur des mythes et des caractéristiques prétendument spécifiques et indépassables. On parle alors des « blancs », « des arabes », « des noirs » comme si ces termes génériques avait en eux une véritable cohérence et décrivait des groupes cohérents en concurrences entre eux.
En cela les fascistes s’inscrivent donc dans une tradition européenne bien ancrée mais viennent la radicaliser puisqu’ils en font le point central de leur analyse du monde.
Cette tentative de racialiser les rapports sociaux repose aujourd’hui sur la condamnation du multi-culturalisme et du « mondialisme » (ce qui met les communautés ethno-nationales en contact, en mélange). Elle vient également tenir le discours suivant « les étrangers attaquent les français, ils le font en conscience de leur identité particulière et nous ne pouvons nous défendre car nous refusons de nous constituer en bloc français blanc contre les autres communauté ». La focale que les fascistes mettent sur les faits divers pouvant accréditer cette vision tronquée de la réalité, est une de leur grande stratégie à cet égard. A cela s’ajoute un discours permanent sur l’insécurité qui est expliquée de manière raciste par la présence d’étrangers et d’anti-nationaux qui doivent être matés par les forces répressives de l’état.
D’ailleurs, ces dernières années, la lecture raciste de l’insécurité a aussi permis à l’extrême droite de se positionner comme un acteur « féministe » en proposant de considérer que la violence sexuelle en France est principalement le fait d’étrangers, animés par des mœurs arriérées. La question de l’islam et du voile représentent aussi une tentative efficace de réduire la domination patriarcale à un problème exogène au corps national.
Tout cela permet d’annihiler de fait le féminisme comme mouvement d’émancipation en le déplaçant sur un terrain fantasmagorique raciste et en excluant la majorité de la population et des faits réels de violences patriarcales du champ de la critique sociale.
Finalement on peut retenir et constater que l’extrême droite défend des positions radicales mais qui ne divergent pas fondamentalement du fonctionnement étatique, capitaliste et hiérarchique du monde actuel. Elle se propose de brutaliser l’État nation moderne et de mettre symboliquement la société et l’économie au service d’un « nous », d’un « peuple » racialisé. En réalité les fascistes ne remettent pas en cause la soumission de la société aux capitalistes, et proposent principalement de perpétuer le fonctionnement actuel de l’économie mais en l’enrobant de mythes racistes, sexistes et nationalistes sensés remplir le vide existentiel produit par le capitalisme. L’extrême droite n’accorde d’ailleurs jamais ou presque de nouveaux droits au travailleurs concernant l’organisation du travail ou son contrôle. Au mieux garantit-elle les salaires et l’approvisionnement des « nationaux » au détriment de certaines catégories sociales minoritaires. En tout cas cela est-il ce qu’elle promet aux travailleurs nationaux.
Mais en réalité le déplacement de la question sociale du champ de l’exploitation vers le champ ethno-racial à travers de grands récits nationalistes, ainsi que la répression féroce de tout courant concurrent, permet aux capitalistes d’intensifier fortement l’exploitation des travailleurs nationaux comme non nationaux. Face à cette intensification, les travailleurs sont alors tout à fait désarmés pour se défendre car leur perception de l’organisation sociale est faussée.
La logique sociale fasciste malgré ses prétentions révolutionnaires se présente plutôt comme le prolongement du struggle for life libéral. En effet les capitalistes libéraux, ont imposé l’idée que le monde est régi par une concurrence permanente d’acteurs atomisés qui luttent pour leur survie et leur suprématie. Le capitalisme, dans son fonctionnement, produit cette réalité d’insécurité permanente. Les fascistes ne souhaite pas remettre en cause ce fait, mais simplement en prendre acte. Là où les libéraux répandent la violence sociale mais affirment dans le même temps des formes de liberté et d’égalité formelle (droit de vote, égalité devant la loi), les fascistes affirment tout simplement que l’égalité est une chimère. En revanche il existe des races, des identités fixes en guerre les unes contre les autres et autours desquels on doit faire corps pour trouver la sécurité et pour s’accomplir.
Alors que le capitalisme accentue sa logique d’accumulation et que s’appauvrit la base de la société, alors que la crise climatique annonce un bouleversement du monde, les fascistes affirment que la seule manière de s’en protéger est l’établissement d’un « nous » ethno-nationaliste et réactionnaire prêt au combat.
Cette logique rejoint finalement celle du nationalisme et du capitalisme local tel qu’il fut pensé et développé par de nombreux courant de gauche comme de droite depuis le XVIIIe siècle.
Fascisme et capitalisme.
Pour continuer à parler des liens entre le monde capitaliste et le fascisme, nous souhaitions présenter la thèse développée dans Les prophètes du mensonge. Un livre qui analyse l’agitation fasciste des années 40 aux états-unis et leur rapport avec l’organisation capitaliste de la société en général.
La thèse proposée dans ce livre est que le capitalisme produit structurellement un malaise social qui strcuture les affects politiques et les aspirations des individus et groupes. Ensuite les auteurs distinguent trois approches politiques qui s’adressent à ce malaise : la démocratie, le fascisme et la révolution.
Le capitalisme moderne se présente pour les auteurs comme un ensemble de grandes structures bureaucratiques (entreprises, administrations publiques etc.) qui encadrent et exploitent des masses d’individus atomisés. Cela produit un malaise sociale compris comme un ensemble d’effet psychologique nécessaire à son fonctionnement et qui touche potentiellement toute les classes sociales, exploiteurs et exploités :
1 - l’anxiété
Pour fabriquer des travailleurs productifs et dociles à partir de corps et d’esprits les plus divers, les sociétés capitalistes sont anxiogènes. Elles sont en « crise » permanente, on a peur de ne pas arriver à payer ses factures, à protéger ses enfants ou soi-même du déclassement, on ne peut avoir aucune certitude concernant l’avenir. Rien n’est jamais acquis, il faut se battre en raison de la concurrence de tous contre tous. Le conditionnement des moyens d’existence à la réalisation de tâches productives suppose la suppression des garanties sociales (droit au logement, à l’alimentation...) ce qui entraîne une violente incertitude quant à son avenir.
2 - la frustration
Pour motiver la force de travail à produire et écouler les surplus afin d’éviter la surproduction, il faut rendre désirable, indispensable, nécessaire une gamme toujours plus large de biens et de services marchands. L’écart entre les normes sociales produites par les gestionnaires et publicitaires capitalistes (partir en vacances plusieurs fois par ans, aller au restaurant, payer des études, accéder à la propriété de son logement...) et les moyens de subsistance toujours plus réduits (RSA, APL, bourses, salaires...) des prolétaires conduisent à une frustration perpétuelle. Les imaginaires qui structurent la culture dominante excitent, valorisent, érotisent le désir de consommer, posséder, jouir de biens et de services marchands tandis que dans le réel la répression des désirs d’acquisition est la règle. On se serre la ceinture pour tenir jusqu’à la fin du mois.
Quoi de mieux pour produire des compétiteurs agressifs sur le marché que des consommateurs frustrés
3 - l’impuissance
On n’arrive pas à s’en sortir, on ne joint pas les deux bouts. Il est impossible d’en finir individuellement avec la frustration et l’anxiété en respectant les règles du jeu. À part gagner au loto bien sûr ! on sait au fond qu’on ne peut rien quant à changer sa situation sociale.
4 - la défiance
On ne croit plus en rien, on n’a plus confiance dans les institutions, les politiques, les médias. Toutes les figures d’autorité peuvent être remises en cause : les profs, les patrons, les journalistes, les médecins, les élus… Les élites étant disqualifiées on cherche un contre-discours à celui qu’elles diffusent. Les dés sont pipés, les idiots sont ceux qui y croient encore.
Une fois acquis que la société capitaliste produit structurellement un « malaise social ». Les auteurs proposent d’observer et d’analyser trois formes de politisation de ce malaise.
1- les démocrates
Les tenants de droite ou de gauche de la démocratie, des plus conservateurs au plus réformistes veulent sauver l’ordre existant en défendant des compromis intenables sur le long terme : permettre à tous de consommer en augmentant les revenus pour réduire la frustration, offrir des conditions de vie stables pour réduire l’anxiété, rétablir la confiance dans des figures d’autorité, incarner l’alternance pour réduire le sentiment d’impuissance… En période d’expansion capitaliste cela peut très bien marcher comme pendant les « Trente Glorieuses ». Cependant les contradictions du mode de production capitaliste en période de « crise » ne peuvent que mener à leur échec et à leur discrédit le plus total. Il leur faut en effet réprimer les prolétaires pour que les entreprises puisse produire, faire du profit en étant compétitives.
2 - les fascistes
L’agitateur fasciste est comme un médecin qui prescrirait à un patient souffrant de démangeaisons de se gratter le plus possible.
Vous avez peur de l’avenir ? Vous avez raison, des hordes de barbares vont venir vous envahir. Vous êtes frustré de pas vous en sortir ? C’est parce que les étrangers et les juifs volent votre travail, vos logements, vos femmes, vos aides sociales. Vous vous sentez impuissant et trompé par le système ? Vous avez raison on se fout de vous. Voter pour moi, suivez moi, déléguez votre faculté de raisonner et votre puissance d’agir au chef.
Le fascisme se présente comme un projet de remplacement des élites traditionnelles dénoncées comme corrompues, déviantes, décadentes. On pense ici les mauvais dirigeants en terme de tares individuelles éventuellement typique d’un groupe ethnique et non comme des agents de structures sociales ou de force économiques. Les élites actuelles doivent être supplantées par des élites nouvelles, violentes et viriles qui promettent de s’en prendre physiquement à des groupes sociaux stigmatisés sensés représenter la cause du malaise social.
A ce titre, c’est une entreprise politique qui porte en elle les germes du nettoyage ethnique, de la persécution politique, des massacres de masse, de la spoliation brutale des plus faibles. Les fascistes désintellectualisent le malaise social en obscurcissant la compréhension de celui-ci, faisant disparaître les processus sociaux capitalistes en désignant des masses de personnes malveillantes à faire disparaître par tout les moyens.
Les fascistes demandent une obéissance absolue et aveugle dans les dirigeants du mouvement, qui sont de courageux visionnaires, qui osent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, faire ce qui doit être fait même si cela implique de se salir les mains. Leurs dirigeants se présentent à leur public comme opprimés par la censure des élites qu’ils veulent remplacer.
Cette stratégie et culture politique explique pourquoi ils sont par nature anti-intellectuels, anti-science et en définitive opposés au débat contradictoire et argumenté tout comme à la délibération collective. La critique et l’opposition ne sont pas acceptables. Il faut anéantir toute les libertés d’expression, d’association, de manifestation de même que le droit de grève.
Le fascisme est une pensée identitaire. Les fascistes réifient, radicalisent, naturalisent les différences réelles entre les humains fragmentés par des identités nationales, ethniques, religieuses, de genres pour pouvoir réunir les individus atomisés en une force politique reposant sur des oppositions simples : les Français contre les étrangers, les patriotes contre les mondialistes.
C’est un discours clair, cohérent qui s’appuie sur des intuitions et des idées préconçues très diffuses dans les masses.
Il prend pied sur une certaine interprétation du réel pour affirmer qu’il ne peut y avoir de dépassement possible et désirable de celui-ci. Il y a un marché de l’emploi et du logement tendu ? Interdisons-en simplement l’accès aux étrangers pour privilégier nos nationaux.
Les fascistes, comme les démocrates mobilisent régulièrement le champ lexical du « bon sens » et du « réalisme » pour justifier leurs politiques de domination. Ils n’ont aucune idée de comment changer le réel pour l’améliorer. Ils dénoncent toute initiative allant dans ce sens comme impossible ou contre nature, donc dangereuse.
Enfin, les fascistes peuvent s’emparer des appareils d’État (police, justice, armée) ou remplacer ceux-ci par leurs propres organisations parallèles généralement avec l’accord plus ou moins enthousiaste d’au moins une partie des capitalistes. L’État et ses élites démocrates peuvent également réprimer les fascistes car ils constituent une menace à leur pouvoir et l’antifascisme peut alors permettre de redorer le blason d’une démocratie en déroute : c’est l’antifascisme démocratique. Celui-ci repose paradoxalement sur un arsenal répressif qui réduit les libertés fondamentales pour être efficace et donc arme l’État dans sa lutte contre les révolutionnaires tout en préparant celui-ci à un usage fasciste.
3 - Les révolutionnaires
Les agitateurs révolutionnaires quant à eux sont des agents de la transformation sociale. Ils tentent de forger des outils d’émancipation, de redonner des moyens d’agir aux prolétaires, de permette de sortir collectivement de l’impuissance en créant des espaces d’organisation.
Ils produisent aussi une intellectualisation des processus capitalistes abstraits à l’œuvre dans le malaise social. Les obstacles au changement social sont plus facilement identifiés et attaqués.
Les révolutionnaires, se présentent comme la seule force ayant une volonté réelle de comprendre et mettre fin au « malaise social ». Notamment en cherchant à produire des formes de solidarité basées sur une compréhension « rationnelle » des intérêts collectifs. Cherchant donc aussi à anéantir les réifications identitaires (nationales, raciales etc.) produites par le capitalisme étatisé.
Ils cherchent à affirmer et incarner la possibilité de changer l’organisation de la vie.
On pourrait affirmer que la démocratie et le fascisme sont deux projets concurrents dans la perpétuation de l’ordre existant. La démocratie base cette perpétuation sur une forme de déni organisé de la violence sociale, elle déplace l’égalité du champ du réel, vers le champ du formel, du droit. Le fascisme se base lui sur un approfondissement de la violence sociale, si la vie est une guerre de tous contre tous, il faut être le plus fort, la violence n’as pas de fin possible.
La révolution apparaît alors comme la seule voie permettant de couper court à la spirale de la violence sociale en créant dans sa politique même une nouvelle réalité sociale, vecteur d’affects émancipateurs.
Le mythe de la seconde guerre mondiale comme guerre antifasciste
Après avoir présenté les liens entre le capitalisme et le fascisme, il nous paraissait intéressant de revenir par une autre entrée sur le rapport entre la démocratie libérale, que nous comprenons comme un mode de gestion du capitalisme, et le fascisme. On oppose souvent ces deux modes de gouvernements comme deux réalités fondamentalement étrangères l’une à l’autre. C’est notamment le cas dans les discours produits par un antifascisme démocrate. Nous trouvions donc intéressant, pour critiquer ce discours, de nous pencher sur la distinction qui s’est opérée lors de la seconde guerre mondiale entre démocratie et fascisme et qui sert depuis de base au moins inconsciente à toute une culture antifasciste morale et démocrate.
Tout d’abord, il est intéressant de noter qu’avant guerre, le régime nazi et le régime fasciste en Italie suscitent un fort intérêt dans les élites occidentales en général. Les commentateurs libéraux de l’époque admirent ces pays mobilisés comme un seul homme dans l’ordre, et on admire la capacité des nazis et des fascistes à mater le mouvement ouvrier. Le désordre social est maîtrisé et la prospérité économique au rendez-vous. Ces régimes sont alors une option valable pour de nombreux capitalistes auparavant démocrates qui s’inquiètent de la capacité de la démocratie à rester un mode de gestion efficace du capitalisme.
Si on peut s’émouvoir maintenant de la violence inouïe de la répression nazie, il ne faut pas oublier qu’à l’époque les démocraties libérales occidentales sont engagées dans des processus coloniaux très violents, sont elles aussi racistes, porteuses d’une forte culture antisémite et anticommuniste (certains de ces traits perdurant toujours aujourd’hui). Au fond les nazis ne font rien qui entre fondamentalement en contradiction avec l’occident en général. En plus de tirer leur légitimité de succès électoraux indéniables. Hitler ne devient un problème que lorsque son impérialisme national se fait trop dérangeant, notamment en s’exprimant sur le sol européen plutôt que dans le monde colonial.
Aujourd’hui encore, nombre de régimes autoritaires d’extrême-droite sont tout à fait admis au rang d’alliés proches des démocraties libérales, surtout lorsqu’il s’agit de sécuriser telle ou telle ressource, marché, intérêt géopolitique. Ces régimes sont pointés du doigt pour autoritarisme uniquement lorsqu’ils circonviennent aux intérêts du bloc bourgeois occidental ou de telle ou telle bourgeoisie nationale.
La démocratie est un mode de gestion politique particulier du capitalisme, un vernis circonstanciel sur la violence sociale, qui s’exprime à travers un état nation en concurrence avec d’autres entités similaires pour le contrôle et le prospérité. Si ce vernis devient contradictoire avec les intérêts du capital, avec la capacité de contrôle de l’état sur sa population, il n’est pas douloureux pour les capitalistes de s’en séparer et d’appliquer de manière transparente leur violence sur la société. L’épaisseur de ce vernis démocratique est donc en variation constante selon le contexte dans lequel la démocratie se déploie.
La qualification (en cours de conflit) de la seconde guerre mondiale comme une guerre essentiellement antifasciste, la victoire des alliés, et l’aboutissement de la pensée nazie dans l’holocauste ont fondé une situation où, en occident, l’extrême droite et les fascistes sont exclus du champ politique pendant des décennies.
Ce statut quo repose sur une alliance antifasciste entre toutes les composantes du champ politique de droite ou de gauche et sur un récit qui oppose la démocratie capitaliste et le fascisme comme deux mondes totalement étrangers l’un à l’autre. La critique du fascisme se fait alors toujours à propos du passé et sur le plan de la morale.
En plus de ne pas remettre en question la marche des choses qui permet au fascisme de croître (le capitalisme, l’état nation...), ce récit provoque des moments de double standards et de non pensées qui ne manquent pas d’être remarqués et d’entamer la légitimité du discours antifasciste sur le long terme. Par exemple, tel adversaire politique français est taxé de fasciste, tandis que tel allié géopolitique sera dédouané, ou que des libéraux qui utilisent le 49-3 et la répression policière à tout va pourront continuer à être qualifiés de démocrates.
Nous sommes héritiers de ce grand récit ce qui nous pousse à regarder vers l’état, les forces réformistes, libérales, voire de droite républicaine pour barrer ensemble la route des fascistes. Mais nous espérons tout au long de cet exposé avoir montré à quel point les démocrates et les fascistes partagent de nombreuses pratiques et un désir commun de perpétuer l’existant quoique de manière formellement différentes.
En fait si il y a bien des différences de degré très violentes entre la marche habituelle du monde libéral et le fascisme, on voit qu’on ne peut pas décorréler les deux, ce sont des processus consubstantiels et qui se nourrissent l’un l’autre tout en singeant une forme de lutte de fond entre eux. Torture, massacre, spoliation, répression politique, embrigadement, nationalisme, mise en concurrence de groupes racialisés, tout cela a été pratiqué par les démocraties occidentales bien avant la création même du fascisme, et bien après sa défaite formelle en 45.
L’antifascisme ne suffit pas
Si l’on attrape la question politique par le bout spécifique de l’antifascisme, on se rend donc vite compte qu’il est impossible de détruire le fascisme sans détruire plus largement la réalité matérielle et idéelle qui lui permet d’exister et de croître. Il s’agit bien de révolutionner les structures de la vie en général. Cela implique une critique impitoyable du capitalisme, mais aussi de l’état-nation moderne, du patriarcat, du racisme, etc. De manière générale de tout ce qui tend à nous diviser, à nous mettre en concurrence les uns avec les autres et à produire une dépossession de nos existences.
Il s’agit de remplacer la concurrence, la frustration, l’aliénation et l’impuissance produite par l’expérience de la domination ; par une solidarité, une confiance et une émancipation qui sont le fruit de l’expérience du pouvoir commun, de l’action collective sur nos vies.
Garder un horizon révolutionnaire en période de fascisation est souvent présenté comme une position dangereuse. Les fascistes gagnent plus de terrain que jamais, le monde en général nous est de moins en moins favorable et il faudrait tenter d’accomplir un programme politique trop ambitieux, difficile, peu consensuel et en définitive peu efficace.
Au contraire, il nous semble que tenter à tout prix de réanimer le cadavre de la démocratie libérale comme « moins pire » du fascisme, nous empêche de nous adresser fondamentalement à toutes les réalités et segmentations sociales qui fondent la victoire fasciste (la démocratie libérale en étant une)
Si pour vaincre le fascisme il nous faut réunir dans un même mouvement d’émancipation des personnes et des groupes sociaux qui sont violemment segmentés par l’organisation du monde (de l’économie, du patriarcat, de l’impérialisme, du colonialisme) ; il est illusoire d’espérer accomplir cette réunion sans promouvoir activement la critique de (et l’action contre) l’organisation du monde.
Toute cette segmentation et violence sociale, en plus de nous handicaper, nourri activement les fascistes.
La logique du front commun ou du barrage qui abandonnerait pour se concentrer sur l’extrême droite, la critique de la démocratie et de l’état, voir s’allierait à eux, nous paraît illusoire. Elle nous paraît relever d’une analyse historique mythifiée qui nous mène à une logique de lutte défaillante, de mauvaises alliances, et en définitive à l’impuissance politique.
Combattre le fascisme via le discours démocrate ne nous protège pas. Ou cela dresse-t-il juste entre nous et le fascisme une fine digue morale qui aura vite fait de céder sous les coups de la violence sociale généralisée.
Si pour vaincre le fascisme il nous faut réunir dans un même mouvement d’émancipation des personnes et des groupes sociaux qui sont violemment segmentés par l’organisation du monde (de l’économie, du patriarcat, de l’impérialisme, du colonialisme) ; il est illusoire d’espérer accomplir cette réunion sans promouvoir activement la critique de (et l’action contre) l’organisation du monde.
Toute cette segmentation et violence sociale, en plus de nous handicaper, nourri activement les fascistes.
La logique du front commun ou du barrage qui abandonnerait pour se concentrer sur l’extrême droite, la critique de la démocratie et de l’état, voir s’allierait à eux, nous paraît illusoire. Elle nous paraît relever d’une analyse historique mythifiée qui nous mène à une logique de lutte défaillante, de mauvaises alliances, et en définitive à l’impuissance politique.
Combattre le fascisme via le discours démocrate ne nous protège pas. Ou cela dresse-t-il juste entre nous et le fascisme une fine digue morale qui aura vite fait de céder sous les coups de la violence sociale généralisée.
Cela est d’autant plus vrai car cette morale antifasciste d’état telle qu’en vigueur en France après 45 est sans cesse utilisée à des fins politiciennes et électoralistes par les forces politiciennes et électoralistes que produit le régime démocratique. Rendant l’antifascisme kitsch, perçu comme une disquette politique dépourvue de fond qui sert à appliquer un double standard critique sur la scène politique au profit des forces déjà hégémoniques.
À ce sujet, on ne rappellera jamais assez la responsabilité historique écrasante du parti socialiste dans la montée du fascisme en France. La gauche de gouvernement française n’a eu de cesse pendant des décennies de réduire en miette tout espoir de transformation sociale tout en utilisant l’extrême droite comme croque-mitaine dans un chantage électoral. Le mandat Macron (propulsé par Hollande) en est l’aboutissement le plus grotesque et tout le monde a désormais conscience que loin de faire barrage au fascisme ces gens lui préparent activement le terrain.
Même lorsque cette logique politique étatiste-démocrate est articulée à des actions de rue plus « radicales » contre les groupes d’avant-garde fascistes comme c’est le cas avec la Jeune Garde, il n’y a clairement aucun espoir à en tirer. Cela ne résout pas la fascisation rampante des esprit, le vote croissant pour les partis d’extrême droite, le monde qui court à sa perte et qui pose à tous la même question sournoise : « les miens avant les autres ? »
De plus, l’appel à l’action de l’état contre les fascistes, notamment à travers la dissolution de groupes fascistes, s’avère une tactique totalement contre-productive. Cette tactique vient mettre en place et légitimer des outils de répression politique, qui une fois en place se retournent systématiquement contre le mouvement social. On oublie ici que l’état démocratique n’est pas l’allié des luttes de classe, et qu’il n’est jamais à l’abri de tomber entre les mains des fascistes.
Lorsqu’on veut amoindrir la capacité politique des fascistes à travers l’état, on donne la possibilité à l’état d’amoindrir notre propre capacité à lutter.
Même si une période de fascisation nous met face à des enjeux tactiques pressants, à des perspectives d’alliances et de compromis inhabituelles ; si on veut affronter la période, il ne faut pas euphémiser les contradictions que certaines alliances renferment.
En guise de conclusion pour cette partie, nous pouvons affirmer que l’antifascisme ne peut pas être une fin en soi, en tant qu’il s’attaque à un mode spécifique de la domination de manière séparée. C’est bien la domination et l’exploitation en général qui doit rester le curseur principal du mouvement social pour ne pas perdre de vue qui sont ses ennemis.
L’organisation antifasciste, la question de la violence
L’antifascisme n’est pas une fin en soi. Malgré tout, le fascisme nous pose un vrai enjeu sécuritaire, la répression fasciste est un danger existentiel pour nos mouvements et nos existences. En même temps on voit bien que c’est le travail politique de fond qu’on réalise qui est le plus important et qui pourrait offrir des portes de sorties de l’alternance démocrate/fasciste.
Cela a deux conséquences : le fascisme fait régner d’une part une peur de l’annihilation dans notre camp, et d’autre part apparaît comme un parasite agaçant qui nous détourne des tâches réellement importantes. Face à ce problème, on veut du rapide et efficace, pour se sentir en sécurité ou pour ne pas s’imposer ce travail ingrat et porter par ailleurs des luttes sociales victorieuses.
Le souci existentiel fort de certains et le dédain d’autres abouti à une forme de délégation pure et simple de la question antifasciste qui tend à s’extérioriser du mouvement social. Des groupes restreints et peu ouverts ayant une appétence pour la question s’en saisissent, et finissent par exercer localement une forme de monopole politico-pratique sur la question.
Cette fois-ci, pas question d’attendre que l’état agisse, ce sont des groupes qui mènent une action directe contre les fascistes. Ces groupes semblent naturellement plus proches du mouvement révolutionnaires, leur pratique semble plus radicale et conséquente. Pourtant, au delà de l’orientation politique spécifique à chacun de ces groupes de type « AFA », nous souhaitions exposer certaines impasses qui semblent se dégager de cette forme d’organisation à nos yeux.
Si ces groupes fondent souvent leur succès sur leur capacité à déployer des pratiques offensives contre les groupes fascistes. Il nous semble aussi que cette forme tend à privatiser l’antifascisme au sein du mouvement social en monopolisant en son sein l’élaboration stratégique, la veille et l’action directe contre les groupes fascistes, l’organisation de manifestations publiques, etc. Souvent quand il existe une AFA, il n’y a pas d’espaces extérieurs à cette AFA où discuter la stratégie locale du mouvement social vis à vis des fascistes.
Sans articulation à des formes plus ouvertes et rejoignables, il nous semble que l’AFA est une forme qui tend vers une dépossession collective sur la question antifasciste.
De plus la manière dont ces groupes évoluent démontre souvent un échec à se saisir politiquement de la question de la violence et de l’enjeu de pouvoir qui s’y niche. En effet, ces groupes tendent à développer une pratique politique fortement structurée par la confrontation entre bandes groupusculaires. Impossible de ne pas faire le parallèle entre ces groupes et les fascistes qu’ils combattent. La forme d’organisation collective de la violence est souvent la même, la forme de publicisation et de mobilisation symbolique de la violence aussi (l’exemple caricatural étant les contenus disponibles sur des groupes type Antifa Squads)
Si on pousse la logique au bout, chaque camp a ainsi son organisation para-militaire idéologiquement différente mais formellement similaire.
Or, pour faire face de manière révolutionnaire à la violence fasciste, il faudrait chercher à élaborer une organisation de notre violence qui soit antagoniste à celle des fascistes. Sortir du modèle féodal du groupe guerrier protecteur du militant de base vulnérable et chercher à construire un pouvoir politique et pratique commun sur la question.
Si une bande compétente et cohérente peut faire du très bon travail sur le court terme, il nous semble que sur le long terme cette logique devient son propre piège en bloquant la possibilité d’une réappropriation massive des pratiques antifascistes et en monopolisant l’élaboration politique dans des formes relativement fermée.
Dans les pires des cas, la violence utilisée sur l’ennemi, qui a légitimé l’existence du groupe, se retourne contre le mouvement social.
Il est de notoriété publique que certains membres de l’AFA Paris-Banlieue ont une certaine habitude de régler leurs différents politiques à coup de poing au sein même du milieu politique parisien. On a aussi vu à Lyon la Jeune Garde s’attaquer physiquement à son concurrent autonome la Gale. Les exemple sont nombreux et ne concernent évidemment pas que des groupes antifascistes dans l’histoire de nos mouvements mais il nous semble que c’est un écueil qui doit être nommé.
Nous pensons que ces dérives ne sont pas que le fruit du positionnement politique ou moral des groupes qui en sont responsables, mais bien une question d’organisation collective et de climat politique qui rend possible ces dérives.
En clair, si le politique ne se saisi pas du militaire, c’est le militaire qui se saisit du politique. Il nous faut donc des formes d’organisation et d’articulation qui puissent développer une proposition « militaire » antifasciste révolutionnaire. Une culture de la violence qui puisse s’opposer militairement et culturellement à la culture de la domination.
L’antifascisme comme opportunité
On a vu en quelque-sorte que le sous investissement (qu’importe l’antifascisme) ou le sur-investissement (tout sauf le fascisme) de cette question nous poussent vers deux formes d’impasses différentes.
Si l’antifascisme n’est pas une fin en soi, c’est un enjeu bien trop important pour ne pas s’en saisir collectivement de manière fine et conséquente.
En fait l’antifascisme apparaît comme une nécessité que l’histoire impose au mouvement social. Et il nous semble que comme en toute chose, la tâche qui s’impose aux révolutionnaires c’est de transformer une nécessité contextuelle en l’opportunité d’une critique du monde en général et en l’opportunité de créer des cadres d’organisation qui constituent des points de départs pour une transformation radicale de l’ordre des choses.
L’antifascisme est pour nous une réelle opportunité politique car on a vu que cette question nous permet notamment de dévoiler la nature réelle du monde tel qu’il va déjà. Face à cette opportunité, nous voulions montrer que la manière dont nous répondons à un problème, que ce soit la forme d’organisation ou les actions en elles-mêmes, ont un sens et un chemin.
Elles peuvent permettre de reprendre la main sur nos vies, de cesser de déléguer son pouvoir à des prophètes, des bureaucraties, ou pire à des guerriers . Elle peuvent aussi ne pas le permette.
Nous voulions donc impulser ce moment pour pouvoir discuter de toutes ces questions de fond et de forme dans un cadre public. En espérant participer à la construction d’une politique antifasciste révolutionnaire forte et conséquente en Bretagne et ailleurs.
Cette présentation s’est suivie d’un retour et d’une discussion sur les enjeux locaux et nationaux d’un antifascisme révolutionnaire. Nous avons notamment porté la discussion sur les assemblées antifascistes comme manière de proposer des espaces ouverts et larges. Nous avons aussi discuté de comment penser des formes de coordinations entre des groupes antifa et le mouvement social en général. Nous espérons que cette transcription pourra servir de base à des discussions similaires dans d’autres espaces.
Brest, Juillet 2024
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