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Une femme trans en garde à vue

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Ce texte est le témoignage de Françoise, une camarade trans de l’université de Nancy, interpellée lors des mobilisations du printemps 2018 contre la loi ORE.

Il n’aura échappé à personne que les réactions face à la loi ORE et à la sélection à l’université furent plus que nombreuses et importantes, je ne peux pas ici me permettre d’évoquer tous le mouvements qui ont eu lieu en France durant plusieurs mois, ce n’est d’ailleurs pas le sujet de cet article, je vais juste commencer en vous parlant de Nancy, ici aussi comme ailleurs en France la fac de lettre a été bloquée pendant 33 jours avant de que l’intervention des forces de l’ordre n’ait lieu le 25 avril.

Quelques jours plus tard, le 3 mai, se tenait dans la fac, alors occupée par des vigiles et des caméras, une assemblée générale, qui ici, marque le début de mon témoignage. Je vais donc résumer rapidement cette partie sans entrer dans les détails. La salle des professeurs a été prise d’assaut, puis les portes des locaux syndicaux, qui avait été barricadées par des plaques de contreplaqué par l’université, ont été démontés rapidement après. C’est l’euphorie générale, une seconde assemblée se tient alors sur les marches de l’escalier des amphithéâtres où sont alors expliquées les raisons de s’opposer à la loi ORE, puis une partie des étudiant·es présent·es se rendent devant le second amphithéâtre où devait se dérouler les partiels pour faire un sit-in. C’est à ce moment que les choses se corsent, voilà qu’arrivent les CRS, casqués et surarmés, les bloqueurs·ses se relèvent. S’en suit un long moment de tensions entre les CRS attendant devant l’amphithéâtre et les étudiant·es en face, commençant à rentrer au compte-goutte dans la salle pour le partiels, surveillé·es par l’administration. Bientôt il ne resta plus que les bloqueurs·ses dans la cour.

Je me retrouvais avec les autres, de moins en moins nombreux·ses, je sentais que les CRS n’attendraient pas pour charger. On m’interpella alors, c’était juste un type qui me demandait où se trouvaient les toilettes, rien de grave, je l’ai donc accompagné jusqu’à celles-ci, j’ai donc dû m’éloigner du groupe un moment… Ce que j’ai amèrement regretté. J’arrive devant les toilettes, je laisse le type y aller, j’attends, puis je vois 3 personnes entrer juste après nous, iels s’approchent de moi. Je remarque un brassard orange sur le bras du 1er, je me dis que c’est sûrement un vigile qui vient m’engueuler ou je ne sais quoi, puis soudain… « Police, veuillez nous suivre » en sortant sa carte de sa veste. Je dois dire que ça, je ne m’y attendais pas. Iels m’ont alors demandé ma carte d’identité, je leur ai donnée en leur précisant qu’elle n’était pas à jour et que mon prénom d’usage était Françoise, parce que quitte à se faire arrêter, autant qu’ils me genrent bien pendant les interrogatoire, la réflexion du flic n’était pas à la hauteur… « Bon faudra penser à la mettre à jour alors, mais là on va la jouer officiel et ce sera monsieur, suivez nous », bon en même temps c’est des flics, pas le summum de l’ouverture d’esprit, je vois le type que j’avais accompagné qui sort des WC, j’ai juste le temps de lui dire de prévenir les autres avant d’être emmenée, bref, mon histoire, ou du moins celle que je voulais vous raconter, commence vraiment ici.

Je détaillerais ici mon vécu de 48h dans un commissariat en France en tant que femme trans, ce n’est que mon expérience, mais il se peut qu’elle soit utile, qui sait…

J’arrive donc à la voiture de police, je monte dedans, puis un flic débarque, un petit gars, jambe arquées, qui se prenait vraiment pour un cow-boy est venu me voir, il m’a pris mon téléphone (que les autres flics m’avaient un peu laissé) et l’a balancé à l’autre bout de la voiture avant de me sortir « Eh bah maintenant tu fais moins la belle que tout à l’heure hein ! », c’est une remarque gratuite d’un niveau assez affligeant. La voiture démarre et me voilà emmenée jusqu’au commissariat Lobau, je me sentais très mal sur le coup, je ne savais pas comment réagir, je n’ai jamais eu affaire à la police par le passé, je stressais, mais j’essayais de ne pas trop le montrer. Le seul petit moment de bonheur fut quand j’entendis à la station de la police qu’un cortège de manifestant·es se dirigeait vers le commissariat, je me sentais soutenue à ce moment.

Me voilà donc arrivée devant ce lieu, je croise alors une camarade, elle aussi attrapée par la police, nous nous mettons alors à chanter toutes les deux toutes les chansons révolutionnaires que nous connaissions, je me sentais moins seule déjà… Vint ensuite le moment de la fouille, nous voilà séparées, à peine le temps de se faire un câlin, on nous arrache l’une de l’autre. J’entre dans la salle, avec le flic qui m’a arrêtée, et revoici le cow-boy qui entre, il fouille mes affaires, regarde ma carte d’identité, puis s’exclame « ah mais c’est un mec en fait… je vais pouvoir le fouiller » sur un ton qui transpirait la crasse et la vulgarité, il s’exécute donc, j’essaie de penser à autre chose. Après cela, le 1er flic m’accompagne devant sa collègue à qui il montre ma carte, en lui précisant au passage, « c’est monsieur, enfin un monsieur/madame quoi » je crois que c’est difficile de faire plus maladroit et gênant comme remarque. Son collègue le cow-boy sortant de la salle se mit devant moi et me regardant avec un air circonspect et me dit ceci « tu fais flipper toi hein ! T’a une gueule qui fait flipper ». Le 1er flic m’emmène donc dans ma cellule, une pièce sans toilette, ni lavabo… Où je n’ai trouvé rien d’autre à faire que chanter L’internationale en boucle pour me passer le temps, je pensais que les vitres étaient insonorisées, jusqu’à ce que j’entende un grand « TA GUEULE ! » de l’autre bout du couloir, un des seules moment drôle je crois.

Après une demi-heure passée à chanter, un flic vient me chercher, il m’emmène voir mon avocate avant l’interrogatoire. Ce fût un moment difficile pour moi, j’ai pleuré pendant que j’étais avec elle, je savais que la garde à vue allait être longue et éprouvante, que les remarques allaient continuer, que je risquais de craquer… je stressais, elle m’a un peu réconfortée puis nous nous sommes rendues dans la salle d’audition.

Je vais passer vite sur cette partie qui se résume à une suite de questions sur l’événement auquel je ne donnais comme réponse que le silence, même aux questions les plus anodines, je ne parle pas, j’ai peur de m’emporter ou de craquer, une fois ce moment chiant passer je sors de la salle et j’entends derrière moi des gens qui parlent « eh tu penses que c’est une meuf ou un mec ? » j’arrive aussi à entendre 2 ou 3 mots dont je ne préfère pas me rappeler ainsi que des allusions sur mon poids.

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