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Covid-19 : pour une immunité intellectuelle de groupe

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La nécessité d’une analyse critique collective et autonome de la crise sanitaire actuelle fait face à notre relative dépossession des questions scientifiques et techniques. Ce texte appelle à une réappropriation collective de l’information scientifique et des savoirs critiques, pour s’affranchir des batailles d’experts orchestrées par les médias et affirmer notre légitimité à inclure ces sujets dans nos réflexions politiques.

La crise sanitaire que nous traversons partout dans le monde nous offre un portrait volé de notre société. Une image nette, sans filtre, un instantané qui contraste avec le déroulement d’habitude effréné de l’Histoire. Tout devient un peu plus clair. La domination de classe est une évidence [1]. La face autoritaire du néolibéralisme se confirme. Les inégalités et dominations de tous types s’accentuent, on comprend la violence des règles budgétaires européennes, on reconnaît la fragilité effrayante de nos sociétés de réseaux, on sent la puanteur des managers, on voit le visage du Capital.

Si, comme beaucoup l’on déjà remarqué, cette pause dans le déroulement planifié de l’Histoire néo-libérale est une occasion majeure d’en changer le cours [2], elle offre aussi, en tant que crise, un objet d’analyse précieux. Notre réponse collective au bouleversement, ne serait-ce que temporaire, qui s’impose à nous, donnera sûrement à penser sur ce que nous sommes. De plus, la classe dominante ayant le monopole aussi bien de l’émergence que de la gestion de la crise, cet épisode représentera sans doute un levier de colère et de contestation déterminant dans la dynamique militante. En d’autres termes, une analyse critique de la crise peut alimenter deux perspectives intéressantes : taper fort sur le système et ses dirigeants, et réfléchir à nos luttes face à ce système dans ce contexte. Mais les outils d’analyse dont nous disposons sont parfois incomplets, notamment sur des sujets techniques (et tout aussi politiques) comme celui de la santé.

Bien que la crise sanitaire actuelle soit multifactorielle, elle a la particularité d’être étroitement liée à ce que l’on pourrait appeler le domaine des « sciences et techniques ». Notre vision du problème, et les stratégies mises en œuvre pour le résoudre, dépendent par exemple de la dynamique de l’épidémie, de sa réponse à des mesures politiques de santé, des traitements disponibles pour traiter le virus, etc. Ces connaissances sont en grande partie élaborées au sein des universités et des laboratoires de recherche. Si l’État dispose de son « conseil scientifique », les classes travailleuses, qui ont pourtant vocation à s’émanciper, notamment via l’accès au savoir, n’ont accès à l’information scientifique qu’à travers les classes dominantes, dont elles se méfient naturellement. Dans les milieux militants de gauche, cette désappropriation peut parfois s’accompagner d’une défiance vis à vis d’une science vue comme dépolitisante et de solutions techniques développées par le capitalisme pour panser les plaies qu’il a délibérément ouvertes. D’autres analyses, politiques et philosophiques, sont alors souvent privilégiées. Abandonne-t-on pour autant l’information scientifique ? Pas sûr : en temps de crise, on est tenté de bondir sur les polémiques scientifiques mises en scène par les médias, dépistage, chloroquine, masque ou pas masque, gripette ou pas gripette. En l’absence d’une analyse collective « par le bas » de ces questions, on se retrouve dans une situation fort inconfortable ; nous nous limitons aux analyses individuelles et/ou nous nous en remettons à la parole d’une autorité scientifique.

Ce cloisonnement de l’information scientifique nous dépossède d’une partie importante de notre capacité d’organisation collective et de notre pouvoir de contestation face à l’État et au Capital. Pire, notre défiance des discours dominants peut parfois nous inciter à ignorer certaines informations pourtant correctes, ou à privilégier certains canaux qui les contredisent. Pendant les semaines qui ont précédé les mesures de confinement en France, l’épidémie de coronavirus a été relativement peu considérée dans les médias militants, pendant que les grands médias s’agitaient déjà en provoquant parfois des réactions de paniques et de psychose. Dans les milieux militants, peu d’espaces semblent avoir été créés pour discuter de ces questions et anticiper, organiser, préparer les luttes en conséquence. Ce constat ne doit en aucun cas être porté à la charge des collectifs, syndicats, etc ; ils ont bien d’autres problèmes à gérer. Mais on pourrait regretter l’inexistence de collectifs autonomes dédiés à ces questions, dont le travail de veille, de recherche, d’analyse sur le thème des sciences et des techniques, pourrait contribuer à produire de la matière propice à la réappropriation collective et à la politisation de ces questions. Dans ce type de crise, le résultat de cette absence de conscience collective peut être amer, car c’est l’État qui en bon patriarche prend des décisions très fermes, en nous surprenant, en nous soumettant. Symboliquement, une certaine humiliation politique peut même être ressentie lorsque l’État nous annonce avec autorité, avant même nous n’ayons vraiment pris conscience du problème, la marche à suivre pour nous protéger, et de surcroît, lorsqu’il a raison.

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