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Relire la première phrase du Capital avec John Holloway

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Après « Crack Capitalism » (2012) et « Changer le monde sans prendre le pouvoir » (2007), John Holloway revient en français avec un tout dernier ouvrage qui s’intitule « Lire la première phrase du Capital » (2015)* dans lequel le sociologue et philosophe nous fait redécouvrir la toute première phrase du Capital de Marx, avec un éclairage critique qui met au cœur de la réflexion l’insoumission fondamentale des êtres humains. Une pensée pleine d’espoir en ces temps bien moroses !

« Le capital, dès ses premiers mots, est un récit qui présente les forces d’inadaptation contre les forces de la cohésion sociale oppressive. Il part de la dignité de la rébellion et non pas des horreurs de la domination. La richesse, la créativité humaine, le mouvement absolu de notre devenir, voilà quel est son thème. Marx nous conduit dans un monde d’inadaptations dans lequel notre créativité se trouve enfermée ; mais elle n’est jamais complètement enfermée dans les lois du développement capitaliste, dans ses formes sociales qui voudraient nous enchaîner et portent en elles leur propre crise. Le livre de Marx engage une exploration sur les possibilités et difficultés de penser la révolution et de la faire à travers de multiples révoltes qui ne s’adaptent pas aux formes capitalistes, à travers de multiples perforations de ces formes. Le parti, c’est fini. La révolution est morte. Briser le capital, ici et maintenant, au travers de millions de ruptures, est désespérément urgent, et cela est déjà en train de se produire. C’est pourquoi il est si important de lire Le Capital. En commençant par la première phrase. »

Penser l’émancipation au lieu de la domination

Si John Holloway s’applique à décortiquer la toute première phrase du capital de Marx, voici la toute dernière phrase de cet essai. Elle résume à elle seule la démarche du sociologue et philosophe américain pour qui il convient de sortir des poncifs dogmatiques qui ne peuvent penser autre chose que la domination. Pour Holloway, il faut aller contre et au-delà de ces analyses qui ne font que dépeindre une prison qui nous enfermerait tous, pour véritablement travailler à développer une pensée de l’émancipation. Car passer son temps à décrire cette prison présuppose et légitime son existence. Et donne des discours profondément réactionnaires qui s’expriment par de l’immobilisme à base de : "Le monde tourne ainsi. Nous sommes dominé.e.s. Nous n’y pouvons rien changer."

Pour Holloway, la manière dont ces analyses se revendiquant de Marx ont été développées et réappropriées au sein du mouvement syndical a orienté le débat vers une impasse : la société productiviste. Elles encouragent les luttes au sein du milieu du travail pour continuer à travailler et donc à se faire exploiter. Pour lui, au contraire, la vraie question est plutôt de se demander « comment se débarrasser du travail ? »
Ceci dit, "La" solution n’existe pas et n’est pas écrite. Il n’y a pas une réponse totalisante, mais une multitude de possibles. Encore mieux : ces possibles sont déjà là. A nous de nous en saisir.

Partir de la richesse et non de la marchandise

C’est à un changement de focale et à une ouverture de possibles émancipateurs qu’Holloway nous invite dans ses différents ouvrages. Ce changement de focale ne signifie pas oublier ou renier les auteurs classiques tels que Marx. Au contraire. Il faut lire Le Capital nous dit Holloway, ne serait-ce que parce qu’il constitue un des ouvrages qui ont inspiré, accompagné, modifié les luttes anticapitalistes. Il faut le lire mais en repartant de sa première phrase qui, contrairement aux multiples traductions et interprétations existantes, insiste sur le fait de partir de la richesse, et non de la marchandise. Qui insiste sur le fait que « la richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste apparaît comme une « gigantesque collection de marchandises », dont la marchandise individuelle serait la forme élémentaire ». Et c’est précisément dans ce « apparaît comme », et dans cette primauté du mot « richesse » sur celui de la « marchandise » que se situent les possibles émancipateurs.

Nous sommes la crise. Vive la crise !

Tout du long, Holloway veut nous montrer que Le Capital, loin de nous décrire un système soudé, cohérent et immuable, est le récit d’une inadaptation, une théorie de la crise. Le capitalisme n’est pas un système clos et cohérent. Tous les éléments qui le composent sont un antagonisme vivant, une lutte permanente entre travail concret et travail abstrait, entre richesse et marchandise, entre les diverses catégories du capitalisme et celles qui le débordent. Le capitalisme est l’auteur de sa propre crise. Nous sommes la crise.

John Holloway, Lire la première phrase du capital, éditions Libertalia, 2015
96 pages - 8 euros.

Présentation de l’auteur, piochée sur le site des éditions Libertalia :
John Holloway, né en 1947 à Dublin, a suivi ses études et enseigné à Édimbourg où il a participé aux recherches d’un courant de marxistes indépendants (« Open marxism »). Depuis 1993 il est professeur en sciences sociales et humaines à l’Université autonome de Puebla (Mexique). Sa proximité avec l’expérience zapatiste l’a particulièrement amené à reconsidérer les questions liées aux formes de révolte et de résistance, et à la transformation révolutionnaire de la société. Coauteur de Zapatista ! Reinventing Revolution in Mexico (Pluto Press, 1998), il est l’auteur de Changer le monde sans prendre le pouvoir, Le sens de la révolution aujourd’hui (Lux/Syllepse, 2007, première publication en 2002), livre qui a suscité de vifs débats dans de nombreux pays parmi les intellectuels critiques et les diverses composantes du mouvement altermondialiste. Sa contribution théorique importante la plus récente se trouve dans Crack Capitalism, 33 thèses contre le capital (Libertalia, 2012, première publication en 2010), ouvrage traduit dans plusieurs langues, également très discuté.

Timu

* Merci et bravo aux camarades J&J sans qui les lecteurices français seraient encore ignorant.es !

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