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Aux occupants qui se reconnaissent et à tous les amis avec lesquels ils ont des stratégies « commune »

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Le texte qui suit a été publié en avril 2017 dans la brochure « de la bile sur le feu ». J’ai envie de le ressortir car il apporte une critique incisive et juste des rapports d’oppression qui se jouaient sur la zad de nddl avant les expulsions du printemps 2017. Car il parle de la responsabilité individuelle dans un groupe de dominant.e.s. De la manière dont les rapports d’oppression sont incarnés par des individu.e.s. Parce que ce texte annonce la couleur de ce qu’il se passera à l’abandon du projet d’aéroport : opportunisme, course à la négociation pour une légalisation et sales coups en tous genres venant du CMDO et de leurs allié.e.s.

Quelques mots sur la brochure « de la bile sur le feu » : cette brochure n’a pas été publiée sur internet à l’époque. Elle a voulue être un outil au sein de la zad pour poser une analyse critique de la situation. Ça a marché en partie mais pas assez pour casser les dynamiques en place d’autoritarisme.

En partie ça veut dire qu’elle a permis à certain.e.s de sentir qu’illes n’étaient pas tou.te.s seul.e.s à avoir cette analyse-là, elle a permit d’avoir des discussions à ce sujet et à imaginer comment rompre tout ça. Mais pas assez pour poser une rupture claire avec le CMDO. Dans l’intro de la brochure, les auteur.e.s disent vouloir « dénoncer ces rapports de pouvoir, d’en comprendre les rouages et de penser à comment faire différemment. » En gros réformer de l’intérieur la zad sans entrer en conflit direct avec celleux qui cherchent à diriger le mouvement (alors que ces derniers avaient depuis longtemps décidé de jouer leur propre jeux, qu’importe les moyens). En pdf, je mets la brochure (elle date d’avril 2017), les raisons pour lesquelles les personnes ne voulaient pas la publier sur internet ne me semblent plus valables aujourd’hui. Et aussi que de fait elle a déjà fait son chemin par elle-même, sur internet notamment.

Cette brochure est sortie quelques jours avant qu’ait lieu une réunion de confrontation du CMDO par les occupant.e.s. C’était la 1re du genre, où le CMDO a dû faire face à des critiques sur ses pratiques (peu sur son idéologie malheureusement). 4h de discussion pendant lesquelles les personnes parlant au nom du CMDO n’ont (quasimment) rien reconnu de ce qui leur était reproché. Cerise sur le gateau, illes ont déclaré à la toute fin qu’illes ne participeront pas à une autre réunion dont illes seraient le sujet principal, c’est-à-dire qu’illes avaient déjà décidé que ces 4 heures suffiraient à calmer les ardeurs de leurs « camarades » et qu’illes avaient autre chose à faire que de répondre de leurs actes.

Pourquoi la rupture n’a-t-elle pas eu lieu à ce moment-là ? Pourquoi la confrontation s’est arrêtée là ?

De peur de tout faire exploser si l’on casse l’ « unité » ? De peur de perdre ce qu’on a acquis ?

De ne pas vouloir être autoritaires face à des autoritaires ?

De manque de détermination pour se mettre en jeu ?

De ne pas arriver à nommer et voir clair dans tout ça ?

Je pense qu’il y a un peu de tout ça mêlé. Mais surtout je pense qu’on* a pas réussi à créer des espaces de discussions sur des bases anti-autoritaires, qu’on a été beaucoup dans la réaction face à la locomotive CMDO (qui imprimait un rythme frénétique à « la » lutte) et dont nous n’avons pas su nous extraire pour partir de nos perspectives propres.

Y aurait beauuuccoooup à dire sur tout ça, ça donne envie de citer un passage tiré du journal anarchiste « SANS DETOUR » (n°1 de novembre 2018, article « expansion techno-industrielle et résistances au pillage ») :

« […] toute organisation autoritaire – même la plus à gauche – terminera toujours par servir ses propres intérêts, écrasant toute volonté rebelle. Trop de luttes d’hier ont servi de tremplins pour les politiciens d’aujourd’hui, trop de révoltes ont été récupérées, vidées de leur sens et intégrées dans le système, afin que ce dernier continuer à marcher mieux qu’avant. »

* ce « on » est un ensemble fourre-tout composé des personnes qui se diraient anti-autoritaires à ce moment-là sur la zad de nddl.

Aux occupants qui se reconnaissent, et à tous les amis avec lesquels, ils ont des stratégies "commune"

Puisqu’il faut grossir le trait pour être entendu. Aparté imaginaire à une caricature, ne cherchant plus a être constructif quand l’heure est au mépris. Écrit avec fatigue, colère et toute la prétention nécessaire.

A toi la caricature donc,
toi qui es le plus souvent un homme, blanc, hétéro (et ça se sait), ciscgenre bien sûr. Tu manque visiblement de rien, a des papiers, vis dans un certain confort, n’a jamais subi la précarité sans l’avoir choisi. Tu as fait des études (et ça se sent), au moins tu entends quelque chose à la rhétorique politique, sait manipuler les mots à l’ oral ou par écrit. T’es ni vieux, ni mineur, rentre dans les normes facilement, et (nécessité) t’es valide.. en somme tu fais partie de ce micro pourcentage de personnes qui de base ne subissent presque rien du système que tu critique tant, contre lequel tu prétends agir .

En fait, ce monde il est fait pour toi...
Mais tu veux le changer ce monde. Nous aussi
Tu es en colère, tu compte agir. Nous aussi
Accepter sans rien dire n’est pas ton genre. Nous non plus
Nous ne nous battons pas pour les mêmes choses.
D’ailleurs malgré toi tu le sens sûrement..

Tu ne comprendras jamais vraiment ceux, qui paumé-es dans leurs vie, savent pas par où prendre le problème, bien qu’ils l’identifient. Ceux qui veulent niquer "babylone" mais n’agissent pas dans ton sens.. Toi tu construit, te bouge en avant, t’organise, tu agis toi, au moins.
Tu ne comprends pas vraiment. Tu ne te sens jamais trop à ta place dans les ambiances punks, de
shlags, féministes, sans papiers, zonard-es , queer, arraché-es, gosses d’immigré-es, galériennes des quartiers, de l’usine, qui enchaînent les boulots de merdes, les saisons agricoles, les ptites combines, les tafs pourris au black, ect....
Pourtant ce sont ceux là même qui ont des raisons de combattre le monde qui va avec l’aéroport.
Tu ne te sentiras jamais vraiment à l’aise dans ces ambiances parce que la barrière de l’efficacité t’interdit de faire parti de ces mondes, ou d’y être complètement accepté.

Parce qu’en un sens tu y es en guerre. Parce que tu y deviens trop facilement l’ennemi...
Parce que tu es notre bourgeois.

Comme les porteurs du projet d’aéroport tu ne comprends pas ceux et celles du dessous qui freinent
tes projets . Toi tu entreprend, tu vois le futur, pense l’avenir, tu as des ambitions pour cette zone, que tu partage avec tes potes et auxquels vous travaillez.

Tu es notre bourgeois. Comme ces cravateux, qui méprisent les plus pauvres parce qu’au lieu d’acheter des Nike et des écrans plats ils feraient mieux d’épargner pour améliorer leurs conditions de vie, toi tu méprise ceux qui kill des bières ou se promènent "en foutant rien" au lieu de s’organiser pour cultiver un bout de la zone et manger meilleur.

Quand tu trouve scandaleux que l’on puisse voler ce que tu possède, ou chier sur tes objectifs médiatiques, on trouve scandaleux que tu ose parler de la "richesse de la diversité".
Mais tu n’es pas seul. Oh non ! Tes projets ne tombent pas du ciel....

Tu sais t’entourer, stratégiquement... l’objectif est aussi questionnant que les méthodes.
De paysans ou de citoyennistes, arguant qu’ils font partis du mouvement, lorsque tu sais que ce sera là une force d’organisation de poids favorable a tes dynamiques.
De syndicalistes ou d’étudiant-e-s arguant entendre et suivre les luttes sociales, lorsque tu y vois du potentiel de "lutte", de possibilité de bousculer l’état par des biais plus "audibles" que toi
De venèr antifa prompt à se cagouler ou "jeunes des quartiers" s’ils peuvent servir de première ligne motivée et jeter de la caillasse aux keufs pendant que toi tu leurs échappe, bien organisé... Chacun son rôle, chacun sa place..

Toi tu appelle toutes ces petites alliances bien utiles "des compromis" et garde un peu d’opacité autour pour qu’on ne vienne pas trop t’asticoter de bouffer à toutes les gamelles . Tu "compose"..
Et tu te garde bien de leurs dire à tous, le mépris que tu porte a leurs revendications, méthodes d’actions , leurs réalités et leurs utopies, et combien, au fond ils ne sont que des alliances utiles a ton projet politique, utile à te rendre fort.

Un projet d’ensemble pour la zad si "commun", si collectif, qu’il peine à trouver du rebond au sein des occupantes, mais ça ne te perturbe pas et heureusement tu as beaucoup d’amis ailleurs.
Alors tu feint d’ignorer que l’idéal auquel tu travaille ne porte que peu de changements d’avec le monde qu’il combat, et que donc il implique pour la zad une sacrée normalisation.

Et tant pis si pour que ça existe il faut lisser l’image, et peu à peu gommer tout ce que cette zone porte de pas de côté contre ce monde...
Tu te fais croire que tu peux être source de changement, méprisant ceux qui te disent que tu leur marche sur le pied. Tu continue de porter tes idées haut et fort, parce que toi tu sais, tu pense !
Quel changement ! Ahah le "système" n’a qu’a bien se tenir, voilà l’offensive !

Reste ceux et celles que tu ne sais pas encore trop comment prendre sur la zad.
Un peu boulets, illes entravent parfois tes ambitions, contestent, râlent, attaquent les journalistes, jamais contents, "anti-tout" primaires (et sûrement un peu complotistes sur les bords), illes ne s’investissent jamais vraiment dans les chantiers, alors qu’ils sont bien contents de profiter de ce que tu construit de "durable" ou cultive, illes sont parfois bourrés en réu, "violent", veulent protéger pacha mama, barricader la route pour un rien, ou causent a n’en plus finir de "processus" qui de toutes façons ne marchent pas en se racontant qu’illes sont du côté de la veuve et l’orphelin ...

En quelque sorte illes manquent de réalisme sur "comment on mène une lutte vers la victoire avec toutes ses composantes" et ralentissent la marche du progrès.
Heureusement tu sais leurs parler, fermement quand il faut, ou les prendre dans le sens du poil quand tu as besoin de leur accord ou de parler en leurs noms.
Tu trouve un peu comment tirer parti de leurs présence en les mentionnant dans tes écrits, tes blabla ou en montrant qu’ils construisent des cabanes atypiques, ça te donne le sentiment un peu excitant que des mondes différents co-existent sur la zone.

Et au fond tant pis s’illes se sont incrustés au casting, parce qu’ illes ne resteront sûrement pas dans l’"après". Illes pourront rester, sages ou en accord avec toi, sinon tu sauras te passer de la justice pour te passer d’eux, parce que tu as besoin de toute ton énergie pour lutter contre l’état et ses flics.
En fait tu la trouve un peu pénible cette "diversité" quand il faut la côtoyer..

Tant pis s’illes ne comprennent rien à l’amour intense et révolutionnaire qui te lie à tes amis, au potentiel de base arrière, à la poésie des mots "territoire", "ensemble", "habiter", "inventer", "construire", "perspectives" , "insurrection", "avenir", "imaginaire", "autonomie", "spontanéité", "commune", ect.

Ce n’est pas donné à tout le monde de faire une lutte sexy c’est vrai, alors tant pis pour nous hein..
et tant pis pour toi . Tu sais quoi ? Ce dont tu parle on le pratique souvent, ambition en moins.
Loin des "gestes forts" il se passent pleins de petites révolutions un peu foireuses mais si vivantes.
Tu n’imagine pas un millième de ce que tu rate. Tu n’imagine pas la richesse politique qu’il y a quand tu te tais et que tu t’absente.

Alors continue de construire "l’ennemi" si ça dis, là t’es bien parti, bon petit soldat du patriarcat.

"contre le monde qui va avec l’aéroport"..pour nous il faut bien commencer quelque part, et tu incarne si bien ce qui permet qu’il se perpétue !
Continue de kiffer ton épopée insurrectionnel, écrit l’histoire, mais garde en tête que ceux et celles qui sont nécessaire pour faire bouger ce monde de merde ne seront jamais ni vraiment tes alliés, ni vraiment tes amis....

La brochure entière : De la bile sur le feu, et autres états d’âmes anti-autoritaires

article lu sur indymedia nantes

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