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Violences policières. Une expertise relance l’affaire El-Yamni

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Dans un rapport consulté par l’Humanité, les médecins estiment pour la première fois que la mort de ce trentenaire, en 2012, a pu être « déclenchée » par l’intervention d’un policier.

Pour la famille de Wissam El-Yamni, c’est un « petit pas » vers la vérité. Enfin. Sept ans après le décès de ce chauffeur routier suite à une violente interpellation, une expertise médicale, rendue le 17 janvier à la juge d’instruction et consultée par l’Humanité, pointe, pour la première fois, la possible responsabilité directe d’un policier dans ce drame. Jusqu’ici, les précédents rapports officiels avaient blanchi les forces de sécurité, parfois avec une mauvaise foi patente.

L’affaire El-Yamni résonne pour beaucoup comme un symbole de l’impunité policière. Elle remonte à la nuit de la Saint-Sylvestre 2012. Ce soir-là, ce trentenaire fête le Nouvel An sur un parking de la Gauthière, un quartier populaire de Clermont-Ferrand. Sollicitée par un appel anonyme, la police arrive sur place et se prend des projectiles. Deux agents de la brigade canine interpellent Wissam et l’embarquent au commissariat. Le chauffeur routier sera alors retrouvé dans un couloir par l’officier de quart, gisant inanimé au sol, pantalon baissé aux chevilles et sans sa ceinture. Il décédera à l’hôpital, après neuf jours passés dans le coma.

Que s’est-il passé entre son interpellation et la macabre découverte ? Le flou demeure. Selon ses proches, Wissam a été tabassé par la police lors de son arrestation et dans l’enceinte du commissariat. Les deux agents de la brigade canine contestent cette version des faits. L’un d’eux admet juste un « coup de poing » et assure que leur chien, qui aurait fait tomber Wissam, serait à l’origine des traces de violence, notamment au visage. L’ouverture en 2012 d’une information judiciaire « pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique » va tourner au fiasco.

La technique du « pliage » serait à l’origine du drame

D’abord mis en examen, les policiers sont aujourd’hui sous le simple statut de « témoins assistés ». Quant aux expertises médicales demandées par la justice, elles dédouanent les policiers, s’appuyant parfois sur des arguments farfelus, comme l’ont relevé les contre-rapports produits par la famille El-Yamni. À tel point que la cour d’appel de Riom, à la demande des parties civiles, s’est résolue en avril 2017 à diligenter une quatrième expertise. Celle-ci pourrait relancer la machine judiciaire, au point mort depuis des années.

Dans le document, les trois médecins réfutent les conclusions de leurs confrères : non, Wissam El-Yamni n’a pas perdu la vie à cause d’une maladie cardiaque : « Il n’y a pas d’antécédent médical de pathologie cardiaque ni rythmique. » Non, sa consommation de cocaïne n’est pas un argument sérieux : « L’influence de la cocaïne sur le comportement de Wissam El-Yamni au moment de son interpellation était nulle. » Ces constats donnent raison à la famille, qui n’a eu de cesse de dénoncer les mensonges des précédents rapports.

Ce n’est pas tout. « Les médecins parlent enfin de violences policières contre Wissam, c’est un bon début », apprécie Jean-François Canis, un des avocats de la famille. Pour la première fois, une expertise évoque la responsabilité de l’un des deux policiers de la canine. À la question : « L’intervention d’un tiers peut-elle être retenue comme facteur déclenchant du malaise ? », les médecins répondent par l’affirmative. Ils constatent des « lésions cervicales bilatérales » caractéristiques de « mécanismes de compressions ». L’hypothèse de l’étranglement est écartée. En revanche, l’emploi de la technique du « pliage » lors du trajet jusqu’au commissariat est pointé du doigt : « Le maintien en flexion est de nature à entraîner un malaise hypoxique (manque d’oxygène – NDLR) » ayant pu générer des « troubles sévères du rythme » et finalement un « arrêt cardiaque par asphyxie ». Or, un des policiers dit justement avoir utilisé cette technique dangereuse (lire encadré) lors des 3 à 5 minutes du transport. Selon cette version, Wissam El Yamni, menotté dans le dos, était à plat ventre sur la banquette arrière de la voiture, un policier assis sur les fesses. Trouvant le jeune homme agité, l’agent aurait alors bloqué la tête entre ses genoux, en appuyant fort dessus. Wissam est-il tombé dans le coma à ce moment-là ? L’expertise le laisse penser. Les policiers, eux, affirment que Wissam aurait crié pendant tout le trajet...
Mais le pliage n’est pas la seule cause du décès, ajoutent les médecins. Ils soulignent que le jeune homme « était fortement alcoolisé » le soir de son interpellation. Entre 1,55 et 1,58 gramme par litre de sang. Alcool « qui a agi sur le cerveau », affirment-ils. Dès lors, « une conjonction d’une consommation importante d’alcool, d’un stress, d’une hypoxie par contrainte en flexion est parfaitement à même de générer des troubles du rythme sévères puis un arrêt cardio-respiratoire », conclut le document.

« Les précédents rapports étaient scientifiquement erronés »

L’expertise renseigne aussi sur le degré de violence subi par Wissam. L’hypothèse que les marques de coups sur son corps soient, en partie, le résultat de gestes pratiqués par les sapeurs-pompiers ou le Samu est balayée. « Toutes les lésions et traces traumatiques sont ante mortem », affirment les médecins. Liste impressionnante : ecchymoses, œdèmes, éraflures, fractures… Surtout, les fractures au visage – nez, sinus maxillaire et plancher orbital gauche – sont compatibles « avec un coup de poing ou de pied », relèvent les médecins. Ce qui crédibilise les témoignages de deux habitants qui assurent que Wissam a été brutalisé au sol lors de son interpellation. Au passage, les experts évacuent la possibilité que ces lésions soient dues aux « coups de museau du chien », version invraisemblable soutenue pourtant par les policiers. Malgré leur ampleur, ces blessures n’auraient pas entraîné directement le décès.

Le parquet de Clermont-Ferrand ne souhaite pas faire « d’observation pour le moment ». De leur côté, les proches de Wissam El-Yamni ont salué hier un rapport « rigoureux et sérieux ». « Pour nous, c’est la fin des fables médicales. Les précédents rapports étaient à l’évidence scientifiquement erronés, affirme Me Jean-Louis Borie, l’autre avocat de la famille. On revient en fait à la thèse initiale, c’est l’intervention humaine liée au pliage qui est la cause du décès. » Avec son confrère, il va réclamer la mise en examen du policier incriminé. Et s’apprête à demander de nouveaux actes d’enquête, dont l’audition de plusieurs témoins jamais interrogés jusqu’ici et présents au commissariat lors de l’arrivée de Wissam. « On aimerait que la lumière soit faite sur l’état de conscience de mon frère à ce moment-là, relève Farid El-Yamni. C’est le seul moyen de connaître toute la vérité. »

Lola Ruscio et Laurent Mouloud

Lu sur le site de l’huma

Le blog justice pour wissam

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