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Un gilet jaune condamné à 2 ans de prison pour un coup de pied dans un fourgon de police

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Le vendredi 19 juillet, se tenait le procès d’un jeune homme accusé d’avoir participé à l’acte XIV des gilets jaunes et d’avoir pris part à l’attaque d’un véhicule de police au niveau de l’autoroute A7, le 16 février dernier. Plus précisément, il était accusé d’avoir mis un coup de pied dans le capôt du véhicule et d’avoir cassé des plots en bêton pour fabriquer des projectiles. Récit d’un jugement où se sont mêlées phantasmes policiers, vidéo virale et justice d’émotion.

Prologue

L’affaire n’est jugée qu’en début de soirée. C’est le juge Vincent qui préside. Un homme très calme, avec un ton mielleux et légèrement pédant. Tout au long de la journée, les prévenu-es se succèdent dans la salle des comparutions immédiates. Ce vendredi, voilà à quoi ressemblait la 14e chambre du TGI : un apatride qui ne peut pas récupérer son permis en pref’ et qui, à chaque contrôle routier, finit en garde-à-vue ; un conflit de voisinage sur fond d’alcool avec un couteau sorti à la fin ; une jeune femme à fleur de peau et qui n’hésite pas, elle aussi, à sortir son couteau pour « impressionner » ; un vol de guitares et leur revente dans un magasin ; des violences conjugales ; une embrouille avec des contrôleuses SNCF... Pour bien montrer la détestation qu’ils ont des prévenu-es, les magistrats n’hésitent pas à rappeler, dans la plupart des affaires, que « les faits sont extrêmement désagréables ». Un peu comme de devoir passer une après-midi entière à écouter leurs litanies.

Dans toutes ces histoires, le parquet requiert systématiquement des peines d’emprisonnement avec mandat de dépôt « car les autres solutions, on le voit bien, ne marchent pas ». On a aussi droit, de temps en temps, aux états d’âme du proc’ qui ne peut s’empêcher de nous gratifier de sa morale d’homme de droite un peu bébête. Par exemple quand il avoue être désespéré de devoir défendre des femmes qui restent avec des « hommes violents », ce « genre de victimes » qui repartent toujours se fourrer dans la gueule du loup, selon ses mots.

« Éléments de personnalité »

Tous les autres prévenus ayant été jugé et condamné, ne reste que l’affaire du gilet jaune. Le juge se lance, s’adressant à Manuel [1].

Juge : Vous êtes poursuivi pour vous être rendu coupable, le 16 février lors d’une manifestation de gilets jaunes, de :

- complicité de violences aggravées avec deux circonstances aggravantes : en réunion et avec usage ou menace d’une arme suivi d’une ITT de 8 jours, en l’espèce en apportant une aide aux manifestants qui caillaissaient les services de police en cassant des plôts de béton.
- Vous êtes également poursuivis pour groupement en vue de commettre des dégradations ou violences [2],
- pour dégradation d’un bien destiné à l’utilité ou à la décoration publique, en l’espèce en ayant détériorer un véhicule de police en provocant un enfoncement du capot,
- et pour violences en réunion sur deux personnes dépositaires de l’autorité publique.

Il rappelle ensuite que le 11 avril 2016, Manuel a été condamné à 8 mois de prison (1 mois ferme avec mandat de dépôt et 7 avec sursis) pendant une manifestation contre la loi Travail à Lyon.

Juge : C’était pour quoi ?
Prévenu : Pour un jet de canette.
J : C’était au moment des lois travails [sic] ?
P : Oui.

Le juge égrenne les éléments du dossier. Le jeune gilet jaune vit chez ses parents, il est sans enfants, travaille à temps partiel dans l’animation et est titulaire d’un bac pro.

Juge : « Voilà, on va se lancer dans la procédure. Les faits qui vous sont reprochés sont cette participation à cette manifestation avec cette scène qui nous occupe, avec des affrontements entre manifestants et services de police à l’entrée de l’autoroute A7 avec des caillassages de policiers en charge du maintien de l’ordre. Et avec après, un fourgon qui va se retrouver pris à partie, dans la circulation, par les manifestants. Vous avez reconnu avoir cassé du béton pour aider les gens qui lançaient des projectiles. Vous avez ensuite reconnu l’agression du fourgon de police. Au début on avait un seul élément d’identification vous concernant [3]. On a deux personnes (dont une avec un ciré jaune) dont on a les photos qu’on a toujours pas retrouvées. En perquisition, on a retrouvé tous les effets personnels que vous portiez ce jour-là (ceinture , sweat, casquette, etc.), de la littérature anarchiste et le kit du parfait manifestant (masque respiratoire blanc, écharpe, gants, etc.). »

Cette histoire avait fait du bruit et le groupe politique dont Manuel était membre à l’époque avait décidé de cacher les effets personnels que portait Manuel ce 16 février. Puis, les mois passants, il a considéré qu’il n’y avait plus de risques et a tout ramené chez lui.
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Le procès continue et c’est maintenant le moment de regarder les vidéos de l’attaque de la voiture de police. On ne voit pas bien quel est l’intérêt, sinon de jouer à se faire peur, puisque Manuel est en principe, selon les textes de loi, seulement jugé pour ce qu’il a effectivement fait, à savoir avoir mis un coup de pied dans une voiture. Mais c’est là qu’on comprend qu’il va prendre pour tout le monde, vu qu’il est pour l’instant le seul à s’être fait attrapé. Tout le tribunal se regroupe derrière un PC et la séance de riot porn peut commencer. De la vidéo prise depuis l’hélicoptère, on voit les affrontements entre policiers et manifestants. Et on apprend que la caméra fixée sur l’hélico est capable de faire des zooms très puissants et d’avoir des plans très clairs en moins d’une seconde. Le juge, qui doit sans doute être un fin connaisseur du maintien de l’ordre, commente : « la difficulté des services de police était qu’il y avait un chantier à proximité avec des éléments dont se servent les manifestants pour ériger des barricades, jeter des projectiles, etc. » Ensuite, vient la deuxième vidéo, celle que les services de police ont fait en sorte de rendre virale après cet acte. Il n’y a pas de son alors le juge se croit obliger de meubler le silence et de tout commenter : « Donc là, vous êtes pris à parti par les gens autour... Ça commence à être la panique à bord... Vous dites : "vas-y avance, vas-y avance"... Toutes les vitres derrières et latérales sautent.... Les renfonts ne sont plus très loin. »

Puis tout le monde reprend sa place. Le juge donne la parole à Manuel. Ce dernier commence en s’excusant auprès des deux policiers : « Ça a dû être l’enfer à l’intérieur. Je ne peux pas me mettre à votre place. »

J : Les excuses sont faites. Vous nous expliquerez maintenant ce que vous avez fait ce jour-là.
M : Je suis allé à la manif avec des amis. Sur l’autoroute, je les ai perdus. J’ai vu un attroupement et j’y suis allé. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai cassé des plots en béton. Puis j’ai vu le véhicule de CRS bloqué sur l’autoroute. Je ne savais pas exactement ce qui se passait. Au moment de sauter [sur le fourgon] j’ai hésité, mais j’avais déjà pris mon élan. Puis j’ai rejoint la fête foraine [à proximité], choqué.
J : Par quoi ?
M : Par le geste que je venais de réaliser.
J [s’enervant] : Choqué par quoi ? Vous étiez là pour en découdre ! Vous n’êtes pas restés que 5 minutes ! Qu’est-ce que vous alliez faire dans cette manifestation ?
M : J’y allais avec des amis. Je n’avais rien prévu de particulier.
J : Pourquoi vous y êtes allés ?
M : Pour le soutien au mouvement des gilets jaunes.
J : C’est quoi votre cause là-dedans ?

Manuel parle de sa paye à 450euros/mois et des conditions de travail qui se dégradent.

J : Vous y allez tous les samedis ?
M : J’ai dû faire trois manifs.
J : Les septs mois de sursis, à ce moment-là, ils sont dans quel coin de votre tête ?
M : Ils n’y sont pas. J’y ai pensé dès que je suis « descendu » du véhicule. C’est pourquoi, j’ai tout de suite quitter la manifestation. J’ai fait quelques manifestations ensuite en tant que street medic. Et après j’ai complètement quitté le mouvement et tous les mouvements politiques que je fréquentais jusque là.

Lire la suite du procès sur rebellyon.info

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