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Manifeste Xénoféministe : théories queer pour un futur sans capitalisme

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Nous nous faisons ici le relais du manifeste Xénoféministe sorti en 2015 et disponible en 13 langues.

Ce texte est très théorique et certainement peu accessible, ce qui est regrettable, mais il pose des questionnements essentiels dans le cadre de la production actuelle de discours et concepts révolutionnaires.

Universalisme et anti-naturalisme

Il nous paraît notamment intéressant par sa façon de porter un discours anti-naturaliste et universaliste, mais aussi dans sa manière d’aborder la question des technologies.

Universaliste d’abord parce que le manifeste prend les plus petits dénominateurs communs pour produire une théorie d’ambition universelle, contrairement à l’universalisme occidental majoritairement professé par des hommes blancs n’ayant aucune conscience des dominations subies par de vastes parties de l’humanité (dans le cadre du système raciste-colonialiste et du système de genre hétéro-patriarcal notamment). Il tente de trouver un réel fond d’intérêt commun universel plutôt que d’en construire un hors-sol basé sur le vécu d’un groupe social particulier (qui plus est privilégié).

Ce texte prend le contre-pied des idées différentialistes et identitaires que prônent certains courants de la gauche actuelle. Il tend a promouvoir une théorie queer réellement universaliste. À l’inverse par exemple de ce qu’on appelle l’universalisme républicain ou du féminisme dit "universaliste" qui n’ont d’universalistes que la prétention, mais sont en fait des projets qui imposent comme idée de l’universel un sujet blanc et masculin (ou féminin pour le second). Ces courants politiques ne sont en somme que des particularismes prétentieux.

Anti-naturaliste ensuite puisque l’idée de nature est un formidable outil d’oppression qui sert à figer une réalité contextuelle et à l’ériger en état de fait immuable. Pour nous, nier l’idée de nature c’est nier que quoi que ce soit puisse être figé éternellement, c’est ouvrir tous les possibles, c’est rendre à tou.te.s les acteur.ices de l’histoire leur capacité à faire le monde, à modeler leurs rapports, leur environnement, c’est rendre l’émancipation possible.

technologies propriétaires

Enfin, le rapport aux technologies a une grande place dans le manifeste XF. La technologie, c’est la pensée des techniques, la recherche dans le domaine technique, et l’articulation des techniques entre elles. Ça concerne donc une énorme partie de nos vies quotidiennes, de l’agriculture (y compris « traditionnelle ») aux transports, bâtiments, objets du quotidien, et à peu près tout ce qui a été conçu par les humain.e.s à vrai dire…

C’est une question peu abordée dans la pensée radicale de gauche, ou lorsque ça l’est, c’est souvent sous la forme d’une condamnation morale qui sans trop caricaturer se résume souvent à « la technologie, c’est mal ».
Le manifeste XF nous invite à regarder cette question sous un autre angle, un angle non moral. On nous invite à regarder les choses avec des yeux de hacker.

Cela nous fait distinguer l’utilisation majoritairement faite des technologies dans le capitalisme : on parle de « technologies propriétaires » (des softwares jusqu’aux semences agricoles) pour décrire des technologies dont la fabrication et le fonctionnement sont inaccessibles aux personnes usagères. Ces technologies ne peuvent donc être utilisées que dans les limites a priori indépassables qui ont été fixées par les détenteurices de pouvoir.

Hacker, c’est voir ces limites, et utiliser tous les moyens dont on dispose pour les dépasser et se réapproprier quelque chose dont on nous a dépossédé.e.s.

Le manifeste XF défend une fiction dans laquelle nous nous sommes saisi.e.s des technologies propriétaires, les décodons, et les rendons accessibles à toutes. Si nous avons tous et toutes accès aux informations concernant la mise en place d’une technologie donnée, alors nous pouvons collectivement en faire quelque chose, ou pas.

Les questions de technologie seront dans tous les cas une fiction que nous n’écrirons pas si nous ne nous saisissons pas de ces discussions maintenant, dans une perspective globale et éthique (plutôt que morale), consciente qu’il s’agit de quelque chose de crucial.

Aliénation et renversement de concept

Nous voudrions terminer en évoquant des pistes de réflexion autour de l’idée d’aliénation qui est fondamentale dans ce manifeste et qui est traitée d’une manière qui nous semble potentiellement problématique.

Ici, l’idée d’aliénation est considérée comme une idée positive, comme un but à rechercher.
Si cela peut paraitre étrange à première vue (puisque l’idée d’aliénation signifie grossièrement de devenir étranger à soi même) cette prise de position est justifiée par une certaine compréhension de l’idée d’aliénation. Ce manifeste considère que s’aliéner, c’est se distancier de sa "nature", c’est-à-dire briser le carcan de l’idée que l’on se fait de la nature de notre être pour explorer tout le champ des possibles qui s’offre à nous pour nos existences.

Si nous sommes d’accord avec le projet que cela recouvre, le détournement de l’idée d’aliénation pour exprimer cet objectif nous semble discutable.
En effet, pour nous l’idée d’aliénation, donc d’étrangeté à soi même, ce n’est pas tant l’idée de transiger de sa "nature", que l’idée d’agir contrairement à nos intérêts.

Pour être plus clair, l’aliénation est pour nous un processus fondateur de toute domination, de tout système de rôle, de toute exploitation, car c’est le processus nécessaire pour que des individus, a priori conscients d’elleux-mêmes et de leurs intérêts, agissent de façon contraire à ces mêmes intérêts.

Tout système de domination créé des intérêts relatifs à lui-même que l’on perçoit comme nos intérêts fondamentaux, des intérêts aliénés donc. Sur le plan du genre cela se traduit par une volonté consciente et/ou inconsciente de conserver notre rôle de genre de le protéger de tout changement, car nous le percevons comme constitutif de notre essence alors même que ce rôle nous enferme et nous bride. Les mouvements masculinistes en sont une des expressions les plus criantes et grossières ; prêts à tout pour défendre une masculinité destructrice et enfermante car persuadés de défendre leurs propres intérêts fondamentaux en tant qu’individu.

Nous n’aborderons pas ici le concept d’aliénation dans son ensemble ni toutes les questions que pose l’utilisation des technologies extraites d’un monde capitaliste comme outils d’émancipation. Il nous semble pourtant que ces deux sujets sont fortement interconnectés dans l’appareil théorique du manifeste XF.

Dans un futur proche, nous aimerions apporter une critique (qui se veut constructive) sur ces deux points. Nous vous laissons pour l’instant le soin de forger votre propre critique sur ce texte.

Nous vous renvoyons donc vers le site du manifeste (super optimal pour les smartphones) et pour cell.eux qui préférerait le format papier il est sorti récemment en français, à vous ensuite de l’obtenir de quelque manière que ce soit.

Trois personnes.

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