BOURRASQUE-INFO.ORG

Site collaboratif d’informations locales - Brest et alentours

Courant Alternatif de Novembre 23 est en Kiosque

|

Courant Alternatif est le mensuel de l’organisation communiste libertaire

Le n° 334 de Courant Alternatif est paru.
Voici l’édito du mois de Novembre ainsi que le sommaire complet du numéro

Pour vous abonner c’est ici
et voici les quelques points de vente diffusant courant Alternatif en Bretagne :

22 - Cote d’Armor
BAR TY KAOUET
2 rue de l’Armor
22190 FAOUET

29 - Finistère
L’Autre Rive, librairie-café
Restidiou Vras
29690 Berrien

La lecture pour tous
21 rue Navarin
29200 Brest

La Petite Librairie
4bis Rue Danton
29200 Brest

Maison de la presse Chateaulin
1 quai Jean Moulin
29150 Châteaulin

Librairie Café Boucan
8 rue des Meunières
29930 Pont-Aven

35 - Ille-et-Vilaine
LIBRAIRIE LA COMMUNE
17 rue de Châteaudun
35000 RENNES



Édito : Israël se sert du Hamas pour en finir avec la résistance palestinienne

Soyons clairs d’entrée : les massacres actuels sont dus à l’occupation des territoires palestiniens et à l’apartheid organisés par l’État israélien. Et on n’a pas là une guerre entre le Hamas et le gouvernement israélien actuel, mais un nouvel épisode de la guerre que mène depuis des décennies un État colonial soutenu par une idéologie, le sionisme, contre des colonisés qui résistent à l’envahisseur. Il n’y a donc pas lieu de renvoyer dos à dos deux belligérants au nom d’un pseudo-pacifisme qui en ferait des coresponsables. Nous sommes pour notre part, et comme toujours, du côté des colonisés qui résistent.

L’État hébreu et ses alliés tentent d’accréditer l’idée selon laquelle l’opération militaire conduite par Israël ne serait qu’une contre-offensive destinée à éradiquer le Hamas, coupable d’une attaque terroriste. La réalité, c’est que ce n’est pas le Hamas qu’Israël veut liquider, mais la résistance palestinienne dans son ensemble. Et il est évidemment beaucoup plus facile pour lui d’atteindre cet objectif si son adversaire est « représenté » par une force largement considérée comme « détestable » et terroriste. Ce que l’État israélien craint le plus, ce sont des adversaires palestiniens qui, même s’ils pratiquent la lutte armée, prônent la création d’un État palestinien démocratique laïque et penchent vers une gauche modérée, voire socialiste, en rejetant fermement l’antisémitisme. Israël a toujours préféré avoir face à lui un ennemi qui lui ressemble tellement qu’il n’a rien à négocier avec lui.

Le contexte

Dès les premières heures de l’attaque du Hamas contre des villages israéliens, le 7 octobre, radios et télévisions ont diffusé dans le monde entier des images accréditant la barbarie de cette organisation. Mais, au fil des minutes et des heures, il est devenu impossible, en voyant ces images, de ne pas s’en remémorer d’autres, certes largement moins diffusées mais bien réelles, concernant les opérations militaires israéliennes en Cisjordanie qui ont, ces derniers mois, installé de nouvelles colonies et évacué des populations palestiniennes. Nous est aussi revenue à l’esprit la liquidation, ces mêmes derniers mois, de villages bédouins dans le Sinaï qui avaient le malheur de n’avoir pas d’existence officielle ! Toutes ces opérations s’étaient accélérées et avaient été réalisées avec une sauvagerie non dissimulée.

Par ailleurs, depuis des mois, la société israélienne était secouée par une contestation sans précédent du parti au pouvoir, car celui-ci entendait imposer une réforme de la justice jugée antidémocratique par les manifestants, tandis que l’extrême droite fascisante était adoubée par le Premier ministre Benyamin Nétanyahou. La sauvagerie bien orchestrée du Hamas survient à point pour tenter de ressouder une union nationale mal en point autour du gouvernement israélien et d’avaliser ses récentes exactions.

Le Hamas

La politique israélienne a favorisé ces dernières années dans cette région du monde, et en Palestine en particulier, un mouvement centripète vers le Hamas en affaiblissant les autres tendances de la résistance.
L’hégémonie du Hamas est ainsi la conséquence d’un affaiblissement (d’une défaite ?) des forces « de gauche », laïques, qui avaient marqué la vie politique palestinienne pendant des années, ainsi que du gouvernement palestinien et du Fatah qui avaient, par les accords d’Oslo en 1993, transformé la revendication d’indépendance en une fantomatique Autorité palestinienne.

Cette hégémonie du Hamas s’est construite avec l’aide de l’État hébreu, puisque celui-ci s’est choisi cet ennemi radical et belliqueux. Rappelons qu’Israël a liquidé en 2004 Ahmed Yassine, le chef spirituel du Hamas, au moment où ce parti proposait une trêve. Et qu’ensuite la guerre que le Hamas a menée à Gaza contre le Fatah a été considérée par Israël comme une division bienvenue du mouvement palestinien. Mais dans le même temps le fait que ce Hamas se soit « légitimé » par les urnes en 2005 et 2006, et qu’il ne mène officiellement plus une lutte contre les Juifs, mais contre « les sionistes occupants », n’est pas de nature à plaire à l’État israélien. Présentement, s’il considère que l’heure est venue d’en finir avec les territoires occupés dans leur forme actuelle, Gaza doit rester une enclave qui a l’immense mérite de maintenir sur place plus de 2 millions de personnes, alors que sa disparition les disséminerait ailleurs. Gaza doit rester aux yeux du monde une menace pour Israël, tout en demeurant une prison sécurisée pour constituer un leurre permettant à la politique de conquête israélienne de se poursuivre.

Ce qui nous répugne chez le Hamas, à savoir sa volonté d’instaurer un État islamique basé sur la Charia et de vouloir installer une véritable dictature sur la bande de Gaza, n’est malheureusement pas ce qui motive l’hystérie anti-Hamas de la plupart des médias et de la classe politique dans les États occidentaux. L’objectif du Hamas d’installer une dictature théocratique n’est un problème pour les puissances occidentales que si cette dictature est dirigée contre elles ; sinon, elles peuvent très bien s’en accommoder, comme elles le font avec d’autres États… dont Israël qui est bel et bien, lui aussi, une théocratie pratiquant le terrorisme à tous les étages !

La focalisation sur le Hamas permet de passer sous silence que la résistance palestinienne actuelle est portée par bien d’autres composantes. Elle construit un repoussoir qui permet de valoriser la cause sioniste sans avoir besoin de la moindre réflexion un peu sérieuse. Et, en France, elle sert à justifier la politique répressive croissante du gouvernement et la restriction des libertés que la bourgeoisie réclame pour juguler toute velléité de révolte dans les « classes dangereuses ».

La bande de Gaza

Depuis 2006, plus de 2 millions de Palestiniens sont donc assiégés dans l’immense prison (« à ciel ouvert », précise-t-on pour faire bonne figure) que constitue la bande de Gaza. Comment s’étonner qu’une partie de ces prisonniers ait envie de tout casser et d’anéantir ses gardiens  ? Quand, en 2018, 106 détenus se sont évadés, dans l’État de Goias au Brésil, d’une prison dont on connaissait l’horreur en massacrant au passage nombre de matons, serait-il venu à l’esprit des «  bonnes âmes » actuelles de dénoncer leur action ?

Il n’est guère étonnant qu’un processus de déshumanisation comme celui qui est mis en œuvre à Gaza débouche sur des actes de barbarie tels qu’on en trouve dans toute guerre. Ce qui est en revanche plus étonnant, c’est que cela ne se soit pas passé plus tôt, compte tenu du potentiel en actes de désespoir sacrificiels que la situation engendre.

Encore plus étonnante est l’incroyable obstination du peuple gazaoui à maintenir dans pareil contexte une société pluraliste, divisée politiquement mais unie « dans le cri de son droit à l’existence ». Rappelons quand même que si le Hamas a gagné les élections de 2006 (sur la base du rejet des accords d’Oslo et de la corruption), ce n’est qu’avec 40 % des voix, y compris dans la bande de Gaza où il est nettement rejeté par une partie de la population. En témoignent les importantes manifestations qui ont regroupé, en 2019, des milliers de jeunes Palestiniens pour défier le régime de corruption, de népotisme et de dictature religieuse et politique du Hamas, ainsi que la chape de plomb qui pèse depuis 2006 sur la population gazaouie.

En 2010, un manifeste qui a fait pas mal de bruit dans la bande de Gaza disait entre autres :
« Merde au Hamas. Merde à Israël. Merde au Fatah. Merde à l’ONU et à l’UNRWA [agence de l’ONU pour les réfugiés]. Merde à l’Amérique ! Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations permanentes des droits de l’Homme et de l’indifféren ici ce de la communauté internationale. »

Pourtant, en ce 7 octobre 2023, l’immense majorité des Gazaouis a eu le sentiment de n’être plus seulement des victimes d’une agression permanente. Et ce serait une grave erreur de penser que ce sentiment collectif empêchera, dans les années à venir, le rejet de la dictature du Hamas de continuer de s’exprimer.

Le camp des colonisés que nous choisissons est lui aussi traversé par des contradictions de classe

Après nous être clairement situés dans le camp des résistants à la colonisation et à l’impérialisme, il est impératif pour nous de ne pas abandonner ce point de vue de classe qui guide généralement nos analyses politiques.
Comme toujours, les luttes contre le colonisateur sont traversées par des points de vue discordants, parfois contradictoires. Cette discordance s’explique, certes, par des idées et des positionnements idéologiques différents, mais elle est surtout due, le plus souvent, à des intérêts divergents (osons même… « de classe »).

Critiquer certains d’entre eux (ou tous, pour les plus « purs » d’entre nous !), c’est d’abord rendre évident ce à quoi ils correspondent, y compris lorsqu’ils sont le plus éloignés de nos projets et de notre vision des choses. Le pathos et l’invective ne remplacent pas les analyses. Taire ces divergences et ces ana-lyses comme le font certains gauchistes/frontistes, en prétendant que « ce n’est pas le moment » d’en parler, c’est abandonner toute analyse de classe. Mais en faire le point aveugle de la lutte d’ensemble revient à ne pas comprendre la situation globale, et à ne faire qu’assister au désastre. Toute la question est de savoir comment lutter dès maintenant contre les tendances qui représentent à l’évidence un projet politique inacceptable… sans pour autant affaiblir l’ensemble d’une lutte à laquelle nous ne faisons pas qu’assister. Vaste question qu’aucune formule magique ne résoudra, mais dont on sait que la poser est déjà une bonne démarche.

De l’utilisation du mot « terroriste »

La propagande tord les mots dans tous les sens. Ainsi, on nous rebat les oreilles avec ces fameux crimes de guerre dont les belligérants feraient un usage démesuré. Il y aurait une «  guerre propre », celle qui ne ferait que des victimes… militaires. Nous savons tous que cela n’existe pas, et que l’utilisation d’expressions telles que « crimes de guerre » a pour seule fonction de légitimer le camp qui les dénonce chez l’autre.

Mais c’est avec l’utilisation du mot terrorisme que nous touchons le fond de l’abjection. Les exemples ne manquent pas, qui prouvent que ce mot est juste un anathème recouvrant un rapport de force politique à un moment précis de l’Histoire.
L’organisation sioniste Irgoun, partisane du Grand Israël, fut estampillée « terroriste » – aussi bien par la gauche israélienne que par les gouvernements britannique et plus largement occidentaux – pour ses nombreux attentats qui firent 250 morts parmi les civils palestiniens, à la fin des années 1930. Puis, après 1944, pour ses attentats réalisés au nom de la libération nationale, et dans lesquels moururent des centaines d’Arabes et de Juifs. Ben Gourion, futur Premier ministre de l’État israélien créé en 1948 et alors président de l’Agence juive, se lança dans la « traque aux terroristes » de l’Irgoun, en collaboration avec les autorités britanniques. Parmi les dirigeants de premier plan de l’Irgoun, on trouve Menahem Begin et Yitzhak Shamir, qui deviendront d’honorables Premiers ministres de la droite dure en 1977 pour le premier, et en 1983 pour le second.
Ailleurs aussi, les exemples ne manquent pas : le FLN algérien négocia avec la France, qui le traitait de « terroriste » quelques mois plus tôt. Nelson Mandela et l’ANC furent estampillés « terroristes » avant d’être la coqueluche et la bonne conscience des Occidentaux. Jean Moulin n’était pour les fascistes qu’un chef «  terroriste »…

Le chantage à l’antisémitisme

Nous sommes visés par deux chantages absolument symétriques : l’un qui veut faire de nous des antisémites, si nous disons ce que nous pensons du sionisme et de la politique raciste d’Israël ; l’autre qui nous considère commeislamophobe, si nous disons ce que nous pensons du Hamas et de son orientation politique et religieuse. Nous ne devons faire la moindre concession ni par rapport à l’un ni par rapport à l’autre.
C’est une nécessité absolue de camper sur une critique déterminée du sionisme et de ridiculiser l’équation antisionisme = antisémitisme en ne cédant pas d’un pouce. Macron avait affirmé en présence de Nétanyahou, lors de l’anniversaire de la rafle du Vel’d’Hiv en 2017 : « Nous ne céderons rien à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Pourtant, en 2002, c’est bien le représentant du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), Roger Cukierman, qui se félicitait dans Haaretz de la percée de Le Pen (le père, celui pour qui les chambres à gaz nazies sont un « détail »). Fermez le ban !
C’est aussi une nécessité absolue de ne pas taire ou nuancer nos critiques au Hamas sous prétexte qu’il représenterait la résistance palestinienne (ce qui est faux, nous l’avons dit), et que ces critiques seraient comprises comme une attaque envers les musulmans, donc des Arabes – ce qui est un raisonnement du même ordre que « antisionisme = antisémitisme ».


Combattre l’antisémitisme en soutenant sans ambiguïté la lutte palestinienne

La question n’est pas de savoir ce que nous ferions précisément si nous vivions en Palestine : nous n’y sommes pas. En revanche, nous sommes ici et nous devons envisager la question de l’efficacité en même temps que la question éthique.
Ici, combattre l’antisémitisme, c’est refuser le renvoi dos à dos des deux termes réels du conflit : le colonialisme et le sionisme d’un côté, la résistance palestinienne de l’autre. Comment de pas voir que le déferlement idéologique pro-israélien ayant pour objet de faire porter le poids d’horreurs – que l’on nous montre complaisamment – à un Hamas terroriste fait le lit de l’antisémitisme, mais aussi d’actions comme celle contre Dominique Bernard, le professeur du lycée d’Arras tué le 13 octobre dernier  ? Comment ne pas comprendre que ce déferlement pro-israélien pousse, en France, une partie de la population, touchée dans sa chair et dans son corps par la question palestinienne, dans les bras du Hamas (ce que souhaite par ailleurs Israël). Plutôt que de traiter de fasciste ou de raciste cette partie de la population, il serait plus utile de lui montrer qu’il y a ici des oppositions à Israël, et de soutenir celles et ceux qui, par exemple, crient : « Pas en notre nom » ; et, surtout, participer aux luttes contre le racisme anti-Arabes, qui est omniprésent dans l’Hexagone, est une condition nécessaire de la lutte contre l’antisémitisme.

Un mot, pour terminer, sur le contexte international. L’État d’Israël est soutenu par l’Occident non parce qu’il a été un refuge pour les Juifs persécutés par et dans divers États (ça, c’est une fable à destination des naïfs ! Nombre d’entre eux ont été dès le départ sceptiques quant au « retour en Palestine »). Cet État est soutenu parce qu’il est devenu un exemple de reconquête coloniale, ainsi qu’un laboratoire des technologies modernes de répression et de surveillance des populations réputées ici «  dangereuses ». Par ailleurs l’Occident, pour tenir le Proche-Orient, a installé à la tête du monde arabe des dirigeants d’États féodaux et dictatoriaux qui appartiennent au même camp qu’Israël et qui « normalisent » leurs relations avec lui en acceptant l’éradication de la Palestine.

Commission journal du Poitou, 28 octobre 2023

P.-S.
Pour mémoire :

Manifeste : LIBEREZ LA JEUNESSE DE GAZA !

Fuck le Hamas. Fuck Israēl. Fuck le Fatah. Fuck l’Onu. Fuck l’Unwra. Fuck les USA ! [1] Nous, la jeunesse de Gaza, en avons jusque-là d’Israël, du Hamas, de l’occupation, des violations des droits de l’homme et de l’indifférence de la communauté internationale !

Nous voulons hurler et briser ce mur de silence, d’injustice et d’indifférence, de même que les F16 israéliens brisent le mur du son ; hurler de toute la force de nos âmes afin de libérer l’immense frustration qui nous consume du fait de la putain de situation que nous vivons ; nous sommes comme le pou qu’on écrase entre deux ongles, vivant un cauchemar dans un [autre] cauchemar, aucune place pour l’espoir, aucun espace de liberté.

Nous en avons assez d’être pris dans cette lutte politique ; assez des nuits d’un noir de charbon avec des avions dessinant des cercles au-dessus de nos maisons ; assez des tirs qui touchent d’innocents fermiers dans la zone-tampon du fait qu’ils cultivent leurs terres ; assez des barbus qui se promènent avec leurs fusils et abusent de leur pouvoir, tabassant ou incarcérant des jeunes gens qui manifestent pour ce en quoi ils croient ; assez du mur de la honte qui nous coupe du reste de notre pays et nous tient prisonniers d’un bout de terre de la taille d’un timbre-poste ; assez d’être décrits comme des terroristes, des fanatiques maison aux poches garnies d’explosifs et au regard démoniaque ; assez de l’indifférence à laquelle nous nous heurtons de la part de la communauté internationale, des soi-disant experts exprimant leur compassion et préparant des résolutions, mais lâches dès qu’il s’agit de faire appliquer la moindre chose sur laquelle ils se sont mis d’accord ; assez, marre de vivre une vie de merde, maintenus en prison par Israël, tabassés par le Hamas et totalement ignorés du reste du monde.

Une révolution grandit en notre sein, un mécontentement et une impatience énormes qui vont nous détruire si nous ne trouvons pas une façon de canaliser cette énergie en quelque chose qui puisse mettre le statu quo en question et nous donner quelque espoir. La dernière goutte qui fit déborder nos cœurs de frustration et de désespoir se produisit le 30 novembre [2010], quand des officiers du Hamas débarquèrent au forum des Jeunes du Sharek, un mouvement de jeunesse de premier plan [2], avec leurs armes, leurs mensonges et leur agressivité, jetant tout le monde dehors, en arrêtant certains et interdisant à l’organisation de fonctionner. Quelques jours plus tard, des manifestants devant [le siège] du Sharek furent passés à tabac et pour certains emprisonnés. Nous vivons réellement un cauchemar à l’intérieur d’un cauchemar. Difficile de trouver les mots pour dépeindre la pression à laquelle nous sommes soumis.

C’est tout juste si nous avons survécu à l’opération Plomb Fondu, pendant laquelle Israël nous a très efficacement cassé la gueule à coups de bombes, détruisant des milliers de maisons et plus encore de vies et de rêves. Ils ne se sont pas débarrassés du Hamas, comme ils en avaient l’intention, mais ils nous ont sûrement terrifiés à jamais, laissant à chacun un syndrome post traumatique du fait qu’il n’y avait nulle part où fuir.

Nous sommes des jeunes au cœur lourd. Nous portons en nous un tel poids qu’il nous rend impossible de jouir du lever de soleil. Comment en jouir quand de noirs nuages couvrent l’horizon et que de sinistres souvenirs défilent devant nos yeux chaque fois que nous les fermons ? Nous sourions pour cacher notre douleur. Nous rions pour oublier la guerre. Nous gardons espoir pour ne pas nous suicider sur place. Pendant la guerre, nous avions le sentiment manifeste qu’Israël voulait nous effacer de la face de la terre. Ces dernières années, le Hamas a fait tout ce qu’il pouvait pour contrôler nos pensées, notre conduite et nos aspirations. Nous sommes une génération de jeunes habitués à faire face aux missiles, porteurs de ce qui semble l’impossible mission de vivre une vie normale et saine, et à peine tolérés par une organisation massive qui s’est répandue dans notre société comme une tumeur maligne, semant le chaos et éradiquant toutes les cellules vivantes, la pensée et les rêves sur son chemin, paralysant le peuple sous un régime de terreur. Sans parler de la prison où nous vivons, une prison entretenue par un pays soi-disant démocratique.

L’histoire se répète de la plus cruelle des façons et nul ne paraît s’en soucier. Nous avons peur. Ici à Gaza nous avons peur d’être arrêtés, interrogés, frappés, torturés, bombardés, tués. Nous avons peur de vivre, parce que chacun de nos pas doit être pesé et mûrement réfléchi, les barrières sont partout, nous ne pouvons bouger comme nous voulons, dire ce que nous voulons, faire ce que nous voulons, quelquefois nous ne pouvons même penser ce que nous voulons – car l’occupation a pris possession de nos cerveaux et nos cœurs d’une façon si épouvantable que cela fait mal et nous donne envie de verser sans fin des larmes de frustration et de rage !

Nous ne voulons pas haïr, nous ne voulons pas éprouver tous ces sentiments, nous ne voulons plus être des victimes. ASSEZ ! Assez de douleur, assez de larmes, assez de souffrances, assez de contrôle, de limitations, de justifications injustes, de terreur, de tortures, de prétextes, de bombardements, de nuits sans sommeil, de morts civils, de sombres souvenirs, d’un avenir sinistre, d’un présent à crever le cœur, de politiques troubles, de politiciens fanatiques, de foutaises religieuses [3], assez d’incarcérations ! NOUS DISONS STOP ! Cet avenir n’est pas celui dont nous voulons !

Nous voulons trois choses. Nous voulons être libres. Nous voulons pouvoir vivre une vie normale. Nous voulons la paix. Est-ce trop demander ? Nous sommes un mouvement pacifiste fait de jeunes gens à Gaza, et ailleurs de soutiens, qui n’auront de cesse que l’entière vérité sur Gaza soit connue de tous, dans le monde entier, à tel point qu’aucun consentement muet ni aucune chape d’indifférence ne soient plus acceptés.

Tel est le manifeste de la jeunesse de Gaza pour le changement.

Nous commencerons par détruire l’occupation qui nous encercle, nous surgirons libres de cette prison mentale et regagnerons notre dignité et notre respect de nous-même. Nous irons tête haute même si l’on nous résiste. Nous œuvrerons jour et nuit pour changer la misérable situation dans laquelle nous vivons. Nous bâtirons des rêves là où nous nous heurtons à des murs.

Nous espérons seulement que vous – oui, vous qui lisez cette déclaration maintenant ! – saurez nous apporter votre soutien. [4]

Nous voulons être libres, nous voulons vivre, nous voulons la paix.

LIBÉREZ LA JEUNESSE DE GAZA

NOTES
[1] On peut librement choisir entre “Merde à…”, “Allez vous faire foutre”, et quelques autres traductions. Le terme anglais nous a paru assez connu (et assez expressif) pour le donner tel quel.

[2] Subventionnée par les institutions internationales, Sharek monte des projets (y compris professionnels ou de développement) intégrant la jeunesse de Cisjordanie et de Gaza. Pour en savoir plus

[3] « Religious bulshitt » dans la version anglaise ici traduite.

[4] Le manifeste suggère ici d’afficher son soutien au GYBO sur le mur de sa page Facebook, ou par mail à cette adresse :

SOMMAIRE du Courant Alternatif n° 334

• édito - Israël se sert du Hamas pour en finir avec la résistance palestinienne - pages 3 à 5

Livre - Antisionisme, une histoire juive - page 5

L’économie en brèves : page 4

• Social

pages 6 à 8 - Boulangerie : Ça nous fait rire quand on nous parle de la grande gastronomie française (troisième partie)

pages 9 à 11 - Lorsque les bulles de l’inhumain éclatent : esclavage en Champagne

Livre - Des vies pour l’égalité - Mémoires d’ouvriers immigrés : page 11

Insubordination salariale - pages 12-13

pages 14 à 16 - La rentrée scolaire, une affaire de tenue scolaire ? Entretien avec Nedjib Sidi Moussa

• répression

page 17 - L’affaire du 8 décembre 2020

Big brother - pages 18-19

Sans frontière - pages 20-21

• Aménagement du territoire

page 22 - Relancer le mouvement antinucléaire

pages 23-24 - Lutte de territoire et lutte des classes

page 25 - Yara Montoir : l’usine d’engrais doit fermer

Vertement écolo - page 26

• Livres

pages 27-28 - Les leurres postmodernes contre la réalité sociale des femmes - Vanina
pages 29-30 - La vie sur les crêtes - Daniel Blanchard

• international

pages 30 à 32 - Chili, 50 ans après le coup d’Etat de Pinochet

pages 33-36 - LIBYE : Récit d’un déluge annoncé

proposer complement

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Publiez !

Comment publier sur bourrasque-info.org ?

bourrasque-info.org est ouvert à la publication. La proposition d’article se fait à travers l’interface privée du site. Quelques infos rapides pour comprendre comment y accéder et procéder !
Si vous rencontrez le moindre problème, n’hésitez pas à nous le faire savoir
via le mail contact bourrasque-info chez protonmail.com