Le 22 février à 17h, j’ai eu le plaisir de recevoir un mail du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux Sports. Je suis animatrice, je suis régulièrement contactée pour des propositions de postes sur des séjours de vacances, pour cela je suis inscrite sur des listes de personnes ayant obtenu leur BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur).
Cette fois-ci le service départemental à la jeunesse s’est permis de me contacter pour me proposer des postes de « cadre de compagnie » ou de « tuteur de maisonnée ». Ce vocabulaire est celui du nouveau SNU Service National Universel, le nouveau service militaire déguisé pour les jeunes de 15 à 17 ans jusqu’à cette année sur la base du volontariat, mais que Gabriel Attal voudrait amener à devenir obligatoire.
En 2024, une première étape a été franchi grâce à la collaboration de l’Education Nationale. Certains établissements ont inscrit des classes de seconde et de CAP dans un dispositif favorisant « l’engagement des lycéens ». Ça pue la magouille ? Bas oui ! C’est en fait un projet pédagogique sur une année sur le thème de « l’engagement » et du « devoir civique et moral » qui se termine par le fameux séjour de cohésion du SNU. Attal sait comment parler aux profs en soif de République. Et l’obligation d’y participer est très floue, pas claire, au bon vouloir des établissements scolaires.. Donc dans la pratique obligatoire.
On m’a donc contactée pour l’étape 1 du SNU : « la phase de cohésion ».
Objectifs donnés aux futur-es encadrant-es pour cette phase : « transmettre un socle républicain, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement, accompagner l’insertion sociale et professionnelle. »
Dans le dépliant présentant les missions du poste, les jeunes sont nommés « les appelés », les termes de « discipline », « cohésion », « sentiment d’appartenance à une cellule », « expérience dans le domaine de l’encadrement dans les armées » sont grandement utilisés. On me propose, en tant qu’animatrice, d’oublier tout le vocabulaire et les valeurs que j’ai apprises, pour servir des objectifs politiques en désaccord avec ma formation en éducation populaire et ma vision du monde.
Cette fonction, celle de l’« animation » veut littéralement dire "faire prendre vie" c’est-à-dire accompagner des personnes de tout âge à s’émanciper, à apprendre la vie en collectif, à prendre soin de ses relations. Le gouvernement ferme les unes après les autres les structures d’éducation et de loisirs, les foyers des jeunes, et nous propose maintenant de travailler pour elleux, que notre travail pour l’émancipation se transforme en travail pour l’aliénation.
Le gouvernement et ses partenaires avancent à tâtons dans leur politique de contrôle et de nationalisation des jeunes têtes. Les premières années du SNU volontaire ont été un véritable échec avec très peu de jeunes intéressé-es. En proposant aux profs de devenir leurs allié-es par des projets pédagogiques fumeux, Attal va enfin commencer à remplir ses objectifs. Pourtant la militarisation complète de ce service est très peu assumé par le gouvernement. Pourquoi avoir besoin d’animateurices pour encadrer militairement des jeunes ? Ils ont l’armée pour ça. Le gouvernement n’est pas seulement exciter par le retour au service militaire obligatoire, de même qu’il n’est pas seulement nationaliste de droite, il est également libéral. De ce fait, Attal veut éduquer les jeunes à l’amour de leur nation et à l’obéissance mais avec un faux sentiment de liberté individuelle. Ainsi il nous demande, à nous, d’accepter d’être la caution libérale du SNU. À l’époque, certain-es ont signé, se faisant prendre dans les filets puants de « l’éducation à la citoyenneté ». Avec toute leur intelligence de politiciens et la collaboration de certain-es travailleureuses de l’éducation, le gouvernement avance tout doucement vers une obligation du service national. Pas à pas, en évitant les oppositions, le gouvernement nous amène à accepter l’idée d’un possible nouveau service militaire obligatoire..
Notre métier d’animateur est du côté de l’émancipation et du collectif, ne les laissons pas le salir en le mêlant au militarisme et au libéralisme.
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