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« L’administration est dans ton corps » entretien avec Zig Blanquer

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Zig Blanquer est le rédacteur de la chronique « Usure des mots » dans la revue Jef Klak. Le 19 septembre 2017, cet homme tétraplégique de 38 ans était au tribunal de Nantes. Il accuse un prestataire médical d’avoir mis cinq mois pour réparer son fauteuil électrique, l’immobilisant à son domicile durant toute cette période. Un enfermement non sans séquelles, dont ne se serait pas relevé Zig sans ressources militantes. À travers ce combat, c’est la lutte contre le « validisme » et le profit sans vergogne des entreprises qui est en jeu. Et pour la dignité de tou.te.s.

[...]Tu es un militant de longue date pour l’autonomie des personnes handies, notamment pour pouvoir vivre à domicile et non en institution, pour l’accessibilité aux transports et lieux publics, etc. Peux-tu retracer ton parcours, personnel et militant ?

En France, le rapport à l’institutionnalisation demeure essentialisant : lorsque tu es handi.e avec un haut niveau de handicap, tu es institutionnalisé.e d’office – l’administration est dans ton corps. Pour ma part, je suis on ne peut plus éligible à passer ma vie en institution – or j’y suis hermétique depuis toujours. J’ai intégré un parcours de vie dit « normal », avec une scolarisation en « milieu ordinaire ».

Vers mes 20 ans, j’ai pris un logement indépendant, ce qui était extrêmement rare dans les années 1990. J’ai commencé à chercher comment tenir vingt-quatre heures en ayant besoin que la gestuelle quotidienne soit effectuée par quelqu’un.e d’autre, en employant des assistant.e.s de vie (ADV) avec des moyens financiers d’État, qui étaient réduits – mais qui depuis, grâce à des luttes de camarades, ont augmenté.

Les dix premières années, j’embauchais des ADV en emploi direct pour la nuit, et je me débrouillais avec des entreprises de prestataires de services la journée, des auxiliaires de vie qui venaient trois heures par-ci par-là. Ce qui avait comme effet une vie prédéterminée : tu peux pisser à telle heure, manger à telle heure… Pas de place pour l’imprévu. Je n’étais pas enfermé entre des murs institutionnels, mais par des horaires et du personnel non choisi – ce qui revient à de l’institutionnalisation à domicile.

Progressivement, en prenant contact avec des camarades d’autres pays (anglo-saxons, suédois), j’ai découvert la pensée du mouvement autonomiste – très peu connu en France. Quand j’étais adolescent, j’ai été fortement inspiré par Mireille Maller, une handie adulte qui avait la même pathologie que moi, et était quotidiennement et politiquement autonomiste. À ce moment-là, c’était extrêmement novateur. Elle m’a fait comprendre que ce que j’avais envie de vivre, je le pouvais – et que je devais m’en sentir légitime. Je me suis mis en lien avec le réseau européen d’Independent Living 1. J’ai été son représentant français au Parlement européen lors de la Freedom Drive 2009, une grande manifestation bi-annuelle où les handi.es autonomistes rencontrent le ou la député.e de leur pays respectif afin de faire le point sur la situation du handicap.

Peu à peu, j’ai réussi à me passer des prestataires à domicile, qui sont des entreprises parallèles aux institutions, tout aussi maltraitants. Et j’ai construit une autonomie 24 h/24 en étant employeur direct : recrutement, formation, gestion d’équipe, via une prestation budgétaire du conseil départemental. Mais c’est une lutte quotidienne car, en substance, les pouvoirs publics vous disent : « Vous voulez être hors institutions, entièrement autonomes avec des assistants ? OK, on vous file le fric, mais démerdez-vous. » Et ce « démerdez-vous », ça signifie que lorsqu’on a une défaillance humaine (un sous-effectif d’ADV à cause d’un arrêt maladie, par exemple) ou une défaillance technique, on n’a aucun recours immédiat. L’histoire de la panne de mon fauteuil a montré qu’il y a très peu de réaction et de possibilité de se sortir de cette précarité.

En vieillissant, je me sens en danger, jamais sécurisé sur mon quotidien. C’est le revers d’une vie avec ce niveau d’autonomie : elle est extrêmement vulnérable. Voilà pourquoi beaucoup de camarades handi.es n’osent pas aller jusque-là : si tu te casses la gueule, la société ne va pas forcément te récupérer.[...]

Lire la suite sur le site de Jef Klak
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