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La non-mixité, ça brûle...?

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Après lecture de deux textes parus sur la question de la non-mixité, tous les deux enflammés à leur manière, une modeste tentative pour poser les arguments, comprendre, et continuer à agir.

A propos des textes

« Etre en lutte ou être lutte ? »
« La question de la non-mixité dans l’auto-organisation dite radicale : au delà du paradoxe »

La non-mixité, c’est quand on se retrouve entre gentes concernées pour échanger sans retenue autours de thèmes / projets choisis et où sera défini au préalable un ou des types de personnes à exclure parce que considérées comme non concernées, voire qui auraient tendance à nous confisquer la parole en temps normal, c’est-à-dire souvent des hommes blancs, cis, hétéros, ou valides. Le but est d’instaurer un climat de confiance qui permette de s’outiller collectivement pour transformer le quotidien, c’est-à-dire influer activement sur ce qui nous domine ou nous stigmatise selon notre genre, couleur de peau ou condition physique.

Souvent, je me dis que c’est bien ce qu’il faut pour s’armer au quotidien face une société que l’on ne débarrassera pas ce soir de l’oppression. Et aussi qu’il y a encore tellement à faire pour que tout le monde trouve son compte dans les luttes.

Et puis aussi, par moments, je me dis que ça pose question. Il y a cette manière particulière de construire et d’entretenir des complicités qui a ses intérêts mais forcément aussi, ses limites. Et il y a un contexte global, politique, matériel et idéologique dont on ne peut faire abstraction… crise du système de soin, état d’urgence permanents, etc.

Et puis je suis tombé sur deux textes sur le net. j’espérais trouver des réponses par rapport à ça mais pas vraiment. Le premier, « Etre en lutte ou être lutte ? » publié sur un site anarchiste, présente la non-mixité comme une dérive identitariste nocive pour l’avenir des luttes parce qu’elle contribuerait à leur fragmentation. La critique est expéditive et peu étayée, le ton peu propice au débat. Dommage car peut-être qu’il y a du vrai là dedans. Un autre, publié sur paris luttes infos, y répond en dénonçant une certaine mauvaise foi quant à la réalité des pratiques non mixtes et rappelle que ce n’est pas un ovni historique, loin de là. Elle finit en déplorant certaines représentations figées de la politique qui dans les milieux volontiers étiquetés anarchistes ou révolutionnaires, empêchent d’appréhender la complexité autrement que par un principe d’adhésion binaire, ou bien/ou bien. Mais là aussi, il y a un accent défensif et parfois aussi verbieux que l’auteure s’est vue obligée d’utiliser.

Je tente à ma modeste manière d’y voir plus clair en piochant dans ces deux textes…
Critiques légitimes, jugements mal informés, ou rhétorique du dominant ?

1) Les luttes sociales n’auraient rien à gagner dans le fait de former des groupes sur la base d’identités semblables – car produiraient de l’isolement là où le besoin est de créer des ponts au sein des groupes qui luttent.

Or l’identité fait le groupe et est dynamique. C’est un certain reflet de ce que l’on vit et qui parfois nous enferme et que l’on peut chercher alors à changer, à renverser. Echanger autour de douleurs personnelles suite à des situations vécues, c’est reconnaître dans nos quotidiens ce qui nous stigmatise ou nous réduit à une certaine catégorie, à une certaine fonction, qui au final sert les privilèges/intérêts de nos oppresseurs directs (nos agresseurs), ou indirects (institutions psychiatriques, judiciaires). Le but est donc de découvrir les fils plus ou moins visibles qui nous empêchent de vivre pleinement ce que nous sommes ou choisissons de devenir, et ainsi mieux reprendre place au sein de la vie (militante).

2) Le caractère choisi de la non-mixité serait récent, un truc post-moderne, et donc une imposture.

Un exemple est utilisé : les Mujeres libres furent les groupe de femmes qui se sont formés pendant la révolution d’Espagne, à un moment où une grande partie des travaux liés à la production leur incombaient. Ces groupes restaient néanmoins proches des autres composantes de la guérilla et n’étaient pas conçues comme fins en soi, mais comme moyens lié à des « circonstances particulières » de la lutte du prolétariat pour son autonomie.

L’auteure de la réponse évoque de son côté quelques exemples de formation exclusive qui ont bel et bien pesé dans l’Histoire : du mouvement des femmes en 1798 pour l’égalité réelle, le port d’arme et contre la citoyenneté masculine en France, à certains groupes de femmes pendant la période dite de « l’autonomie italienne » ; tous deux des appuis importants dans leurs contextes historiques de lutte plus globale contre le capitalisme.

3) Les groupes en non-mixité permettraient certes de libérer la parole, mais ne serviraient que de façon marginale à l’action politique (grèves, blocages, etc.).

Or ils permettent justement de digérer et re-traduire au cœur même des luttes cette nécessité de confronter tout le monde aux implications du sexisme, du validisme, ou de l’âgisme, etc. au sein de tout ce que nous faisons ensemble, de la manif à la vaisselle, en passant bien sûr par l’amitié et les amours… Se pencher sur les ressorts souvent intimes de l’oppression n’est-il qu’une lubie occidentale que l’on pourrait balayer d’un revers de manche en appelant simplement à la grande unité du genre humain ? Trouver un équilibre entre l’énergie consacrée aux problèmes intimes et ceux liés à l’organisation des luttes est un travail que beaucoup d’entre nous font déjà, et qu’aucun sursaut viril ne nous permettra de régler vite fait.

Après, ces deux textes me laissent sur ma faim…

Hypothèses pêle-mêle :

– Manque de billes pour déconstruire le patriarcat chez les hommes cis hetero ? Malgré l’intégration du vocable féministe dans notre language et notre soutien régulier à des initiatives pour déconstruire ces choses-là ?

– On n’est parfois pas très nombreuxses dans certains groupes qui luttent – la constitution de nouveaux entre-soi en plus de l’entre-soi militant laisseraient des vides mal vécus ?

– Triomphe du dernier moment, amenant à recourir de manière peut-être trop tardive à ce type d’espace pour tous genres de tensions qui touchent aux relations, alors que l’on aurait pu se parler avant ?

– Un certain imaginaire psychologisant n’aiderait pas non plus à dépasser les problèmes en question ? à lire : « Tu me fais violence ! » La rhétorique néolibérale de la blessure, du danger et du traumatisme

– Manque d’espaces de lutte généralistes (squat d’activité…), où se cultivent la rencontre et la confrontation d’individus/groupes différents ? La difficulté à investir l’espace public de manière convergente autrement que très ponctuellement avec son lot de violences policières ?

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  • date forum, par brouetteblog

    Désolé, Val, pour le côté neutre et peu engagé du texte, qui donne l’impression d’accorder encore trop d’importance au camp adverse, quand le simple vécu d’un grand nombre de personnes en contredit les propos

    Le but était :

    1) De (froidement) remettre les arguments contre la non mixité face à leurs limites évidentes en termes pratiques et historiques, pour qui aurait encore des doutes...

    2) D’introduire, au moment où la fixation sur un tel débat montre ses limites, ces autres problèmes qui semblent nous échapper quand au devenir des collectifs politiques dans lesquels nous nous inscrivons...au risque d’être imprécis...

    3) Poser la question : qu’est-ce qui est si problématique dans l’activisme et la vie des collectifs et qui nous permet d’incriminer ainsi une pratique aux bienfaits politiques pourtant érpouvés par les concerné-e-s ? à quel genre d’impuissance collective cela renvoit et face à quels mécanismes de pouvoir, etc...?

  • date forum, par Val Rote Zora

    Juste un petit mot pour dire qu’en tant que trans, l’existence de lieux et collectifs non-mixtes m’ont simplement sauvé la vie.
    Jusqu’à quand d’aucuns vont-ils continuer à mettre en doute leur légitimité et leur utilité...?

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