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La frontière tue. La militarisation est son arme.

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Voici ci-dessous les deux communiqués écris dans l’urgence par les membres d’un lieu occupé par des personnes cherchant à rejoindre la France et leurs soutiens à Clavière. Alors que la violence s’intensifie à la frontière, les personnes sur place appellent à venir les soutenir.

LA FRONTIERE TUE. LA MILITARISATION EST SON ARME.

Une femme est morte. Un cadavre sans nom a été retrouvé mercredi près du barrage de Prelles, dans la Durance, la rivière qui traverse Briançon.

Une femme noire, sans papiers, dont personne n’a déclaré la disparition. Un corps sans vie et sans nom, comme les milliers qui sont retrouvés dans le fond de la Méditerranée.

Cette mort n’est pas une disgrâce inattendue, ce n’est pas un hasard. La montagne, la neige et le froid n’ont rien à voir là-dedans.

Cette mort a été annoncée par l’hiver qui vient de passer, par la militarisation qui, ces derniers mois sévit dans ces montagnes et par les dizaines des personnes hospitalisées après les blessures causées par leur fuite vers la France. C’est une conséquence inévitable de la politique de fermeture de la frontière et de la militarisation.

Ce décès n’est pas une fatalité. C’est un homicide, avec des mandataires et des complices bien faciles à identifier.

En premier lieu les gouvernements, leur politique de fermeture de la frontière, et chaque personne qui la soutient.

Gendarmes, police de l’air et des frontières, chasseurs alpins, et maintenant ces ridicules néofascistes de Génération Identitaire, qui patrouillent sur les chemins et les routes pour partir à la chasse aux migrants qui cherchent un passage par ces cols. Ils traquent sur les sentiers et dans la neige avec des motoneiges ; les attendent dans la voiture, à l’affut, sur les routes qui amènent à Briançon et celles du centre-ville. Beaucoup des cas cet hiver de personnes blessées et conduites à l’hôpital font suite à des chutes dues aux fuites consécutives aux contrôles de police.

Cette femme-là n’est qu’une des dizaines d’exilés qui, chaque jour, cherchent à aller en France pour continuer leur vie. Pour ce faire, elle a dû traverser à pied dans la neige, cette ligne imaginaire qu’ils appellent frontière. En effet, la possibilité de voyager par des moyens de transports sûrs lui a été refusée parce qu’elle ne disposait pas de papiers en règle et par la politique raciste de contrôle qui actent à la frontière. Après elle doit être descendue sur la route, parcourir les 17 kilomètres qui la séparaient de la ville. C’est pendant ce long trajet qu’elle doit être tombée sur un blocage de la police, comme les personnes refoulées le racontent souvent. Le groupe avec lequel elle était, qui comme elle essayait de traverser la frontière s’est probablement dispersé à la vue de la Police ou de la Gendarmerie qui traquent les indésirables pour les attraper et les ramener en Italie : l’habituel jeu de l’oie cette fois a tué.

Cette femme sans nom doit avoir glissé alors qu’elle essayait de s’échapper et de se cacher, tuée par les contrôles policiers. L’autopsie qui aura lieu à Grenoble dans la journée de lundi nous permettra d’avoir des détails précis sur la cause de sa mort.

La frontière sépare et tue.
N’oublions pas qui sont les responsables.

11 mai, Refuge autogéré Chez Jesus

CHRONIQUES D’UNE MORT ANNONCEE

Une semaine est passée depuis la mort de B. Cinq jours depuis que le cadavre d’une jeune femme « peut-être migrante » a été retrouvé, dans le fleuve qui passe sous Briançon, la Durance.

Voici les faits.

Un groupe d’une petite dizaine de personnes part de Clavière pour rejoindre Briançon à pied. Nous sommes dimanche soir, et comme chaque nuit les exilé·e·s qui tentent d’arriver en France se trouvent obligé·e·s d’éviter la route autant que possible et de passer par la montagne pour éviter les contrôles d’identité.

Le groupe commence son chemin, et puis se sépare : la femme a des difficultés à marcher et a besoin d’aide et de soutien. Deux personnes restent avec elle, et les trois se détachent du groupe. Ils marchent sur la route, en se cachant dès qu’ils aperçoivent des lumières de phares ou entendent des bruits.

La police a mis en place une véritable chasse aux migrant·e·s, plus féroce que jamais ces derniers jours. Ils se cachent sur les sentiers, pour surprendre, torches en main, ceux qui tentent la traversée, et font des rondes en voiture sur les routes. Ils se postent aussi aux entrées de Briançon, et à côté des carrefours, mettant en place de réels postes de blocage.

Les trois personnes marchent pendant une quinzaine de kilomètres et se trouve à 4 ou 5 kilomètres de Briançon. A la hauteur de la Vachette, cinq agents de la police nationale les attendent. Ils surgissent de derrière les arbres à gauche de la route. Il est entre quatre et cinq heure du matin, Lundi 7 Mai. Les policiers se mettent à leur courir après. Le groupe se met en fuite, et entre dans le village de la Vachette. Un des trois réussit à se cacher, et les deux autres, un homme et une femme, courent sur la route. L’homme court plus vite, il cherche à attirer la police, qui parvient à l’attraper et le ramène directement en Italie.

La femme, elle, disparaît.

La police continue ses recherches dans le village de la Vachette pendant quatre heures. La rivière est en crue, et la police concentre ses recherches sur les rives de la Durance et autour du pont. Puis ils s’en vont. Cette façon de faire est tout à fait différents des pratiques habituelles de la police, pendant ces nuits de contrôle : en général, après avoir attrapé quelques personnes, ils ne recherchent les fugitifs et fugitives restant·e·s que pendant quelques dizaines de minutes.

Les recherches concentrées dans la zone du fleuve indiquent clairement que les policiers avaient compris que quelque chose de très grave avait eu lieu.

50 heures plus tard, Mercredi 9 Mai, un cadavre de femme est retrouvé bloqué à la digue de Prelles, à 10 km au Sud de Briançon. Il s’agit d’une femme d’1 mètre 60, aux longs cheveux noirs tressés. Des cicatrices sur le dos, un collier serti d’une pierre bleue.

Le Procureur de la République de Gap, Raphaël Balland, a annoncé la nouvelle le jour suivant, en précisant que « Cette découverte ne correspond à aucune disparition inquiétante. Pour le moment, nous n’avons aucun élément qui nous permette d’identifier la personne et donc de dire si il s’agit d’une personne migrante ».

Lourde déclaration du procureur. Les disparitions de personnes exilées ne sont donc pas inquiétantes, sous prétexte qu’on ne les signale pas ? Les soutiens de B. étaient au contraire très inquiets : mais comment se tourner vers la police pour déclarer des disparus, quand ils risquent d’être maltraités, et leurs soutiens réprimés ?

De plus, le procureur ment, car la police savait qu’une femme avait disparu après une poursuite.
Très peu de journaux ont relevé la nouvelle. Il semblerait que personne n’ait souhaité publier celle-ci. L’intérêt est d’ensevelir cette histoire, pour éviter un scandale face aux violences policières. Deux cas de femmes enceintes refoulées avaient déclenché des réactions publiques en mars dernier.

Une enquête judiciaire a été ouverte et confiée à la gendarmerie afin de déterminer les circonstances du décès. Le magistrat a annoncé que « n’ayant pas d’éléments qui font penser à la nature criminelle du décès, une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de la mort ». Mais cela aussi est faux. La nature du décès est criminelle.

Ce n’est pas une mort accidentelle, ce n’est pas une erreur. Ceci est un homicide. Celui d’une jeune femme nigérianne de 21 ans.

Cinq policiers les ont poursuivis. Cette femme, B, est morte à cause d’eux et de la politique qui dirige, contrôle et légitime leurs actions.

B. est morte parce que la frontière ne peut pas être traversée en sécurité par les personnes sans papiers.

B. n’est pas morte à cause de la montagne, par erreur, elle n’est pas morte dans la neige cet hiver. Elle est morte parce qu’elle était en train d’essayer d’échapper à la police, qui s’adonne de façon toujours plus violente à la chasse aux migrant·e·s.

Elle a été tuée par ces cinq agents, comme le système de la frontière le leur ordonne. Il s’agit d’un homicide avec des mandataires et des exécutants. Le Procureur de Gap et la préfète sont autant responsables que les policiers qui l’ont tuée, compte tenu des directives assassines qu’ils donnent.

Les responsables sont aussi la magistrature et le tribunal, qui criminalisent les solidaires qui cherchent à éviter ces morts en rendant la traversée la plus sûre possible. Les responsables sont tous les politiciens qui fondent leur campagne électorale sur la différence de couleur de peau et de nationalité des personnes.

Si cela continue, les morts se multiplieront.

14 mai, Refuge autogéré Chez Jesus

article repris de Marseilles Infos Autonomes

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