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Le 1er mai, fête du travail aliéné

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Critique de la journée de « lutte » pour le droit à se faire exploiter.

Comment se fait-il que la journée internationale de lutte pour le droit des travailleurs et des travailleuses ne soit toujours pas devenue la journée de lutte contre le travail lui-même ? Comment se fait-il que la commémoration d’un massacre de travailleurs se rassemblant pour la réduction du temps de travail servent aujourd’hui seulement à alimenter le folklore syndical, à maintenir le souvenir de nos camarades tués par le capitalisme plutôt que de poursuivre leur combat ?

La réponse semble évidente lorsque nous savons la considération que portent la majorité des syndicats à la charte d’Amiens de 1906. La charte d’Amiens est la référence théorique des syndicats révolutionnaires d’alors, adopté par la CGT lors de son 9ᵉ congrès, à l’époque où la CGT était encore un vrai syndicat de lutte. En effet, si cette dernière proclame la lutte économique quotidienne pour l’amélioration des conditions de travail, celle-ci proclame également la lutte politique contre le capitalisme en parallèle. Cette partie de la charte semble donc bien avoir été oublié de la plupart des syndicats qui s’en réclament encore aujourd’hui. C’est comme si la volonté d’échapper à l’influence des partis politique, qui était un objectif des syndicalistes rassemblés pour la création de cette charte, a été compris comme faire échapper les luttes syndicales à la politique elle-même ! C’est pourquoi le 1er mai n’est plus qu’une journée où nous « nous chamaillons » comme l’a si bien dit notre président. Ce n’est plus qu’un défilé de folklore travailliste, agrémenté parfois de violences spectaculaires pour mener la révolution par procuration. Pour résumer, le 1er mai est le jour où nous faisons le plus mine de s’inquiéter de nos conditions de travail alors que le travail aliéné meurtrit nos corps tous les jours.

Imaginons donc que le 1er mai soit la journée internationale de lutte contre le travail. Cela ne serait pas encore suffisant pour prendre notre revanche sur le travail. La lutte contre le travail, c’est tous les jours qu’on la mène ! Sabotons la production, soyons absents, menaçons nos contremaîtres, nos managers, nos patrons et nos patronnes ! Pour citer MARX : « le communisme n’est pas pour nous un état de choses à créer, ni un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui dépasse l’état actuel des choses ». Force est de constater que l’état actuel des choses est ce qu’il est parce que les partis, les syndicats et les organisations politiques de gauche sont trop attachés à la figure du travailleur (ainsi qu’à celle de la travailleuse !) et à la « vertu du travail ». La façon dont nous célébrons les travailleurs et les travailleuses aujourd’hui n’a rien à envier à la vision que proposait l’idéologie pétainiste (Travail, Famille, Patrie) lors de la Fête du Travail. Pourtant, c’est ce que s’acharnent à faire nombre de gauchistes encore de nos jours. La critique du travail a bien de la peine à se faire entendre alors que le patron du MEDEF donne déjà le rythme de la sortie de la crise du coronavirus en appelant les travailleurs et les travailleuses à se préparer à devoir travailler de manière acharnée pour « remettre le pays à flot ». Il est loin le temps où l’Union Ouvrière, en 1975, écrivait « À bas la fête du travail aliéné ! »…

L’attachement des organisations de gauche et d’extrême-gauche à la figure du travailleur est mortifère. C’est cet attachement qui a fait s’organiser la répression des bureaucraties contre les travailleurs chaque fois qu’ils ont refusé le travail, que cela soit en Espagne durant la guerre civile, en Hongrie en 1956 avec la répression des conseils ouvriers organisée par les fascistes rouges de l’URSS ou bien en URSS même où la figure du travailleur était vénéré, le fameux esprit stakhanoviste. L’Internationale elle-même récuse « l’oisif », pourtant, les bourgeois travaillent, ils font même du zèle. C’est ce qu’ils et elles nous répètent dans nos familles, dans nos écoles, dans nos usines, dans nos bureaux, c’est ce que nous disent Sarkozy, Hollande et Macron, et c’est ce que les partis, les syndicats et les organisations de gauche s’appliquent à faire avec attention. « Travailler plus pour gagner plus ! ». Depuis notre jeunesse, nous entendons qu’il faut travailler dur sans même savoir pourquoi, car notre travail s’efface à travers la marchandise. La perte de sens du travail va de pair avec l’absurdité du paradigme de la croissance. Il faut toujours tirer plus sur la corde pour permettre l’accumulation de capital par nos exploiteurs et nos exploiteuses. À tel point que, lorsque la consommation cesse à cause d’une pandémie et donc le travail qui se déroulent dans les usines, pendant le transport des marchandises, dans les magasins, nous sommes invités à consommer à nouveau. Ce faisant, nous faisons travailler d’autres personnes que nous lorsque nous consommons avec l’argent que nous avons également obtenu en travaillant, créant ainsi un interminable cercle vicieux. Le travail nécessaire à la confection d’un bien ou à la mise en place d ‘un service s’efface donc lorsque l’on consomme.

Et lorsque le travail vient à manquer, au lieu de s’en réjouir, nous en redemandons ! Dans son Droit à la paresse, Paul LAFARGUE le co-fondateur du Parti Ouvrier Français, premier parti politique créé par et pour les travailleurs, proposait la journée de 3 heures. Un programme bien plus ambitieux que celui de n’importe quel syndicat ! Il y décriait aussi nos camarades socialistes de 1848 qui demandaient l’ouverture d’ateliers nationaux pour travailler comme c’est le cas de nos jours à cause de la crise de la COVID-19 qui a fait réémerger des manifestations pour travailler. À commencer par les intermittents et les intermittentes du spectacle, les travailleurs et les travailleuses de la restauration qui se joignent à leurs patrons et leurs patronnes pour retourner se faire exploiter. Cette année marquera sûrement l’avènement d’un 1er mai, non pas CONTRE le travail, mais POUR le travail ! Il faut dire que les travailleurs et les travailleuses ont bien appris leur catéchisme que leurs coreligionnaires, les patrons et les patronnes, leur ont appris. En effet, les racines de l’éthique du travail, de la religion du travail prennent leurs racines dans le protestantisme. Le protestantisme est également la religion qui a sacralisé la propriété privée et érigé le goût de l’effort en vertu. C’est d’ailleurs des protestants qui ont fondé les États-Unis d’Amérique où la propriété privée et le travail sont sacralisés, mais les travailleurs et les communs méprisés. Le travail et la religion ont cela de commun en ce qu’ils agissent comme l’opium. Par exemple, nous entendons certaines personnes dire que travailler leur permet d’oublier leurs souffrances, quand d’autres y trouvent la mort. Ces mêmes souffrances qui sont au demeurant créées par le capitalisme, par l’intrusion des rapports marchands dans chaque interstice de notre vie, par le contrôle social nécessaire au maintien de la société marchande, par la police qui concoure au maintien des rapports marchands, par l’exploitation patronale et auto-entrepreneuriale de l’économie de marché. Il s’agirait d’arrêter de demander des droits et de commencer à les prendre !

« Le chômage est déplaisant parce qu’il n’est pas tout à fait généralisé. »

Louis SCUTENAIRE

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