Avant toute chose, quelques précisions sur la manifestation du 31 décembre. À Brest, ce moment a quelque chose d’une tradition où quelques individus ramènent depuis une dizaine d’années quelques bricoles (une soupe, quelques fumigènes ou de quoi éclairer le ciel, une sono…) pour mener à bien une déambulation festive et tirer un feu d’artifices devant la prison en soutient aux personnes incarcérées. Devant l’interdiction, et notre organisation à l’arrache, nous ne nous étions pas senti en mesure de maintenir l’évènement, et avions choisi de contourner l’obstacle en se réunissant pour organiser collectivement un nouveau rendez-vous appelé publiquement et largement. Un appel avait donc été lancé pour se retrouver au moment du nouvel an chinois, le 10 février.
BOURRASQUE-INFO.ORG : Appel à une grosse manifestation anticarcérale à Brest
QUELQUES EXPLICATIONS SUR L’ANNULATION.
Sur le même mode opératoire que le 31, sans surprise, la préfecture a publié un nouvel arrêté le vendredi 9 février, interdisant toute manifestation et le port d’artifices à Brest, ledit week-end. Et dès 17h, il nous était impossible de nous retrouver sur la place Guérin, dont tous les accès étaient verrouillés par les gendarmes mobiles, fouillant les personnes et contrôlant les identités. Ce qui conduira à la fermeture de la majorité des bars de la place.
Pour plus d’infos sur le contexte sécuritaire du 10 février.
BOURRASQUE-INFO.ORG : 10/02 Occupation policière et propagande préfectorale
Malgré les dispositions pensées en amont lors des réunions de préparation pour contourner les interdictions et constituer malgré tout un cortège, nous avions sous-estimé l’impact psychologique d’un tel dispositif dans une ville peu habituée à un tel climat répressif (environ 250 policiers et gendarmes mobilisés dans tout le centre-vile). Au marasme ambiant, s’est ajoutée la diffusion de mauvaises informations, fruits de problèmes dans la chaîne de communication de l’organisation, qui ont mené à l’annulation de l’événement car nous ne voulions pas aller au carton.
Plusieurs informations parvenues à notre équipe laissaient penser que la police avait connaissance des alternatives que nous avions imaginé si nous ne pouvions pas nous retrouver place Guérin, et qu’elle les avaient devancées, les rendant impraticables. La diffusion de ces nouvelles par bouche à oreille dans les différents endroits où les personnes se retrouvaient tant bien que mal, a aussi eu un effet démobilisateur fort parmi les participant·es. C’est à partir de ces différents éléments que la décision d’annulation a été prise.
Comme nous l’avons constaté le soir même, trop tard, notre stratégie n’avait en fait pas été éventée et nous aurions pu maintenir l’évènement comme prévu, les conditions étant réunies pour constituer un cortège.
La fin de la soirée a été dédiée à s’assurer de la sécurité de chacun·e et au suivi des quelques arrestations (simples vérifications d’identité).
MAIS, UN MOMENT VA FALLOIR QUE ÇA CESSE.
Si la détermination du préfet Espinasse d’interdire toute forme de mobilisation de la gauche non institutionnelle ne semble pas faire de doute, nous avons pu constater au cours des derniers mois, que la politique répressive s’abat sur plusieurs aspects de la vie brestoise. Pensons par exemple, aux interdictions de rassemblements de soutien au peuple palestinien de l’automne dernier. Ou rapidement, aux associations qui se sont vues supprimer leurs subventions sous l’argument de « rupture du pacte républicain », aux supporters gazés ou aux teufeurs qui se voient interdirent leurs rassemblements et confisquer leur matériel. Tout ce qui dépasse vaguement l’ordre tenu par les autorités pour contenir nos vies est attaqué.
Devant l’échec de notre mobilisation, l’évènement n’ayant pas eu lieu, il nous parait cependant important de souligner les notes positives qui se dégagent de ce moment pour le futur.
Tout d’abord, ce moment politique a réuni des personnes qui s’organisent peu ensemble le reste du temps. Or, ni le passif, ni les différences d’habitudes d’organisation et de focale n’ont freiné une préparation sérieuse pour cette manifestation. L’interdiction envisagée, nous avait fait mettre pas mal de petites choses en place, dont nous n’avons pas l’habitude. Ce qui explique aussi certains dysfonctionnements. Tout ceci laisse entrevoir un potentiel prometteur pour de futures actions, fortes de ce précédent et de nouveaux apprentissages à venir.
Ensuite, c’est à partir de cette expérience que nous pouvons construire les solutions à ce qui nous a mis en échec. Nous avons l’impression de pouvoir réunir un bon nombre de personnes, avec pas mal d’énergie, même s’il nous manque encore une confiance collective pour affirmer notre force devant de tels dispositifs répressifs. Cette capacité sera le fruit d’un apprentissage collectif qui a déjà commencé. Mais cela va aussi nécessiter un travail d’élaboration et de tâtonnement, notamment la construction de structures et d’une culture adaptée capables de nous donner confiance en nous-même pour ne pas se laisser priver de la rue.
Enfin, cet évènement nous pousse à regarder l’époque en face et à réaliser que porter certaines idées et certains usages de l’espace urbain à Brest, comme ailleurs, ne se fera plus gratuitement mais dépendra de notre capacité à le faire advenir et à l’imposer par un rapport de force transversal de long terme avec les autorités.
Prendre acte du nouveau climat répressif que nous subissons ne doit pas consister à raser les murs par peur de notre impuissance, mais bien à trouver la faille dans laquelle s’engager pour reprendre l’initiative et arrêter de subir la pression.
Des discussions sont en cours, et plus à venir.
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