Suite à la mort de Manuel dans des circonstances plus que suspectes à la prison de Brest, des mobilisation en fRance autour du viol de Théo par des flics, et des innombrables autres violences d’Etat, nous appellons à un rassemblement samedi 4 mars à 17h place de la Liberté à Brest.
Texte d’appel
« L’histoire de Adama et de Théo nous rappelle pourquoi Zyed et Bouna couraient. »
Nous, personnes subissant et/ou dénonçant la violence d’État (flics, matons, juges, médecins,…), appelons à se rassembler pour lutter contre elle et en parler.
La liste s’allonge, on entend de plus en plus parler de "bavures" et les médias continuent de nous persuader que ce sont des cas "isolés" et pas un problème de fondement de ce système capitaliste. Ce qu’a subi Théo montre à quel point cette vérité est criante tous les jours.
On ne peut comprendre ce qu’il se passe que si l’on comprend l’histoire dans laquelle les quartiers populaires s’inscrivent. Des vagues d’immigrations successives sont venues défendre, reconstruire et repeupler les usines françaises, pour compenser les millions de mort.e.s de la seconde guerre mondiale et des guerres de décolonisation.
La guerre d’Algérie a fait ses preuves en termes de méthodes de torture et de gestion des foules. L’Organisation Armée Secrète et les escadrons de la mort sont devenus formateurs dans les armées et milices du monde entier. Ces méthodes s’exportent très bien, et ont été utilisées contre les peuples pendant les soulèvements populaires argentins, lors des « printemps arabes », ou encore contre les guérillas urbaines en Palestine. Les anciens bourreaux ont investi dans les foyers Sonacotra, (devenus aujourd’hui Coallia) : foyer pour travailleurs immigrés, avec des chambres de 8 m² pour 600 euros le mois et où il est impossible de ramener sa famille... La misère des ouvriers et ouvrières immigré.e.s, dominé.e.s et exploité.e.s, n’a pas empêché ces dernier.e.s de s’organiser et de se battre pour être considéré.e.s (notamment pendant les grèves de 19821 et de 20132 à PSA Aulnay.)
Le travAïe est la forme première de l’oppression. Elle est révélatrice de la division de sexe, de classe et de couleur de peau, qui tend en permanence à individualiser les situations afin de casser toute conscience collective. Le chômage qui l’accompagne permet d’alimenter la peur de la perte de leur emploi et de leurs situations chez celles et ceux qui travaillent. Le travAïe est la clé de voûte de ce système, et ce sont les prolétaires qui subissent de plein fouet les crises économiques du capitalisme. Ce n’est pas pour rien que les mouvements sociaux qui ont créé le plus de rage en France ces dix dernières années étaient liés aux réformes du travAïe.
Du hippie au terrorisme vert, du voleur de poules au terrorisme intégriste, on a retrouvé la sale cuisine coloniale qui leur permet de justifier un nouvel état d’urgence, qui rappelons-le a été créé pendant la guerre d’Algérie. Donner les pleins pouvoir à un État ferme les portes de la contestation et ouvre la fenêtre à toute les logiques sécuritaires. L’opposition est dépolitisée et réduite à des faits divers (vitrines cassées, voitures brûlées...) sans jamais essayer de comprendre pourquoi on en arrive là.
There Is No Alternative, TINA te revoilà. Thatcher sort de se corps social !
Développons des alternatives à cette misère, par les luttes collectives, le refus du pouvoir de l’argent, le développement de réseaux parallèles, l’entraide et la solidarité, la grève générale. Mais ces moyens sont criminalisés par l’État, qui utilise sa justice de classe contre les luttes salariales (Air France, Goodyear…) les zadistes (opposantes à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et son monde), les opposant.e.s à la loi Travail ou les prisonnier.ère.s de droit commun .
Soit nous luttons collectivement pour la maîtrise de nos vies, soit nous sommes réduit.e.s à l’isolement et à la dévalorisation de nous-même qui conduit à l’angoisse, la dépression, le pétage de câble ou le suicide. Ce n’est pas un hasard si une personne sur quatre en fRance est psychiatrisée3, sachant que l’espérance de vie se réduit de 15 à 20 ans quand on est sous traitement4. Depuis 20 ans, il y a une augmentation de 40% des suicides sans compter les 20 personnes psychiatrisées tuées par la police chaque année.
Il y a 1 à 2 personnes par mois tuées par la police5, et le temps des peines a triplé en 10 ans. L’abolition de la peine de mort n’est donc qu’une illusion.
La semaine dernière Urvoas, garde des sots et ministre de la justice, a annoncé la construction de 24 nouvelles prisons (dont 2 à Vannes, 1 à Rennes et 1 à Nantes), sous couvert de plus de confort pour les prisonnier.e.s, alors que ça signifiera surtout un isolement encore plus grand pour elles et eux. Dans la foulée, il participait à l’inauguration de l’unité sanitaire de Brest. Toute la batterie médicale est maintenant équipée à l’intérieur de l’Hermitage. Depuis l’instauration de la vidéoconférence pour les procès d’affaires de détenues, c’est un huis clos qui ne laisse plus aucun regard extérieur sur ce qui se passe dans la prison. La seule voix qui peut encore en sortir est celle des matons.
Alors que les portes des prisons sont en train de définitivement se fermer et qu’il est déjà bien difficile de remettre en cause leurs versions, cela deviendra impossible de faire éclater la vérité sur tout ce qu’il se passe à l’intérieur.
Les hôpitaux psychiatriques ne sont pas en reste, toujours vus comme un endroit de soin alors qu’ils cautionnent l’isolement psychiatrique et la camisole chimique pour des détenu.e.s suicidaires. Ceci ne permet pas aux familles de détenues de porter plainte contre l’administration pénitentiaire pour non-assistance à personnes en danger en cas de suicide. Et ce tandis que le suicide devient justement l’excuse facile de l’administration pénitentiaire pour justifier les meurtres à l’intérieur de la prison.
La mort de Manuel et l’impossibilité de connaître les circonstances réelles de sa mort ne font qu’accentuer la douleur de sa famille et de ses proches6.
La responsabilité des actes de barbarie n’appartient pas que à celle et ceux qui donnent les ordres mais aussi à toutes celles et ceux qui les appliquent.
Un bleu restera toujours un bleu.
FEU A L’ETAT ! FEU AUX PRISONS !
1 Haya, réalisé par Edouard Bobrowski et Claude Blanchet, France, 1982.
2 Comme des lions, un film de François Davisse, France, 2016.
3 Healing voice (des voix qui guérissent) documentaire sur le lien entre la psychiatrie et les laboratoires pharmaceutiques et PJ Moynihan, 2016.
4 INSEE.
5 L’envolée diffuse la parole des détenues et de leurs soutiens.
6 Cf. le récit de la famille de Manuel sur brest.mediaslibres.org
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