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Chronique interimaire 2

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Quand tu (re-)pousses la porte du turbin... Des sirènes de la formation au rendez-vous avec ta condition... 2 semaines d’intérim dans une PME finistérienne

Arrêt de travail : massage électrique et moquette sur les murs

L’entorse de la première mission prématurée a été digérée ; l’arrêt de travail déclaré, et les séances de kiné consommées. « Ré-éduc », dans un cabinet bien installé entre deux lotissements, aux bons soins du grand Djeun cyber-dynamique ou du ptit pépère rétro-tonique – faire des exercices comme on passe à la caisse... ou presque, parce qu’il y a ce ptit lien social – Toi t’es encore jeune et pas encore trop impacté, donc t’as droit aux encouragements du coach, comme les sportifs ; à la ptite étudiante d’à côté le traitement paternalo du loup bien attentionné, et aux trimards plus agés, les seniors essouflés, un cocktail moral plus sévère, pour piquer leurs fesses molles de contribuables installés... le tout sur arrière fond de radio pub sucrées... Antichambre, donc, des accidents en tout genre, mais surtout, boite noire des ratés de la performance, cellule de remobilisation techno-assistée, où ton serviteur lui-meme affirme prendre part à la course au dépassement de soi… : 6 entorses à son actif de coureur acharné… et demain l’humain augmenté...

Y repasser le pied

Bon, c’est pas le tout – Reprise des hostilités - Après moult textos « cherche metallier, urgent, répondre ok », moult appels, « positionnements », flottements, et non-réponses – et surtout après un bon gros sabrage de CV genre tableau tout propre à re-remplir, le sésame s’ouvre enfin : « c’est bon pour toi tu commences lundi, oublies pas les feuilles d’heures ». Mission accordée chez MetalTruc le long de la RN12, cette bonne vieille artère/showroom du corps patronal breton, à deux pas d’un chef-lieu qui ronronne, sous les supersoniques de l’armée du « monde libre »...

Mais alors, pourquoi toi, pourquoi cette fois-ci, pourquoi ici ? Parce qu’y a eu un blessé, pardi ! Quatre points de suture à la main, la meuleuse tronço qu’a glissé... le genre de plan où la porte s’entr’ouvre à nouveau, plus de temps à perdre, t’y repasses le pied !

Expédition

Camtar, popote, brosse à dent, réchaud, bouffe, et la ptite goutte - partir la veille pour une semaine, éviter le rush – mais où se caler ? Ya bien cette aire de C.C, à coté du rond point de super u mais paie le bruit... Tu t’avances vers la zone - tiens, là , une bonne grosse place peinard le long de la cloture qui protège les marchandises-trophées du fameux construktor régional de remorques PL, au moins tu peux y pisser sans problème... - Mais merde...! Depuis une heure qu’t’essaies, pas réussi à pioncer à cause des infrabasses d’aeration qui traversent ton chalet de fortune et tes boules kiès – Il fait déjà tard, tu rallumes, tu bats en retraite te caler autour des dernier hashélém du cru, là au moins tu dors…

Le Ptit Matin, l’heure des braves...! Tu perds pas de temps, ptit caf et direction la Zone, traverser la voie express, hangard blanc, nu, signalétique brute, Quatre poutres vers le ciel, les bureaux entre elles, ça ressemble à rien, si ce n’est la dernière boîte où t’as sévi, meme calibre… Les grilles sont fermées, y a la queue sur le coté, c’est 7h50 – avant l’heure c’est pas l’heure…chaque vehicule qui attend là défie le matin gris, impatient d’en découler - et ton vieux coucou qui couine, cocote branlante dans le paysage impeccable des PME, viendra craquer une marche arrière entre la 307 autocollants tribal jeune permis et la r19 fumante et couinante du sieur 8-6...

À l’Atelier

Porte arrière, celle des braves - pas vaste, le vestiaire - poignées de main raides en série, entre sardines, regards fuyants. Tous les casiers sont pris ; va falloir caler tes affaires au d’ssus, dans la poussière..., ambiance mirettes collées, premières blagouzes grasses qui percent les dernières rêveries et souvenirs d’oreillers, ou le néant du dernier pétard... promiscuité de corps mâles, ou censés le montrer, gestes brusques, sonores, et toi, grand point d’interrogation en bleu keuss et trop propre...

La minute « syndicale », tout le monde en tenue de combat, en demi-cercle, quelques clopes au bec, le vent qui s’engouffre, droit de fumer à l’intérieur, recueillement, silence, blagouzes, quelques regards complices, puis le gong invisible...! Reprise des hostilités – Poste Radio Makita qui crache - ça tombe bien t’es juste à coté…

Top départ - qui au débit plasma,à la scie à ruban, qui au pliage, qui à l’assemblage, la journée perpétuelle qui reprend son cours, et le fendt qui râle.

Toi, c’est les garde-corps, oui, c’est ça, des rembardes, quoi... Yen a des kilomètres à faire pour une MFR (maison familiale rurale). C’est du gros, c’est du lourd, fastoche à souder, beaucoup moins quand faut le retourner, avec le pont roulant que tu squattes déjà depuis 5 minutes paceque tu manques d’assurance avec c’te bestiole, à moins de mettre le turbo et d’écorcher quelqu’un ou quelque chose...

Le chef déboule, et commence ses allers-retours sur l’allée centrale, un piquet sur pattes, l’index détaché vers le sol, une, deux, une deux, le pas en cadence, comme les vieilles dames de service psycho-rigides à l’école ; il zyeute, s’arrête, remarque, « Ah bon t’as fait ça ? Mais t’as oublié ça ! » - Comment il réagit le nouveau ? Stimuli – Stress – Réaction – Erreur - Négociable ? Pas négociable : Surlongueur - tu coupes et tu re-soudes -
Pour les consommables, faut lui demander...

Dans la poussière, Ya des gueules

Ton premier binôme, jeune bogosse asiat’ aux dents défoncées – smartphone geek, ou juste ennuyé - aura pour tes premiers jours sa double ration de travail – contrôler ton ouvrage - ça le gave et il te le fait comprendre en grimace, à moins que ce ne soit le bruit...On fera bien gaffe de séparer tes ouvrages des siens, histoire de savoir ce que tu vaux...Lui ne tardera pas à partir à l’inox, au privilège de souder plus propre, et demandera pas son reste, ni ne t’adressera la parole, question d’algorythmes identitaires, ou d’ambiance au travail...

Tiens ! Au débit, deux mecs de la forma’ soudure... réceptionnent et coupent la came aux longueurs commandées – avec professionalisme et résignation – tu te souviens qu’un d’eux roulait bien des mécaniques quelques mois avant dans les vestiaires pisseux de l’afpa… là c’est six pieds sous terre... toujours sollicités pour couper ci ou ça, toujours au dernier moment, le reste du temps, les yeux collés à la feuille de débit… L’un, en galère de thune, va partir à l’armée, apparemment soulagé, l’autre en vient mais depuis galère... Courtois, appliqué, les épaules lourdes d’autre chose... ça transpire net sous le sweat et la barbichette... Et on comble sans broncher les boulettes sur les plans baclés, les consignes contradictoires du chef et les demandes expresses du collègue d’en face...

Moins résigné, moins farouche, ya ton collègue d’interim, trapu, les yeux rieurs, et la tignasse rêveuse, qu’hésite pas à critiquer le manque de matos de sécu et nous rappelle qu’on vient pas de nulle part et qu’on est pas des pions...

Ya l’ainé, gueule de caverne, yeux de lynx, bouche qui tête, ptites lunettes rondes, chef officieux de la bande des gaziers, un arrière fond violent, qu’a le droit de prendre du recul et des pauses clopes quand ça lui chante, toujours éméché, le regard vitreux mais c’est pas bien grave, il bosse bien et il serre les pognes comme personne… le premier jour il t’a tendu la perche du dominant, t’as pas bronché, t’as établi une distance, t’as montré que tu suces pas. Alors sa langue de serpent, il la réserve pour les autres, chez qui y a du répondant, le soir dans les vestiaires...

Intermède Radio

Entre deux ouvrages, ton corps s’aligne aux crachins inaltérables du poste Makita de chantier... Radio pouette, radio pisse, crache ses tubes 30 fois par jour, attentat sonore, comme à la piscine que tu pratiques tous les soirs, ou même au café du coin, question de territoire... conquis par l’armée et le patronat... changer de station ? Bah non ya que celle-là qu’on capte, les autres c’est de la parlotte..

jeu à la con, 250 balles à la clef, 10 jour d’appels pour trouver enfin, cet objet masculin, détecteur de métaux, chaque auditeur appelant est rappelé par son emploi (« vous etes infirmière... »), ambiance ideologie du travail famille patrie en barres brutes, les râles de plaisir mal à l’aise poussés par la gagnante, - éros – argent et le flash de pub, carrefour, couches pampers à moins 10 pourcent,
au jeu de la semaine pro ils te paieront ton plein de gasoil, restes à l’écoute...

Des gueules, suite...

Ya le nouveau, G., Navalsoudeur, arrivé là faute de mieux, poids lourd, gestes amples, grosse et grande gueule, dégarni, grimace en coin. Il communique par salves comme si on est tous des grands oiseaux qu’évitent les balles, plaît au chef, efficace, rentre dans le moule...

Ya gueule de rat, queue de cheval, teint de pierre, ka fait chier ton pote au départ... un caca nerveux pour un outil... l’autre jour à la soupe, plus calmé, après que t’aies éteins la télé, te rappelle qu’ici au moins, ça marche pas au code-barre ou à la sanction automatisée...alors forcément c’est p’têt old school mais « on est pas trop mal »…

Ya le jeune fougueux d’enface, au débit plasma, avec son geste parfait, au pied de biche, détache les platines hors de la tôle, chorégraphie du ptit roi dans son petit château... gueulard, joueur, aime balancer des morceaux de ferraille à ses collègues

Ya un autre collègue de l’afpa, djeun ancien de marine lui aussi, celui qui faisait des animaux exotiques et qui faisait partie des bons... Il est à la pose, déplacement hotel à Dinard, le plan money blin bling, avec les indemnités et tout ; te confie que c’est la merde avec son binôme, font la course sur la route en mode qui qu’a la plus grosse...Avoue qu’il commence à développer un rictus côté droit quand il en peut plus de ce mec et qu’il ravale sa bile… « jte jure ça rend con »...Mais avec sa meuf en cloque du deuxième qui va devoir retourner à KFC, surtout pas s’arrêter…

Ah ! Et ouais, ya les admin, - le « Salut, ça va ? » 6 ou 7 par jour, poignée de main vive, brêve, ou molle, toujours fuyant, le regard, déjà ailleurs… et la dessinatrice qui tape la bise, et se barre tout aussi vite, sent la framboise car fume de la framboise, porte la trace du monde feutré des bureaux, seule meuf qui pénètre l’atelier...

Fin de partie

Inutile de te trahir...ton côté dillétante et un peu gauche... tout ça à travers le prisme du rendement… et sous les yeux accusateurs d’un petit chef en mode caricature – compenser avec virilisme, tu sauras jamais faire aussi bien qu’eux, tes antidotes : « organiser ton poste », regarder le chef dans les yeux, pas tendre la joue, flegmatique... et freiner le café sinon ton squelette parle à ta place...
De toute façon ça sent la fin, il t’a mis au perçage magnétique, sur des machines fatiguées, tu ripes, tes gants font la gueule, de l’huile de coupe dans les cheveux, après deux semaines de garde corps, deux jours de trous, et puis l’annonce : « on arrête ce soir, ton rendement c’est trop limite, faut rentrer dans le bain... » OK, merci bien, t’en rajoutes pas, tu te casses… 700 balles et t’auras ta prime d’activité...

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