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Août 1935 – Émeutes à Brest : La journée du 7 août (Partie 4/6)

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Il y a 80 ans Brest était le théâtre de plusieurs journées d’émeutes contre un ensemble de mesures que l’on qualifierait aujourd’hui « d’austérité » ; l’occasion de revenir sur un épisode méconnu de l’histoire de notre ville. Une série d’articles sera donc publiée, revenant sur le contexte qui a déclenché ces émeutes, faisant une description de ces journées et tentant d’expliquer ce qui s’est déroulé à ce moment. Ceci est la quatrième des six parties de cette série d’articles.

La journée du mercredi 7 août

Le matin, à la reprise du travail, les forces de l’ordre semblent ne plus occuper l’arsenal comme ils le faisaient la veille, mais se contenter de garder ses portes ; en réalité nombre de gendarmes, gardes mobiles, forces de polices et soldats venus de tout l’ouest sont massés et dissimulés aux entrées de l’arsenal. L’ambiance est tendue, les ouvriers parlent des événements de la veille mais reprennent le travail, excepté ceux du Dunkerque, le chantier où travaillait Joseph Baraër. Ils envoient un délégué à Charles Berthelot (secrétaire des syndicats confédérés). À sa demande ils reprennent le travail « mais en faisant preuve de mauvaise volonté » (Ouest Éclair du 8/08/1935). Au même moment en ville, des tracts du Secours rouge international sont distribués, appelant « la population laborieuse, les petits commerçant et petits fonctionnaires à protester le soir à 18 heures à la Maison du Peuple, contre les événements de la veille ».

Le matinée se déroule normalement, mais à 13h30, à l’issue du déjeuner, les ouvriers du Dunkerque débraient, ils se promènent dans l’arsenal en chantant L’internationale derrière des drapeaux rouges et noirs. Les autorités prennent les devants pour éviter tout débordement à l’intérieur de l’arsenal et font sonner les cloches annonçant la fin du travail. Les groupes d’ouvriers sortent de l’arsenal et défilent dans la rue pour rejoindre la Maison du Peuple où entre 4000 et 6000 ouvriers se retrouvent pour un meeting. Les discours des dirigeants syndicaux se succèdent, appelant tous au calme : syndicats confédérés de l’arsenal, syndicat des instituteurs, C.G.T … Alors qu’un hydravion surveillant le centre-ville survole le rassemblement dans un vacarme assourdissant, Drapier annonce que les funérailles de Joseph Baraër auront lieu le lendemain et invite tous ses camarades à s’y rendre ; pour aujourd’hui il leur demande de se disperser dans le calme.

Environ la moitié des ouvriers semble suivre les appels au calme et rentrent chez eux. Sachant que les autorités ont pris un arrêté préfectoral interdisant les attroupements sur la voie publique dans toute la ville, ce serait donc entre 2000 et 3000 ouvriers (sur les 6000 travaillant à l’arsenal) qui vont participer aux événements qui suivent.

Cette fois il n’y a pas de parcours prédéfini ni de cortège unique. Rapidement, avenue Clemenceau, les premières pierres et bouteilles sont jetées contre des gardes à cheval qui répondent en chargeant violemment les manifestants, refoulés rue Jean-Jaurès, rue de la Vierge et avenue Clemenceau.
Des affrontements avec les forces de l’ordre éclatent et des barricades sont dressées un peu partout en ville. Les gardes chargent à de nombreuses reprises et des personnes sont blessées, les barricades sont détruites puis remontées à l’aide de pavés, de madriers, de matelas, les forces de l’ordre régulièrement attaquées. Rue Yves Collet, des mobiles qui viennent d’être assaillis par surprise se mettent à fouiller tous les passants, ce qui déclenche des vagues de protestations. Alors que les gardes à cheval chargent une barricade avenue Clemenceau, les émeutiers s’enfuient en incendiant une guérite de gardien de square. Les affrontements sont diffus dans tout le centre-ville : selon les termes du préfet M. Larquet, les émeutiers sont « dispersés par groupes de 50 individus opérant à la fois dans les quartiers les plus opposés avec une rapidité et une audace incroyables ».

Vers 20 heures environ, 1500 manifestants, qui ont sans doute passé une bonne partie de leur après-midi tantôt à monter des barricades tantôt à être pourchassés par la police, semblent maintenant regroupés dans le centre-ville près de la préfecture maritime. Il est difficile de dire quelle est la situation à ce moment-là, mais la violence de la riposte qui va venir et les archives disponibles laissent penser que les manifestants tiennent fermement plusieurs rues, dont les accès à la préfecture maritime, et ne sont pas vraiment enclins à « rentrer calmement chez eux »...

Barrage des gardes-mobiles rue de Siam et au carrefour avec la rue d’Aiguillon


Alors que les forces de l’ordre sont conspuées et que L’internationale retentit, les gardes à cheval chargent sabre au clair rue de Siam et place Anatole France. Pris de panique, les manifestants se réfugient dans les couloirs des immeubles et derrière l’hôtel des P.T.T. où de nombreuses personnes, frappées à coup de crosse, s’écroulent sur le trottoir. L’un d’eux, l’ouvrier Le Deuffic, ne se relève pas, il tombe dans le coma et meurt quelques jours plus tard. C’est le deuxième mort de ces journées d’émeutes.
Les émeutiers répliquent à coup de pavés, les blessés se comptent par centaines. Les hôpitaux ne suffisent plus, les pharmacies et même les cafés et les magasins du centre reçoivent les blessés ; parmi eux il y a des enfants.

À 22 heures les manifestants se rendent au palais de justice où sont jugés en flagrant délit les manifestants arrêtés en divers points de la ville mais les gardes mobiles dispersent le rassemblement. Les manifestants se dirigent ensuite vers le poste de police de la rue Anatole France, qui est assiégé. Les gardes tirent une dizaine de coups de revolver, deux manifestants sont blessés et arrêtés. Les manifestants se regroupent dans la rue Jean Jaures, où ils dressent une barricade mais sont à nouveau dispersés, peu après deux agents sont assaillis à coups de feu. De nouvelles barricades sont élevées rue de la marie, elles sont aussi enfoncées et les manifestants dispersés. 200 manifestants continuent d’affronter les coloniaux et tentent de monter des barricades… La police redouble d’effort pour maintenir ses barrages, il y a de nombreuses arrestations.

Vers 23h le calme revient, il y a de très nombreux prisonniers parmi lesquels un tri va être opéré, les retenus sont incarcérés au Bouguen.

Suite à cette journée, décision est prise de fermer l’arsenal le lendemain. La préfecture publie aussi deux arrêtés, un interdisant tout rassemblement ou cortège sur la voie publique dans la ville de Brest et sa banlieue, l’autre prescrivant jusqu’à nouvel ordre la fermeture à partir de 22 heures de tous les établissements publics (cafés, restaurants, hôtels…)

Voir la carte de Brest en 1935

Août 1935 – Émeutes à Brest : Contexte politique et local (Partie 2/6)
Août 1935 – Émeutes à Brest : La mort de Joseph Baraër (Partie 3/6)
Août 1935 – Émeutes à Brest : Retour sur … (Partie 6/6)

Source des photos et carte : Archives de la mairie de Brest

Sources d’information :
Archives Ouest Eclair 1935 (Disponible en ligne sur le site de la BNF)
J’ai essaye de comprendre – André Calvès (Mémoires)
Chroniques d’une section communiste de province – Eugène Kerbaul
Libertaires mes compagnons de Brest et d’ailleurs – Réné Lochu

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